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Jules Rolland : « J'ai eu la chance de voir Zidane trois fois en une semaine »

Propos recueillis par Clément Gavard

Depuis plus d'une semaine, Jules Rolland vit un rêve : vivre les Jeux olympiques de Paris en tant qu'athlète. Le pongiste de 23 ans a le statut de remplaçant en équipe de France, où il est le coéquipier des frères Lebrun. Il partage son expérience et raconte sa passion pour le foot, le Stade rennais et Martin Terrier. Entretien garanti sans « Tcholé ! »

Jules Rolland : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J'ai eu la chance de voir Zidane trois fois en une semaine<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Commençons par le début : tu as eu la chance d’être présent sur le bateau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture. Comment as-tu vécu ce moment de l’intérieur ?

J’avais déjà fait une cérémonie dans un stade aux Universiades à Naples (en 2019) et c’était quelque chose d’extraordinaire. Là, on ne savait pas trop à quoi s’attendre sur la Seine. Quand je suis ressorti, je me suis dit que c’était une idée incroyable. On n’a pas eu de chance avec le temps, mais ça n’a pas gâché la fête. On n’a pas tout vu parce qu’on était sur le bateau, mais traverser Paris comme ça, c’était magnifique. Il y avait une super ambiance, ça a donné de l’énergie à tous les sportifs français. Le point positif aussi, c’est qu’on avait moins à marcher, donc c’était moins fatigant. Il y avait aussi une forme de soulagement : ça fait plusieurs années qu’on travaille dur pour être ici, et on y était enfin.

C’est comment la vie dans le village olympique ?

C’est immense, je ne m’attendais pas à ça. C’est comme une petite ville, il y a un supermarché, une boulangerie, tu as tout à disposition, c’est un truc de fou. Les matelas en carton, ça fait beaucoup de bruit, mais je crois qu’ils avaient les mêmes à Tokyo, donc je n’ai pas trop compris. Je ne dors pas trop mal dedans, ce n’est pas un souci. Pareil pour la restauration, ce n’est pas un gastro, mais ce n’est pas le but non plus et la nourriture est plus que correcte.

J’ai croisé Jenia Grebennikov au petit-déjeuner, ça m’a fait un peu bizarre, je lui ai dit que je venais le voir jouer quand j’étais petit.

Est-ce que ça fait aussi quelque chose de pouvoir côtoyer de près les meilleurs athlètes français ? 

Forcément, c’est impressionnant, même si j’en avais déjà vu sur l’INSEP. J’ai croisé Andy Murray, par exemple. Pour l’anecdote, quand j’étais petit, mes parents m’emmenaient au volley, j’adorais ça. J’aimais beaucoup Jenia Grebennikov, notamment quand son père coachait Rennes (Boris Grebennikov a dirigé le REC puis le Rennes Volley de 2000 à 2014, NDLR), et il se trouve que je l’ai croisé un matin au petit déjeuner. Ça m’a fait un peu bizarre, je lui ai dit que j’allais le voir jouer plus petit, c’était sympa. Quand on voit aussi des sportifs comme Teddy Riner, Florent Manaudou et d’autres qui ont déjà été médaillés sur des Jeux, ils sont tout aussi contents que nous d’être là, c’est super.

On a aussi vu la fascination des sportifs pour Zinédine Zidane lors de la cérémonie d’ouverture. 

J’ai eu la chance de voir Zidane de très près trois fois en une semaine : une fois à la cérémonie, une autre pendant le match de Félix et il est aussi venu au bâtiment France, on a pu prendre des photos avec lui. C’est une idole, on l’a vu pendant la cérémonie, il fait l’unanimité. C’est trop cool qu’il soit venu voir du ping. J’ai même cru à un moment que Félix avait vu qu’il était là, parce qu’il est arrivé et ça faisait 3-0 pour Félix et l’autre a recollé à 3-3 (lors du huitième de finale contre l’Allemand Dimitrij Ovtcharov, NDLR). J’ai eu peur qu’il se soit mis la pression, mais en fait pas du tout, il ne l’avait pas vu. Il était derrière moi, je ne me retournais pas trop, sinon ça aurait fait bizarre. Les autres m’ont dit qu’il avait bien vibré devant le match.

