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Julien Quercia : « Je n’ai évidemment jamais fait de CV »

Par Raphael Gaftarnik
Julien Quercia : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n&rsquo;ai évidemment jamais fait de CV<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À seulement 28 ans, Julien Quercia a été contraint de mettre un terme à sa carrière. La faute à une blessure persistante qui n'altère en rien les souvenirs de l'ancien Sochalien. Entre le Doubs, la C1 hier et le Pôle Emploi aujourd'hui.

Deux semaines après avoir pris ta retraite, comment se déroule ton quotidien ?

C’est assez spécial, ça fait bizarre. Je me suis inscrit à Pôle Emploi. Chose qui ne m’était jamais arrivée étant donné que depuis que j’ai 14 ans, j’étais salarié d’un club. C’est la première fois que je me retrouve sans emploi. Après, c’est sûr qu’à part ça, c’est très difficile d’arrêter sa carrière à cause d’une blessure. On essaie de tourner la page, j’essaie de m’occuper autrement, et du coup, je prépare le déménagement. Je vais retourner habiter dans ma région d’origine, à Thionville. Y a une page qui va se tourner, on va partir dans deux semaines.

Au Pôle Emploi, ils t’ont demandé dans quel secteur tu voulais travailler ?

Oui. En fait, ils te demandent exactement dans quoi tu recherches du travail, comme une personne normale, quoi ! Ce que tu veux en salaire, en métier, ils te demandent de fournir un CV. Évidemment moi, je n’en ai jamais fait. Je leur ai dit : « Écoutez, aujourd’hui, je ne sais pas encore ce que je veux faire. » Maintenant, je suis ouvert à tout ce qui touche au foot. C’est-à-dire entraîneur ou recruteur dans un centre de formation, travailler dans les médias en tant que consultant. Le foot est la chose que je connais le plus, dans lequel j’ai le plus de compétences. Je vais voir ce que je vais avoir comme propositions. Et puis, je verrai peut-être pour poursuivre mes diplômes d’entraîneur, parce que j’en ai déjà une partie. Je les ai passés juste après mon bac, j’ai mon BEA. Même s’il reste encore du chemin.

Est-ce un pincement au cœur d’avoir été contraint de stopper ?

C’est un sentiment un peu mitigé. Déjà d’arrêter sa carrière, ensuite de partir d’une région où on était très bien et où on s’est fait beaucoup d’amis et de connaissances. Après, le fait de retourner chez nous, on en est contents, mais c’est aussi l’inconnu, car on n’a jamais réellement habité là-bas. Je suis parti de chez moi quand j’avais 13 ans. Et puis ici, on était réellement bien.

À quel moment la décision est apparue inévitable ?

Déjà, ce n’est pas moi qui ait décidé d’arrêter, on m’a contraint à arrêter ma carrière. Les médecins de la Sécurité sociale et de la médecine du travail ont décidé que je ne pourrai pas guérir. C’est eux qui ont décidé de m’arrêter et tu peux rien dire. J’ai été déclaré inapte pour mon métier et après, vu que je suis déclaré inapte, comme tout salarié dans le même cas, tu es licencié.

Le médecin du club avait-il le même avis ?

Ils ont dû se concerter. Ils m’ont tous dit ça. Après, on verra d’ici 6 mois, un an, deux ans, peut-être que j’aurai moins mal, je ne sais pas. Mais sur le moment, c’était une triste réalité. Je pensais vraiment pouvoir revenir, jusqu’à temps qu’on me dise « bah non, faut que tu arrêtes, c’est comme ça » . Bon, tu t’y prépares quand même quand tu vois que tu n’arrives pas à reprendre, que tu as mal.

Pour revenir sur tes débuts, tu hésitais avec le tennis…

Je jouais, mais je n’ai jamais vraiment hésité en réalité. J’ai toujours préféré le foot au tennis. Quand j’avais les deux en même temps, je privilégiais le foot. Après, j’adorais le tennis et je n’étais pas mauvais, je gagnais souvent. J’ai réalisé de belles choses. J’ai été à Roland-Garros, j’ai fait les championnats de France. J’ai joué contre Ouanna, Monfils… Ce sont des bons souvenirs, mais ils étaient très très forts. Quand j’ai arrêté, j’étais 9e français, mais entre les 2-3 premiers et nous, il y avait un sacré écart.

