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Joyeux dixième anniversaire, Goal !
Il y a dix ans, un jeune attaquant mexicain posait ses valises vides à Newcastle. Repéré par un agent à la dérive devenu garagiste, traîné de nightclub en nightclub par son noceur de coéquipier, aimé par son infirmière de petite amie, incompris par son rétrograde de père, Santiago Munez était en route vers la gloire. Du moins le temps d'un film mi-touchant, mi-navrant.
La boxe a eu Rocky. Le football américain, L’enfer du dimanche. Le basket a inspiré Space Jam, He Got Game, et Les Blancs ne savent pas sauter. Le bobsleigh a eu son moment de gloire grâce à Rasta Rockett, et le bras de fer son film référence avec Over The Top. L’histoire d’amour entre le cinéma et le monde du sport n’est pas nouvelle, et les athlètes font presque toujours des personnages parfaits. Ambitions, rivalités, efforts, victoires, échecs, bref, du pain béni pour les scénaristes. Mais étonnamment, le football n’avait jamais eu droit à son classique. L’Asie a bien offert au monde l’improbable Shaolin Soccer, et la France, toujours en pointe, avait balancé Didier et Trois Zéros dans les salles obscures. Insuffisant cependant pour satisfaire les amateurs du ballon rond et du septième art. Mais ça, c’était avant le 12 octobre 2005 et la sortie française de Goal !, premier volet de la trilogie mettant en scène les aventures de Santiago Munez.
Laurent Robert de Niro
Peu portés sur les intrigues complexes, les producteurs du chef-d’œuvre ont tout misé sur un pitch simple comme buenos dias. Un migrant aux pieds d’or lancé vers l’American dream sitôt la frontière mexicaine franchie, à qui un recruteur promet un avenir de joueur professionnel en Europe après l’avoir vu caler des petits ponts à des jardiniers sans papiers. La suite, ce sont des épreuves, des buts, des joies, des peines, des scènes d’entraînement à la Rocky. Un peu d’amitié aussi, et un peu d’amour. Et l’équipe du tournage ayant investi les locaux des Magpies pour le film, les joueurs du Nouveau Château se sont reconvertis en figurants de luxe. Jean-Alain Boumsong et ses yeux verts se souviennent : « C’était une année où Newcastle perdait de son éclat sur la scène européenne, ça a été une belle opération de communication pour le club. (…) Toute la ville était fière. Les gens s’étaient dit que ça serait peut-être porteur de victoires futures, même si ça n’a pas été le cas ! » Laurent Robert et sa magique patte gauche, eux, ont été doublement mis à contribution : « À chaque fois qu’il y a un plan sur les jambes de Santiago quand il joue, en fait ce sont les miennes ! Ils ont décidé que je serais sa doublure. » Autre raison de jubiler, le dernier but inscrit par le héros qui envoie Newcastle en Coupe d’Europe est la copie exacte d’un coup franc qu’il avait lui-même inscrit : « Dès le lendemain du match, l’équipe du tournage s’est donné rendez-vous pour tourner la scène et reproduire mon but avec les acteurs. » Le cinéma réaliste a encore de belles heures devant lui.
Peu de numéros 10 dans ma team
Mais malgré la pléiade de superstars du football apparaissant en cameo, le film ne rencontre pas son public. Moins d’un demi-million d’entrées en France, et surtout des critiques mitigées. Boumsong lui-même en convient, « ce n’est pas le plus grand des chefs-d’œuvre » . Doux euphémisme, malgré la bonne volonté et les efforts réalisés par l’équipe du film : « Ils sont restés durant une grande partie de la saison, pendant les entraînements, même lors de nos déplacements à l’étranger, sans jamais nous gêner » , précise Laurent Robert. Mais vouloir bien faire ne suffit pas. Aux manettes, on retrouve le peu expérimenté Danny Cannon, dont le principal fait d’arme jusqu’alors est d’avoir pondu l’embarrassant Judge Dredd, avec un Sylvester Stallone hurlant « La loi c’est moi » dans un costume complètement démentiel. Les acteurs, eux, sont plus ou moins inconnus, abonnés aux seconds rôles ou aux séries-télé, et incapables de taper dans un ballon. « Je ne sais même pas s’ils avaient un niveau de DH » , s’amuse encore Boumsong, en ajoutant toutefois que « tout le monde a passé un bon moment sur le tournage » . Un tellement bon moment que l’équipe de Goal ! était partie pour une trilogie. Dans le deuxième volet, Santiago Munez passe de Newcastle au Real Madrid, comme Jonathan Woodgate. Le film, lui, terminera aux oubliettes. Comme Jonathan Woodgate. Le troisième opus ne connaîtra même pas l’honneur d’une sortie cinéma, et sera envoyé en Direct to DVD comme un vulgaire Steven Seagal. Et le peuple du St. James Park devra attendre Sylvain Marveaux avant d’aimer autant un pied gauche que ceux de Laurent Robert et de Santiago Munez.
Par Alexandre Doskov // Tous propos recueillis par AD