 

L’ambiance à l’Arena Paris Sud était bouillante pour les matchs des frères Lebrun. Comment tu expliques cet engouement pour le ping ?

C’est assez général, j’ai eu la chance d’aller au rugby et au volley, il y avait aussi une ambiance de dingue. Mais c’est vrai qu’au ping, on avait rarement vu ça. On avait déjà eu les Mondiaux 2003 et 2013 à Paris, mais ça n’avait rien à voir, même si on m’a parlé d’une grosse ambiance en 2003. Il y avait pas mal de hype autour de l’arrivée des frères Lebrun, les gens avaient envie de les voir jouer. Les Français sont assez chauvins aussi, ils aiment pousser leurs sportifs. Quand les quatre tables jouaient en même temps, je ne sais pas comment faisaient les autres quand il y avait Alexis ou Félix, je pense qu’ils ne pouvaient même pas entendre la balle. C’était un truc de fou, je n’ai jamais entendu autant de bruit dans une salle de ping.

Qu’est-ce que ça t’as fait de voir Félix aller chercher cette médaille de bronze historique ?

C’était exceptionnel à vivre. Voir Félix, qui a 17 ans, rebondir après sa défaite en demies, c’est monstrueux ce qu’il a fait. Il a montré qu’il était très mature contre un adversaire qui avait battu son frère et contre lequel il restait sur deux lourdes défaites. Il m’impressionne de jour en jour, avec sa force mentale. Il a maîtrisé son sujet de A à Z. Je sais aussi qu’il sera au taquet dès 20 heures pour l’épreuve par équipes parce qu’il a envie d’offrir cette médaille à ses coéquipiers. C’est un super résultat pour un super mec.

Les frères Lebrun sont des mecs hyper simples et très gentils. Ils se font reconnaître tout le temps, c’est des stars !

Au-delà de ces JO, il se passe quelque chose autour de votre discipline avec les frères Lebrun. Tu penses que ça peut durer ?

Ils n’ont que 17 et 20 ans, ça va durer, c’est sûr. Le circuit est diffusé sur RMC, pas mal de gens suivent aussi ça sur Youtube. En plus, les frères Lebrun sont des mecs hyper simples et très gentils, ça les rend attachants. Ils se font reconnaître tout le temps, que ce soit au village ou à l’extérieur, c’est des stars quoi ! Pour nous, ce n’était pas arrivé depuis Jean-Philippe Gatien d’avoir des athlètes aussi reconnus. Ce sont deux gars qui ont vraiment la tête sur les épaules et qui sont très bien entourés. C’est des top mecs et c’est super que ce soit eux qui réussissent à mettre en valeur notre sport.

Tu es sélectionné comme remplaçant avec l’équipe de France pour ces JO, tu as très peu de chances de jouer. Si on devait comparer au foot, ce serait un peu comme Alphonse Areola à l’Euro ? Quel est ton rôle ? 

C’est ça, mon rôle c’est de les accompagner jusqu’à ce qu’ils entrent dans l’aire de jeu. Je dois les mettre dans les meilleures conditions, les tirer vers le haut. Les deux frères sont des gros compétiteurs, ils adorent mettre en place du comptage sur l’entraînement. Ils sont toujours à fond, ce n’est pas un problème. Ils sont plus forts que moi, mais j’essaie de les challenger au maximum et de leur donner du fil à retordre. Ce n’est pas toujours facile, mais parfois j’y arrive. La différence avec les championnats du monde ou d’Europe par contre, c’est qu’on n’est même pas sur le banc en tant que remplaçant. Donc là, je serai normalement en tribunes pour les matchs par équipes. C’est un peu vache, c’est dommage.

Quel sentiment règne chez toi entre la frustration de ne pas pouvoir véritablement participer à un match et le bonheur de pouvoir être présent aux JO ?