Finalement, tu rejoins le centre de formation de Sochaux…

C’étaient des super souvenirs. Ma première saison en 15 ans nationaux était magnifique. En plus, j’avais un coach qui était et restera le meilleur que j’ai jamais eu : Philippe Anziani. Il nous a suivis pendant toute notre formation, c’était magnifique de pouvoir travailler avec, il nous a tout appris. La première année, je crois que je marque 45 buts. En plus, c’est cette année-là que j’ai rencontré mon meilleur pote dans le foot, celui qui est devenu parrain de mes enfants, qui fait partie de ma famille désormais. Jérémy Deichelbohrer, il était pro, il a joué à Sochaux, Dijon, Tours.

Tu arrives en plus à une époque où le club est prometteur.

C’était un super centre, avec de superbes installations. L’équipe était très bien, il y avait la Coupe d’Europe, une superbe équipe avec Frau, Pedretti, Santos… C’étaient les belles années. On allait les voir en match, à l’entraînement. Quand je suis monté dans le groupe pro, j’ai joué avec certains, j’en ai croisé d’autres sur le terrain. C’étaient mes idoles. Mais moi, je préférais Frau, question de poste.

Au moment où tu espères passer pro, Sochaux ne t’offre finalement pas de suite le contrat. Comment as-tu réagi ?

Après mes 3 années de contrat aspirant, ils ne m’ont pas tout de suite signé stagiaire pro. Ils m’ont laissé amateur pendant 5 mois, je crois. Je crois qu’en 15 matchs, j’ai marqué 8-9 buts et du coup, ils m’ont fait signer tout de suite après. Mais sur le moment, c’était une déception, surtout parce que ça voulait dire qu’ils ne croyaient pas réellement en moi, alors que j’avais fait de très bonnes saisons avant. Et la deuxième chose, ils me disaient que j’étais trop petit. Du coup financièrement, c’était très dur. En n’étant pas stagiaire pro, je gagnais moins d’argent, et mes parents ne pouvaient pas payer et m’aider en dehors du peu que je gagnais. C’était compliqué, il a fallu reprouver qu’ils s’étaient trompés.
J’ai été vraiment impressionné par Zlatan, contre le Milan AC. Dans le couloir, j’ai regardé ses pieds, il faisait du 58 ! Vraiment, c’était fou

Tu en as voulu aux dirigeants ?

Ils m’ont vexé, il faut dire la vérité. Mais ça s’est arrangé avec le temps.

Lors de ta première saison en Ligue 1, tu n’es pas pourtant pas très prolifique. Était-ce l’adaptation à un niveau plus élevé ?

C’est très simple, la première année, j’ai fait 9 poteaux. Je joue 33 matchs, 26 en tant que titulaire, je marque 2 buts en championnat, 2-3 autres en Coupe. Le tournant de ma carrière, il est là, entre guillemets. Je pense que ces 9 poteaux et mon manque de réussite cette année-là, c’est un tournant de ma carrière. Je pense que j’aurais été plus visible, ça m’aurait donné plus de confiance et puis d’autres clubs se seraient intéressés à moi. J’ai quand même beaucoup joué cette saison-là et on gagne la Coupe de France. Sincèrement, je me disais que c’était un manque de réussite. Je ne comprenais pas, j’avais toujours marqué des buts. C’était pas question de s’adapter au monde pro, car je les avais, les occases, j’avais le niveau ! Mon point fort, ça a toujours été le sens du but, mon déplacement. Même si je marquais à un ou deux mètres des buts, c’est quelque chose d’inné. Cette année-là, j’ai quand même la réussite d’être bon, de faire des passes décisives, il y avait des penaltys sur moi, donc j’étais décisif dans un autre sens, mais celle du but me fuyait.

Surtout que la concurrence était forte à Sochaux…

Quand j’ai joué, il y avait Dagano, Le Tallec, Grax, Alvaro Santos, Birsa… Mais le coach me faisait vraiment confiance et me donnait beaucoup de temps de jeu. Et même si je ne marquais pas, j’étais important pour l’équipe.

Cette saison-là, Sochaux remporte la Coupe de France contre Marseille. Pourtant, tu ne joues pas la finale. Était-ce une déception ?

