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Juan Monaco, le foot à la volée
Juan Monaco est argentin. En bon Argentin, il aime la viande, les femmes et Lionel Messi. Puisque que les deux premiers sont difficilement conciliables avec une vie de tennisman, « Pito » est bien obligé de concentrer ses forces sur le premier amour de sa vie : le football. Jusqu'à quel point ? Celui de distribuer les maillots de son club fétiche, l'Estudiantes de la Plata, à ses adversaires après les matchs.
La question est sérieuse. « Si un jour, un incendie venait à se déclarer chez vous, et que vous ne pouviez sauver qu’UNE SEULE chose, pas une personne, que serait-ce ? » , demande le journaliste. Le gaillard à la barbe brune et aux cheveux bouclés assis en face prend un temps de réflexion. Son choix est déjà fait depuis longtemps, mais la réponse qu’il s’apprête à donner mérite de feinter réflexion. Question de forme : « Mon maillot de l’Estudiantes, je pense » , répond Juan Monaco tout aussi sérieusement. Après sa famille et son chien Pincha, le plus grand amour de l’instable vie sentimentale de l’Argentin se pare en effet de rouge et blanc tous les week-ends, porte les rayures verticales mieux que quiconque et compte Juan Sebastián Verón en président : le club de football de l’Estudiantes de la Plata.
« Nadal, c’est l’un des nôtres ! »
Sur le circuit, Juan Monaco, « Pico » de son surnom, est connu pour jouer les philanthropes et distribuer les maillots de son club fétiche à la fin des matchs. À l’occasion d’une interview accordée sur le site de la FIFA en décembre dernier, il monte à la volée sur le sujet : « Je me vois comme un ambassadeur du club à l’étranger, et offrir des maillots est un bon moyen de le faire connaître. J’ai réussi à convertir Nadal, Murray, Fabio Fognini, qui adore Juan Sebastián Verón parce qu’il a joué à l’Inter, Gaël Monfils, John Isner, Marcos Baghdatis… » , et en profite pour rétablir une certaine vérité concernant son ami Rafael Nadal, madridista proclamé : « Tout le monde à Plata sait que Rafa est l’un des nôtres ! Sûr et certain, à 100% ! On regarde souvent des matchs sur l’ordinateur quand on est ensemble sur un tournoi. Tenez, un exemple : quand je suis en Argentine, Rafa m’envoie un message chaque fois qu’il y a un match de l’Estudiantes à la TV. C’est un vrai « hincha » ! »
Entre deux tournois, l’homme au bandeau à trois bandes et à la foulée véloce se permet même des courses de 800 kilomètres à travers le pays pour encourager ses Pincharattas le dimanche, se levant à 3 ou 4h du matin pour écouter les matchs à la radio pendant les tournois. Car oui, à l’image d’un Obelix du ballon rond, Pico Monaco est tombé dans le chaudron du stade Jorge Luis Hirshi quand il était tout petit. À onze ans, plus précisément, alors que son père, fan de River Plate et ami de Carlos Romeo, père du futur joueur de l’Estudiantes Bernardo Romeo, l’emmène au stade voir jouer les seniors du club : « J’ai pratiqué les deux sports avec la même intensité jusqu’à quatorze ans. J’ai opté pour le tennis parce que j’étais le meilleur d’Amérique du Sud et que j’avais plus de potentiel. Je ne sais pas ce que j’aurais fait au foot, mais la passion aurait été la même. (…) Ma passion, c’est le foot, et le tennis c’est un travail où je prends énormément de plaisir. »
Mauro Icardi fut un temps son beau-frère…
L’histoire ne dit pas si Juan Monaco possède son musée à tuniques signature Louis Nicollin, mais nul doute que sa collection se rapproche peu à peu de celle de son mentor aux cheveux d’argent. Il est d’ailleurs connu pour ça, el Pico : « J’ai vraiment beaucoup, beaucoup de T-shirts parce que je connais pas mal de joueurs argentins qui jouent aux quatre coins du monde et qui me rapportent des maillots. Combien ? Je ne sais pas, 70, 80… » , glisse-t-il en 2011 à OnTheGoTennis. Lorsque ses chaussettes ne sont pas trop relevées, il est même possible de distinguer un tatouage de son club fétiche sur sa cheville gauche. Un accro, on vous dit : « Je n’oublierai jamais le but de Mauro Boselli en finale de la Copa Libertadores 2009 contre Cruzeiro, au Brésil (Estudiantes s’était imposé 2-1, ndlr). J’étais en Suède pour le tournoi de Bastad. Je me suis levé à 4h pour suivre le match sur internet, et je pleurais comme un enfant. Quand le match s’est terminé, je suis devenu fou, j’ai quitté l’hôtel en courant partout, je voulais crier tellement j’étais heureux ! Je n’ai jamais rien vécu de tel en tant que supporter, ça m’émeut encore aujourd’hui. Et tu vois, ça m’a donné des ailes : cette semaine-là, j’ai battu Verdasco et Robredo avant de perdre en finale contre Söderling. »
Sur les courts, Juan, pas foufou, ne se permet qu’à de rares occasions de taper la balle avec ses condisciples, argentins pour la plupart, un peu comme la semaine de ski interdite dont se délecteraient annuellement certains footballeurs. Toutefois, il existe un endroit où les cages n’ont pas d’oreilles. Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas : « À Indian Wells, en Californie, il y a un super terrain où on organise quelques petits matchs. C’est souvent les latinos contre le reste du monde. Parmi les bons joueurs, il y a Nadal, Murray, Meltzer, Gasquet et quelques Argentins. Moi, j’aime aller au contact, anticiper et tout donner. Je suis un bon milieu de terrain, mais sur une grande pelouse, je suis plutôt défenseur central ! » Juan aime les grands terrains, mais le monde est parfois petit. Le 5 juin dernier, alors qu’il sirote un cocktail sur sa terrasse en compagnie de son chien Pincha, Pico apprend que le buteur de l’Estudiantes Guido Carillo quitte son club pour 8,8 millions d’euros. Il tweete, ému : « Un crack qui sera toujours dans le cœur pincha ! » Et dans le sien, indirectement. Le pivot aux 42 buts en 141 matchs vient alors de s’envoler pour l’AS… Monaco. Joli clin d’œil.
Par Théo Denmat