- International – Allemagne
Julian Nagelsmann, le temps de l’expérimentation
Contrairement à ses prédécesseurs, Julian Nagelsmann semble prendre la Ligue des nations au sérieux. Première de son groupe, l’Allemagne est déjà assurée de disputer les quarts de finale avant d’affronter la Bosnie-Herzégovine, puis la Hongrie. De quoi permettre au sélectionneur de la Nationalmannschaft de bâtir une nouvelle ossature avec le Mondial 2026 en ligne de mire.
Lors d’un gala organisé par la fédération bavaroise de football le week-end dernier, c’est en costume traditionnel que Julian Nagelsmann est venu dire quelques mots au micro en sa qualité d’invité d’honneur. Pour l’occasion, le sélectionneur de la Nationalmannschaft s’est fendu d’un petit clin d’œil à la situation politique qui agite actuellement l’Allemagne depuis que le Chancelier Olaf Scholz a écarté son ministre des Finances, le libéral Christian Lindner, faisant ainsi voler en éclats la coalition gouvernementale : « La semaine prochaine, on essaiera de proposer à nouveau deux rencontres qui aideront à oublier le chaos politique qui domine actuellement », ajoutant que si « beaucoup de choses ne vont pas » en Allemagne, « il y en a aussi beaucoup d’autres qui fonctionnent bien ».
Sa Nationalmannschaft par exemple. Seule en tête de son groupe, l’Allemagne est déjà qualifiée pour les quarts de finale de la Ligue des nations et peut, dès samedi face à la Bosnie-Herzégovine, valider officiellement sa première place et envisager le prochain tour – en mars 2025 – dans la position de grandissime favorite. « Pour nous, une première participation au Final Four est une étape intermédiaire importante sur la route du Mondial 2026 », confirmait le sélectionneur de 37 ans en conférence de presse.
Nouveaux joueurs pour nouvelle ère
Après le succès (ou l‘échec, c’est selon) en demi-teinte du Heim-EM, l’Euro à domicile, Nagelsmann n’a pas baissé les bras, bien au contraire. S’il ne cache pas son ambition d’aller jusqu’au bout lors de la Coupe du monde nord-américaine, le Bavarois sait aussi qu’il a du pain sur la planche, en premier lieu parce qu’une flopée de cadres historiques (Neuer, Kroos, Müller, Gündoğan…) ont raccroché leurs crampons internationaux depuis et que, un peu plus d’un an après sa nomination sur le banc de la NM, l’heure de construire l’avenir en profondeur a sonné. Alors pour ce faire, Nagelsmann tente des trucs, comme appeler de nouvelles têtes dans son effectif. Depuis sa prise de fonction, ce sont pas moins de 15 petits nouveaux qui ont fait leurs débuts sous le maillot blanc. Certains, Robert Andrich en tête, font désormais partie des cadres, d’autres, à l’instar de Tim Kleindienst (seul vrai numéro 9 titularisable en l’absence de Niclas Füllkrug, blessé) sont encore en phase de confirmation.
Dernier appelé en date : le portier remplaçant de Manchester City Stefan Ortega Moreno qui, s‘il est titularisé contre la Bosnie ou la Hongrie, trois jours plus tard à Budapest, viendrait, malgré ses 32 ans, confirmer la cure de rajeunissement menée par son coach. Et avec la nouvelle blessure de ce chat noir de Marc-André ter Stegen, désormais absent des terrains jusqu’en juillet 2025, cumulée au refus de Bernd Leno de venir jouer les suppléants, Dieu sait que l’Allemagne a besoin de maximiser les bonnes options à tous les postes.
C’est d’ailleurs à ce titre que Nagelsmann a tenté le pari Paul Wanner. Âgé de 18 ans, le milieu du Bayern actuellement prêté à Heidenheim a cependant préféré décliner l’offre pour se concentrer sur la sélection espoir. Mais aussi parce qu’il dispose de la double nationalité germano-autrichienne et qu’il se murmure qu’avec la concurrence de Jamal Musiala et Florian Wirtz à son poste, son cœur pourrait plutôt balancer vers le pays de sa mère et la sélection dirigée par Ralf Rangnick. « Je n’ai pas trouvé son refus dramatique, confie Nagelsmann, beau joueur. La décision qu’il a prise est au contraire très mature pour quelqu’un de 18 ans. […] Quand on choisit de représenter sa nation, il faut que ce soit fait avec conviction et fierté, pas parce qu’on aurait de meilleures chances de jouer. Ce ne serait pas la bonne attitude, il faut que cela vienne du cœur. »
Le retour de la culture de la gagne
Effectivement, le sélectionneur semble prioriser les joueurs dont l’envie de défendre l’écusson de leur nation est sincère et entière. Une condition sine qua non qui va de pair avec l’esprit que Nagelsmann veut insuffler à la Nationalmannschaft : « De manière générale, je veux que quand on monte dans le bus pour aller au match, chacun se sente concerné et se dise : “Évidemment qu’on va gagner aujourd’hui, on est l’Allemagne, on est un pays de foot, on gagne.” Et tout ça ne passe que par la constance », analysait-il dans l’émission Blickpunkt Sport. Avec 10 points pris sur 12 possibles avant la réception de la Bosnie à Fribourg, ses joueurs semblent avoir reçu le message cinq sur cinq : « On a un système qui fonctionne, chacun sait quel est son rôle et c’est à mettre au crédit du coach », confirme le néo-capitaine Joshua Kimmich, repositionné arrière droit, en conférence de presse. S’il est certain que l’aura de la Ligue des nations ne dépassera jamais celle d’une compétition de seconde zone, nul doute que la remporter viendrait confirmer le travail de fond entamé par Julian Nagelsmann pour réinventer son Allemagne. Alors, peut-être que le come-back aux États-Unis en 2026 finirait sur une note plus positive que la campagne de 1994.
Par Julien Duez