Évidemment quand je regarde ça des tribunes, je trouve ça magnifique et j’aimerais jouer dans cette salle. Après, je suis très lucide, les trois qui sont devant étaient inatteignables pour moi, ce n’était pas jouable. Il y a trois ans, je me faisais opérer de la hanche pendant les Jeux de Tokyo donc j’étais très, très loin. Je n’étais même pas dans les dix Français, j’étais loin de penser que je serais ici aujourd’hui. Tout s’est accéléré depuis un an et demi, je n’avais pas de sélection en équipe de France avant 2023. C’est très bien que je sois en numéro quatre, c’était ce que je visais et on verra si un jour je suis capable d’être dans les trois.

 

Quelle place occupe le foot au quotidien entre pongistes ?

En ce moment, il n’y a pas trop de matchs. Simon (Gauzy) est un passionné de sport, il aime bien Toulouse. Alexis est pour l’OM, Félix pour l’OL, mais il n’y en a pas un qui est autant supporter que moi avec le Stade rennais. On se chambre un peu, on fait des petits paris. Je me souviens qu’aux championnats du monde 2022, j’avais parié avec Félix qu’on finirait devant Lyon, c’est ce qui s’était passé (Rires.) Bon, malheureusement, je n’ai pas eu bon la saison dernière.

Comment s’organise ton suivi du Stade rennais entre tes tournois et tes voyages ?

C’est assez rare que je sois en France pendant un mois entier comme en ce moment. Le plus compliqué, c’est en étant à l’étranger. Je ne veux pas louper un match. J’essaie de m’adapter quand je suis en Asie, avec le décalage horaire ça tombe la nuit. Par exemple, lors des Mondiaux en Corée en février, je me suis fait AC Milan-Rennes en replay le lendemain, sans connaître le score. Ça m’arrive de faire ça quand je suis dans l’avion : je désactive toutes mes notifications, les réseaux sociaux. Je l’ai fait pour un match contre Monaco qui se passait pendant un vol Singapour-Paris. Je n’ai pas rallumé mon téléphone en atterrissant, je me suis mis le replay direct en arrivant chez moi.

 

Je reste persuadé que Martin Terrier méritait sa sélection pour la Coupe du monde 2022.

D’où vient cette passion pour le Stade rennais ?

Je pense que ça vient surtout de mon grand-père, qui habite pas loin de la Piverdière. Il m’a souvent emmené voir les entraînements, j’allais aussi au stade. En fait, je voulais faire du foot, mais mes parents n’étaient pas trop chauds. J’ai fait très tôt du ping et du volley. J’ai fait toutes les finales de Coupe de France au stade, j’avais 8 ans pour la première de 2009 contre Guingamp. Depuis 2016, je suis à Paris pour m’entraîner à l’INSEP, donc je me suis mis à faire des déplacements. Le premier, c’était à Arnhem en 2021, j’avais adoré cette expérience et l’ambiance en parcage. Depuis, j’ai pu faire Lorient, Reims, Troyes, Metz, Monaco et j’ai toujours la chance d’avoir mon club à Thorigné-Fouillard, près de Rennes, donc je dois voir six ou sept matchs dans l’année au Roazhon Park.

Sur X, tu as écrit que le 18 juillet 2024 était « un jour sombre » suite au départ de Martin Terrier. Tu avais même repris sa célébration fléchettes après une victoire. Tu es son plus grand fan ? 

J’avais fait sa célébration au championnats du monde sur un match de poules ! C’était quelque chose de prévu, j’avais prévenu le gars de la communication de la Fédé de la filmer, c’était sympa. Terrier l’a partagé sur les réseaux, j’ai même eu un maillot dédicacé à mon retour en France. Ce joueur, c’est la classe sur le terrain comme en dehors. Je reste persuadé qu’il méritait sa sélection pour la Coupe du monde 2022. Il est revenu des croisés, donc c’était plus compliqué la saison dernière, mais je pense qu’il va s’éclater avec Xabi Alonso dans un top club comme Leverkusen. On va revoir le grand Martin Terrier. Il y a beaucoup de rumeurs de départs à Rennes, je suis un peu inquiet pour la nouvelle saison quand même.