C’est un grand regret pour moi, d’autant que j’avais joué tous les matchs avant. J’étais dans le groupe de la mise au vert et 5 minutes avant qu’on rentre dans les vestiaires, le coach devait enlever deux joueurs. Je ne pensais vraiment pas que ça allait être moi. J’avais joué toute la saison, et en demies, c’est moi qui fait les deux passes décisives. Vraiment, j’étais loin de penser que j’allais sortir. Et là, la douche froide. J’étais effondré, avec Micka Isabey. Il était capitaine, et moi, j’étais le jeune qui montait. C’était assez hallucinant. Et là, Perrin, avec qui ça s’était très bien passé toute la saison – d’ailleurs, je ne lui en veux pas plus aujourd’hui, car il avait raison -, il nous a dit « Désolé les gars, je vous prends pas tous les deux parce que je pense qu’aujourd’hui, ça va se jouer dans le jeu aérien et comme vous êtes les plus petits, je ne vous prends pas. » . Et bah, il y a eu 2-2, 4 buts de la tête. Qu’est-ce que tu veux que je dise ? En plus, on la gagne. J’ai pris mon trophée, j’ai pris le palmarès, j’ai pris la prime (rires) et puis c’est tout. Pendant le match, j’étais dégoûté, mais après, j’étais tout de même heureux. On avait fait une bonne fête à Paris, et ensuite à Sochaux. Les gens étaient super contents, on a fait un tour dans le bus. Comme la Coupe du monde quoi !

À l’issue de cette saison, tu quitte le Doubs pour Auxerre. Pourquoi ce choix ?

Tout simplement car Perrin part et que Hantz arrive. Cela ne se passait pas très bien, donc j’ai fait que les 6 premiers mois et je pars. On s’était pris la tête plusieurs fois, il y a eu des accrochages. J’avais l’impression qu’il ne me faisait pas confiance, j’avais beaucoup joué l’année d’avant et j’avais l’impression que je devais tout reprouver. En plus, le club avait besoin de rentrer de l’argent pour passer la DNCG. Je suis le seul qui a reçu une proposition. Ils m’ont dit : « Écoute, on doit faire entrer de l’argent, donc comme t’es le seul à avoir reçu une offre au 30 janvier, on te laisse partir, on est obligés pour stabiliser le club. Mais c’est toi qui choisis » . Et puis, partir à Auxerre à ce moment-là, c’était grimper en échelon. C’était un club qui avait toujours été en L1, qui avait joué la Ligue des champions. C’était un meilleur club que Sochaux.

Pourtant, la réussite te fuit toujours…

Fernandez me dit qu’il va me faire confiance, qu’il va me faire jouer de suite. C’est le cas au début, où je joue 3-4 matchs d’affilée, mais je suis moyen, j’ai eu un temps d’adaptation au système de jeu, car c’était pas pareil qu’à Sochaux. On jouait en 4-3-3, alors qu’à Sochaux, c’était un 4-4-2. Je jouais à droite, alors que j’avais toujours joué attaquant. Et sur les 6 derniers mois, j’alterne entre le banc et le terrain. Au mois de juin en revanche, j’ai une discussion avec le coach, qui me dit que je vais avoir plus de temps de jeu, et il me dit « Y a pas de soucis, si tu travailles et que t’es bon, tu vas jouer » . Alors je me remobilise. Je joue 15 matchs, je marque 4-5 buts, j’étais très bien. Et puis là, je me blesse au genou. Je mets un an à m’en remettre. C’était mon premier pépin physique. J’ai eu trois grosses blessures dans ma carrière, mais à part ça, ça a toujours été.

Tu as quand même l’occasion de jouer la Ligue des champions.

C’était le plus beau moment de ma carrière. La Ligue des champions, c’est extraordinaire. Le stade Bernabéu, celui du Milan AC, l’Ajax, c’était extra. Là, c’est le top du top pour un joueur de foot.

Ça a dû te changer de Bonal et l’Abbé-Deschamps.

C’est clair ! Mais c’est surtout la musique. Quand tu entres sur le terrain avec cette musique… Tu as des frissons, c’est magique ! Tu te dis que ce n’est pas la même dimension. Tu vois que les mecs ne font pas du tout le même métier.

Du coup, qui t’a le plus impressionné à l’époque ?

Clairement Zlatan. Il était au Milan à ce moment-là et quand on fait le premier match contre eux, à Milan, Zlatan était debout, contre le mur quand je suis arrivé dans le couloir, je l’ai vu. Et là, j’ai été impressionné, j’ai regardé ses pieds, il faisait du 58 ! Vraiment, c’était fou.
Meïté me tacle par derrière et ma jambe se casse en deux. J’ai pas mal, mais je me rends compte de ce qu’il va se passer. Ma cheville était dans le vide.

