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Juan Roman Riquelme, entre dollars et espoir

Par Markus Kaufmann, à Córdoba (Argentine)
Juan Roman Riquelme, entre dollars et espoir

C'est l'histoire d'un footballeur idolâtré, un club de football prestigieux, un président sous pression, et quelques centaines de milliers de dollars. Cette histoire, comme tant d'autres dans le football sud-américain des années 10, se termine mal. C'est un départ, un déchirement, une fin de contrat et la fuite d'un talent. Une défaite pour les amoureux du jeu, une libération pour les comptes du club. Cette histoire, c'est celle de Juan Roman Riquelme, Boca Juniors et Daniel Angelici, et d'un contrat qui n'aurait jamais pu proposer assez de zéro. En deuxième division, Argentinos Juniors avait moins d'argent à lui offrir, mais plus d'enthousiasme. Et à 36 ans, l'espoir n'a pas de prix.

En 2007, Juan Roman Riquelme revient à Boca et devient le joueur le plus cher de l’histoire du championnat argentin. Une mallette de quinze millions de dollars, et une histoire qui fait le tour du monde. L’Argentine, le plus grand exportateur de footballeurs au monde, qui remplit les effectifs de l’Inter, Valence, le Real ou encore Naples depuis l’arrêt Bosman, fait enfin revenir l’un de ses héros à la maison. Et pas n’importe lequel : le plus beau des enganches, l’un des seuls qui sait transformer tous les autres. Riquelme n’a que 29 ans – comme Zidane quand il arrive au Real – et Boca rêve les yeux grands ouverts. Sept saisons, des centaines de petits ponts et des milliers de feintes du regard plus tard, le 10 dit « non » .

« Riquelme es Bicho »

Une magnifique histoire d’amour, éternelle si l’on en croit sa statue, qui se termine là, une semaine après une finale de Coupe du monde perdue, une semaine avant une nouvelle saison de championnat, au milieu de rien. Pas de nouveau contrat, donc, mais une surprise : alors qu’aucun club argentin n’était censé pouvoir payer « l’Argentin le plus cher de tous » , voilà qu’une prétendante entre dans la cour. Argentinos Juniors, sa jolie rayure blanche, sa Libertadores et le petit quartier de La Paternal. L’accord est annoncé ce weekend. « Riquelme es Bicho » . Riquelme revient chez son premier amour, le club de son enfance, là où il avait grandi jusqu’à son départ à Boca à 18 ans, avant même de disputer le moindre match avec les pros. Un contrat de 18 mois, une présentation devant 3 000 personnes en délire, aux côtés des deux autres revenants – Cristiano « Le Loup » Ledesma et Matias Caruzzo – et une nouvelle passe décisive imprévisible pour le meneur de jeu. Pour comprendre l’enthousiasme des fans d’Argentinos, à peine descendus en deuxième division, il faudrait pouvoir imaginer un retour de Zidane à Cannes en 2006…

Finalement, très peu de grandes figures parviennent à conserver le même personnage au fil de toutes ces années de carrière, entre histoires de contrats, d’intérêts, de familles et d’hommes. Il y aura eu au moins cinq ou six Maradona. On a connu trois Beckham, entre Manchester, Madrid et le reste. Certains parviennent à construire une seule identité forte : Zanetti, Totti, Giggs. Mais même Raúl aura finalement ajouté des traits à son personnage sur la fin. Ainsi, alors que le personnage historique de Riquelme connu comme « la plus grande idole de l’histoire de Boca » avait gagné en densité au fil de ces dernières années, voilà que tout change. Malgré le Barça, malgré le détour par l’Europe, malgré les longues négociations de prolongement, la semelle droite de Riquelme avait écrit l’histoire : Boca était la femme de sa vie. Et les preuves d’amour ne manquaient pas : le petit pont sur Yepes en demi-finale de Libertadores 2000, le match contre le Real Madrid, ce dernier coup franc contre River, les titres… Alors, que voudra dire ce départ dans l’histoire ? L’idole s’est-elle mis Boca à dos ?