 

Qu’est-ce qui ferait le plus mal : une défaite dans un match aux JO ou un départ de Benjamin Bourigeaud ?

C’est dur (Il se marre.) Une défaite aux JO, ça me ferait quand même plus mal, ça me touche personnellement. Mais le départ de Bourigeaud, même si je commence à m’y préparer, ça va faire très mal. J’ai l’impression que le jour où ça va arriver est de plus en plus proche. C’est l’idole, quoi. S’il pouvait finir sa carrière à Rennes, je signerais tout de suite. J’adore le joueur, sa mentalité, il se bat et se donne toujours à fond.

Est-ce que le fait d’être d’être un pongiste rennais, ça a pu t’ouvrir des portes avec le club ou te permettre de rencontrer des joueurs ? 

Non, je n’ai pas eu cette chance. J’avais pu échanger quelques messages avec Martin Terrier et un partenaire qu’on a en commun à mon club avec le Stade rennais m’a invité à deux ou trois matchs. Mais ça se comprend aussi, il y a beaucoup de sportifs dans le bassin rennais, même si ça me ferait super plaisir de les rencontrer.

 

Je pense qu’il y a plein de footballeurs qui pensent pouvoir nous challenger ou marquer des points. Les gens ne se rendent pas compte de la difficulté de notre sport.

Tu penses qu’être footballeur, ça peut donner des prédispositions pour être fort au ping ? C’est le cas au tennis, par exemple. 

Quand on est sportif de haut niveau, on a tendance à assimiler beaucoup plus vite les choses dans les autres sports. Des footballeurs jouent très bien au tennis ou au padel, mais les déplacements ne sont pas les mêmes. Le ping, ça va peut-être un peu vite à un niveau élevé. Quand je vois des vidéos à Clairefontaine, ça joue correct, à un petit niveau départemental et c’est déjà pas mal (Il sourit.) Ce serait intéressant de voir comment ils jouent. Je pense qu’il y en a plein qui pensent pouvoir nous challenger ou marquer quelques points (Il se marre.) Les gens en général ne se rendent pas compte de la difficulté de notre sport, à la télé on ne voit pas trop les effets. J’ai lu un article intéressant dans le New York Times, où ils racontaient que le basketteur NBA Anthony Edwards a dit à l’équipe américain de ping qu’il pouvait leur mettre un point. On nous dit souvent ça, mais c’est comme tout : si je vais sur un terrain de foot et que je prends la place de Bourigeaud, je vais être perdu, je vais être nul (Il rit.) Eux, s’ils jouent contre nous, ça va être très compliqué de nous mettre un point !

On vit plein d’émotions avec des sports qu’on a moins l’habitude de suivre durant ces Jeux. Est-ce que ça ne met pas aussi en avant ce fossé de plus en plus important dans le foot entre les acteurs et les fans ?

C’est vrai que les entraînements sont quasiment toujours à huis clos maintenant, c’est dommage. Quand j’étais petit, j’adorais y aller pendant les vacances, pouvoir voir les joueurs à la sortie, c’était incroyable. Après, ça ne doit pas non plus être facile de se faire aborder au quotidien, même si c’est normal de rendre au public. Je le vois avec les Lebrun, ils ont toujours du monde autour dès qu’ils sortent de la salle de ping, les joueurs ont aussi besoin de tranquillité dans leur vie personnelle.

Quand on passe quinze jours à l’intérieur de ce tourbillon que sont les JO, est-ce qu’on appréhende un peu le retour à la vie normale ? 

Honnêtement, j’y pense de plus en plus ces derniers jours. Ca va faire bizarre de retourner au quotidien, à la routine, c’est incroyable ce qu’on vit. Je n’aurais aucun regret, j’en ai profité à fond et je vais continuer jusqu’à la fin. J’aurai pris tout ce qui était bon à prendre.

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