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Julian Nagelsmann au Bayern, une fausse bonne idée ?
À partir du 1er juillet, Julian Nagelsmann prendra ses fonctions comme nouveau coach du Bayern. Un entraîneur prodige sur le banc d'une superpuissance ? L'idée a de quoi ravir tous les fans. Mais derrière les apparences se cache peut-être une réalité plus funeste pour le jeune technicien de 33 ans. Celui qui risque de heurter les principes sacrés du Bayern par ses foisonnements tactiques devra aussi prouver qu'il a les épaules pour cet environnement brutalement exigeant et volcanique.
Julian Nagelsmann au Bayern, c’est d’abord une évidence. Dès 2015, celui qui n’est alors qu’un prometteur chaperon des U19 de Hoffenheim tape dans l’œil d’Uli Hoeness. Le président du Bayern fait des pieds et des mains pour faire revenir Nagelsmann en Bavière. Revenir ? Oui, car le jeune homme est un Bavarois pur jus, né à 60 kilomètres de Munich. Et ce fan du club a le Bayern dans le sang. L’ancien capitaine des U17 de Munich… 1860 (l’autre club de la ville, qui évolue aujourd’hui en D3) avait déjà rêvé de rejoindre le grand Bayern en tant que joueur. Mais sa foutue blessure au ménisque en 2008 l’a contraint à revoir ses plans. C’est désormais à la tête du Rekordmeister que l’entraîneur en herbe Nagelsmann se voit dans ses songes. « Je suis déjà très très heureux dans ma vie, mais le Bayern me rendrait sûrement encore un peu plus heureux », glissait-il encore en 2017.
Le Bayern dans la peau ? Nagelsmann l’a aussi dans la tête. La mentalité du club, faite de confiance en soi tous azimuts (pour ne pas dire d’arrogance), n’a aucun secret pour le futur ex-entraîneur de Leipzig. Un exemple parmi d’autres ? « Je prévois déjà les trois points », claquait-il avant le choc contre le Borussia Dortmund cette saison. Sa philosophie de jeu colle également à cet ADN : Nagelsmann veut dominer l’adversaire en toute circonstance, avoir le ballon, jouer dans le camp adverse, étouffer l’opposant jusqu’à la nausée au moyen d’un gegenpressing féroce.
Un géant à ne pas trop bousculer
Le retour du prophète dans son pays a donc tout pour maintenir le Bayern au firmament, et même le propulser dans une dimension encore plus transcendante. Méfiance, cependant. La dernière fois que le Bayern a vu débarquer un génie des entraîneurs sur son banc – Pep Guardiola en l’occurrence -, l’affaire avait été plutôt mitigée. Le maître catalan a certes révolutionné le jeu de possession du Rekordmeister, mais ses trois échecs successifs en demi-finales de Ligue des champions attestent que la mayonnaise n’a jamais complètement pris. Le Bayern est un vénérable châtelain attaché à ses traditions, et les cadres du club se sont parfois gratté la tête devant les innovations tactiques guardiolesques qu’ils avaient du mal à assimiler. Au Bayern, on ne s’adapte pas à l’adversaire, c’est l’adversaire qui doit s’adapter à la furia offensive du Bayern.
Or, Nagelsmann est sûrement l’entraîneur le plus « instable » en la matière. Il faut vraiment que le loustic soit malade pour qu’il aligne deux fois de suite le même dispositif. Et en cours de match, c’est encore pire. Nagelsmann n’hésite jamais à modifier son système dès qu’il voit que le besoin s’en fait sentir. Ses joueurs, également, doivent être capables d’évoluer à différents postes. Le Bayern, qui a reconstruit sa gloire sous Hansi Flick grâce à un système et à des principes de jeu stables (voire immuables), risque d’en perdre son bavarois.
Paradoxalement, Nagelsmann est aussi un horloger tactique, qui règle les déplacements et le positionnement de ses joueurs comme des aiguilles. Chaque mouvement, chaque combinaison est le fruit de mécaniques étudiées et huilées avec minutie jusqu’à l’excès à l’entraînement. Bon courage pour brider Joshua Kimmich, Thomas Müller et Robert Lewandowski, qui bénéficiaient d’une grande liberté sur la pelouse avec Hansi Flick.
La girouette Nagelsmann dans la tempête du Bayern
D’un point de vue personnel, Nagelsmann va aussi découvrir l’exigence du très haut niveau à 33 ans. Jusqu’à présent, le scientifique avait tranquillement pu mener ses petites expériences dans ses laboratoires Hoffenheim et Leipzig. Le dogme de la victoire y était moins important que la volonté de faire grandir le club et exploser les jeunes du cru. Au Bayern, Nagelsmann va connaître la pression, la vraie. Celle qui impose de gagner chaque match, de rafler chaque titre. Une demi-finale de Ligue des champions, le meilleur résultat qu’ait connu le jeune entraîneur avec Leipzig l’an dernier, sera considérée comme un revers cuisant dans ce temple de la gagne. Et justement, lorsque la pression des grandes affiches se fait sentir, Nagelsmann a souvent donné l’impression de ne pas être totalement à la hauteur. Cette saison, il s’est montré impuissant en huitièmes de Ligue des champions face à un Liverpool pourtant au fond du trou (0-2, 0-2). Et à Leipzig, il n’a jamais connu la victoire contre le Bayern. La manière, c’est bien. Le résultat, c’est mieux.
Enfin, le Bayern n’est pas réputé pour être un havre de paix parmi les entraîneurs. Ils sont neuf à s’être succédé en douze ans. Là encore, l’exigence du résultat explique beaucoup de choses. De même que l’environnement explosif du « FC Hollywood » bavarois. Même Hansi Flick, qui a pourtant ramené le Bayern au zénith en atteignant des sommets de jeu et de trophées, n’a pas résisté à la pression. Au cœur de cette constante guerre de pouvoir, il a trouvé un sacré client en la personne du directeur sportif Hasan Salihamidžić, qui a fini par le faire céder. Nagelsmann, doté d’un sacré tempérament, devrait avoir du mal à garder ses nerfs face à l’omniprésent Big Brother bosnien. Nagelsmann au Bayern, ça promet de faire des étincelles, mais peut-être pas dans le sens où l’auraient rêvé les fans.
Par Douglas de Graaf