L’inflation, les dollars et papa Bianchi

D’une part, cette arrivée est avant tout un triste départ. Avant de vouloir rejoindre La Paternal, Riquelme a voulu quitter Boca. Une réussite financière pour le club et Angelici, peut-être, un échec footballistique et humain, assurément. Alors que toutes les hypothèses ont été avancées depuis des semaines, Mauricio « Chicho » Serna, ex-coéquipier et ami de Roman, a tout éclairci ce vendredi : « Pour Roman, c’est très clair. Ils ne le veulent pas, et n’ont pas fait l’effort nécessaire pour garder la plus grande idole de l’histoire de Boca. Ils cherchaient la meilleure manière de ne pas le garder, et ils l’ont trouvée. Quand on est capitaine, on a toujours des problèmes avec la direction, parce qu’on doit « se battre » sur plusieurs sujets. Quand j’ai parlé avec Roman mardi, il était déjà convaincu qu’il ne jouerait plus pour Boca. Sans parler de chiffres, il existe des façons d’arranger tout ça. S’ils voulaient garder l’idole, il y avait une option : acheter les dollars et les garder. Mais si t’attends six mois pour que le taux du dollar soit élevé, ce qui est le plus probable dans ce pays, où est l’effort de la direction ? »

Il est connu de tous que JR a conscience que le président Daniel Angelici ne le désire pas – en tant que trésorier du club, il avait déjà essayé d’empêcher le renouvellement de son contrat en 2010 – et cela l’a dérangé. Mais si la décision a surpris le pays samedi, c’est parce que l’entraîneur de Boca reste Bianchi, dont Riquelme disait en mars dernier « qu’il est comme mon père » . Les supporters de Boca attendaient un geste de l’entraîneur, une volonté, une détermination, pour convaincre sa direction. Cette fois-ci, papa n’aura pas voulu risquer de se fâcher avec maman pour offrir au fiston ce qu’il espérait. Qui sait ce que Bianchi en pense vraiment : souhaitait-il un effectif sans Riquelme ? Lors de sa présentation dimanche, le joueur a déclaré : « Je ne dirai rien sur Bianchi. À partir d’aujourd’hui, le meilleur entraîneur du pays est ici, à mes côtés. Et c’est lui qui va nous emmener en première division. » Une façon de rester pro, ou l’expression d’une certaine frustration ?

Un asado, Borghi et Maradona

D’autre part, c’est la superbe naissance d’un espoir et une jolie fin de carrière. Claudio Borghi, entraîneur actuel et homme historique du club, s’est exprimé ainsi : « J’ai presque peur avec toute cette excitation. Même après toutes ces années au club, jamais je n’avais vu ça. Cet enthousiasme est une grande responsabilité pour nous. » Plus grand que de voir Maradona finir cinq fois d’affilée meilleur buteur du championnat ? Le moment que vit Argentinos, c’est de l’espoir pur. Un rêve inespéré. Riquelme tous les weekends, durant un an et demi, alors que le club vient de tomber. D’après les commentaires du joueur, on peut évaluer au moins quatre motivations. D’une, la reconnaissance. « Si j’ai de quoi manger aujourd’hui, c’est grâce à ce club, qui m’a élevé. J’ai la chance de pouvoir nourrir une famille, et je le dois à Argentinos, qui m’a élevé quand j’étais tout petit, et m’a laissé passer à Boca. (…) J’ai grandi d’une certaine façon, maman et papa m’ont appris à être reconnaissant, et cela a beaucoup pesé dans ma décision. » L’amour. « Je profite énormément, je ne m’attendais pas à recevoir autant d’affection. Je suis très content. » Le défi. « Je n’ai joué qu’un match avec la réserve, donc je vais réaliser un rêve, une fois que je jouerai en Primera. » Et enfin, le hasard et la viande. « Je suis reconnaissant envers le président, la direction et l’entraîneur, avec qui je mangeais un asado il y a vingt jours, quand il m’a raconté son idée. » Le football argentin est simple, en fait. Riquelme revient au club qui l’a fait naître, un club de quartier, qui aura couvé des joueurs aussi glorieux que Maradona, Cambiasso, Redondo et Sorín… Comme l’a dit Borghi en conférence de presse : « On se demande toujours comment c’est possible que ce quartier de merde ait sorti autant de joueurs. »

Dimanche dernier, l’Argentine espérait encore que Messi se transforme en Maradona et lui offre une troisième couronne mondiale. Huit jours plus tard, l’autre Diez du pays, le seul à être revenu, Roman, fait la Une de tous les journaux. L’Argentine revient à sa réalité, ses crises, ses passions, ses petits ponts et ses numéros 10. Une triste mort, mais aussi la naissance d’une aspiration. Le mercato dans toute sa splendeur. En fait, la vraie bonne nouvelle, c’est que Riquelme va continuer à jouer au football durant au moins un an et demi.

« D’ici deux ans, le gardien de l’équipe première aura un casque »

Par Markus Kaufmann, à Córdoba (Argentine)

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