Tu as échangé avec certains ?

J’avais discuté un peu avec Pato, parce que je parle italien. Je lui avais demandé son maillot. C’était impressionnant. Mais c’étaient 6 mois magnifiques, un peu hors du temps. Et même si on est éliminés ensuite, on était tous heureux parce que quitte à jouer la Ligue des champions, autant jouer contre le Real, Milan et l’Ajax. Contre le Milan, quand j’ai joué le retour à Bonal, la charnière, c’était Nesta-Thiago Silva et là, ça fait bizarre. C’était pas tellement niveau physique, mais niveau tactique, ils étaient partout, leur placement était parfait. C’était très difficile.

Après ce parcours, tu rejoins Lorient. Encore un club « familial » …

C’est un très beau club, surtout depuis qu’il y a les nouvelles structures d’entraînement. Lorient, c’est vraiment un super club. Après, c’est dans le même esprit que Sochaux, sauf qu’il y a la mer ! Bon, tu te baignes pas, mais pour te balader avec les enfants sur la plage, c’est quand même super agréable. C’est un super cadre de vie. On était super contents, j’ai été tout de suite en confiance avec le coach.

Tellement en confiance que tu chantes Toto Cutugno lors de ton bizutage.

C’est possible. Ah oui, je m’en souviens ! J’ai fait (il chante) : « Lasciatemi cantare con la chitarra in mano… » C’était le genre de trucs qu’on chantait durant mes fêtes de famille. Et comme je suis aussi à moitié breton, en terme de chansons, j’ai de la réserve !

Arrive finalement cette blessure face à Dijon…

J’étais à un très bon niveau, sans doute à mon meilleur. Et là, je prends un tacle par derrière et c’est ma cheville qui est cassée.

Tu te souviens précisément de ce moment-là ?

Oui, exactement même. Je pars en profondeur, un appel un peu sur le côté et là, Meïté arrive par derrière et me tacle. Et ma jambe craque, se casse en deux. J’ai pas mal, pas de douleur, mais je me rends compte de ce qu’il va se passer. Je sais que la saison est finie. Donc que ça va être difficile et très long pour récupérer. Ma cheville était dans le vide.

Tu en veux encore à Meité comme tu l’expliquais encore récemment (dans une interview à Ouest-France, ndlr).

C’est ce que j’ai dit. Oui, je lui en veux, mais surtout parce qu’aujourd’hui, ça se passe comme ça. Je suis obligé de lui en vouloir. Mais après, dans le foot, ce sont des choses qui arrivent et il faut passer outre.

Il est pourtant passé te voir quelques semaines après au cours d’une rencontre improvisée par la presse…

C’était un peu surjoué. Les journalistes avaient voulu faire ça, mais ce n’était pas de son initiative. On en a jamais parlé en dehors, même au téléphone. Mais je n’attendais pas ça de lui, rien de plus.

Finalement, comment analyses-tu ton parcours dans le football ?

Je fais une carrière un peu frustrante, je pense que j’aurais pu faire mieux. Mais je relativise, je suis fier de ce que j’ai fait. J’ai vécu de mon rêve, j’ai gagné un trophée, j’ai joué la Ligue des champions, uniquement en Ligue 1… Dans mon malheur, j’ai eu parfois de la chance. J’ai tout connu dans le foot, des bons moments, d’autres plus difficiles…

Quel est ton meilleur souvenir ?

Y a eu une chose qui m’a vraiment ému, c’était un match avec les Espoirs français. Je joue en Italie devant toute la famille de ma femme et la mienne. Je marque en plus. Jouer contre l’Italie, c’était très spécial pour moi, vis-à-vis de mes origines. Et en plus, de le faire devant ce monde-là.

Maintenant que tu as plus de temps libre, y a-t-il des rêves que tu souhaites satisfaire ?

J’ai envie de jouer au golf. De faire du ski aussi, car je n’en ai jamais fait, ça me donne envie. Peut-être rejouer au tennis un jour, si mon corps le permet. Au niveau pro, je ne sais pas encore, je verrai ce qu’on me propose. Je vais tâter le terrain et on verra ce qu’il se passe, sans me précipiter.
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Par Raphael Gaftarnik

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