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Jovetić, un pari sur le rocher
Une place de choix à Louis-II pour assister en personne à Monaco-Marseille, le tout suivi d'une photo numéro 10 au dos. Stevan Jovetić est officiellement un joueur de l'AS Monaco. De quoi permettre au Monténégrin de relancer une carrière insolite, qui prenait une tournure décevante.
Ces dernières années, il a eu le don de surgir là où on ne l’attendait pas. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire. À l’heure de rejoindre le Rocher, Stevan Jovetić ne se fait sûrement pas d’illusion sur le joueur qu’il est devenu. À 27 ans, Jo-Jo a perdu du temps. Et déçu ceux qui voyaient en lui l’une des plus grandes promesses du football mondial. Mais il sait aussi qu’il lui reste une vraie bonne dose de talent dans les chaussettes, qu’il n’a pas pu exprimer à cause de choix de carrière douteux. Qu’importe, cette fois-ci, l’ASM ressemble au partenaire idéal pour rallumer la flamme.
Le piège interiste
Une flamme que Jovetić a bien failli éteindre tout seul. Après avoir explosé sous les couleurs de la Fiorentina, le Monténégrin part s’enterrer du côté de Manchester City, où il est confronté à une concurrence titanesque en attaque (Agüero, Džeko, Negredo). Avant de revenir sur ses pas en Italie, dans une Inter en fin de cycle, où règne alors un chaos permanent. La formation lombarde navigue depuis plusieurs années déjà au gré du vent, sans idée de jeu, ni projet sportif cohérent. Pour s’en sortir, elle mise sur Roberto Mancini, pas vraiment réputé pour faire jouer à ses équipes un football chatoyant et offensif. Sans surprise, Jovetić est paumé. Car l’ancien de la Viola est le prototype même du Fantasista, ces joueurs un peu inclassables, à mi-chemin entre le meneur de jeu et l’attaquant de métier, capables d’inventer des buts et des trajectoires de passes sortis de nulle part. Mais qui ont aussi besoin d’un collectif bien huilé, où ils ont une place de choix, pour exprimer leur créativité. A contrario, Jo-Jo doit suer sang et eau pour tenter de gagner sa place dans le onze type des Nerazzurri, où la concurrence bat son plein. Problème : le joueur n’a jamais brillé de par sa pugnacité et sa hargne sur le pré, ce qui a le don d’agacer Mancini, qui en fait un remplaçant de luxe.
La parenthèse Séville
Pas plus à son avantage avec Frank de Boer et Stefano Pioli, successivement nommés à la tête de l’Inter en août puis novembre 2016, le Monténégrin finira par craquer en donnant une interview non autorisée par le club, où il balance ses quatre vérités : « Je ne peux pas dire que je suis heureux de ma saison à l’Inter. Je travaillais bien, j’étais prêt à jouer, mais je n’ai jamais eu ma chance… J’étais en forme, mes matchs avec le Monténégro le prouvent. » Le Monténégro, où Jovetić s’épanouit comme jamais au sein d’une sélection qui cherche avant tout à valoriser son talent. De quoi permettre au natif de Titograd de devenir même le meilleur buteur de l’histoire de son pays, avec 23 pions inscrits en 46 apparitions.
Envoyé du côté de Séville par l’Inter, le chemin sinueux de Jo-Jo emprunte une trajectoire moins accidentée en Espagne, où il cumule 21 apparitions en Liga, pour douze titularisations en une demi-saison. Le tout pour un bilan honnête de six buts (dont deux merveilles face au Real) et quatre passes décisives. Une petite parenthèse dorée pour le Monténégrin, qui retrouve un football plus en phase avec sa vision du jeu et ses qualités : « J’aime le football de Sampaoli, il est offensif et peu de coachs pensent comme ça aujourd’hui… Aujourd’hui, presque tout le monde ne pense qu’à défendre… » Mais malgré quelques timides tentatives, le club andalou n’a pas les moyens de se payer le joueur, qui revient en traînant la patte en Lombardie, où Spalletti, le nouveau grand manitou nerazzurro, ne compte pas sur lui.
Artiste complet
L’arrivée à Monaco du Monténégrin peut donc logiquement susciter quelques interrogations. Mais aussi ressusciter quelques promesses. Car l’ancienne pépite de la Fiorentina ressemble au choix de casting idéal. D’abord parce que l’ASM avait besoin d’un joueur complet, capable de décrocher pour aider à la construction du jeu, comme de finir les actions, après les départs successifs de Germain et Mbappé. Ça tombe bien, Jovetić est un neuf et demi pur jus. Sa vision et son intelligence de jeu ne sont plus à prouver, comme sa capacité à sortir de temps en temps une frappe merveilleuse de son sac à malice. Son altruisme sur le pré, sa qualité de passe et sa faculté à jouer entre les lignes, sont donc appelés à en faire un complément idéal de Radamel Falcao, qui devrait continuer de se régaler en pointe. Sans compter que Jo-Jo est un artiste polyvalent, capable de dépanner sur l’aile si besoin, même s’il ne s’agit pas de son poste de prédilection. Il peut aussi jouer avant-centre, dans un rôle de faux numéro neuf qui était le sien à la Fiorentina, pour suppléer le Colombien en cas de blessure. Cerise sur le gâteau, sous les ordres de Jardim, Jovetić devrait retrouver dans la durée le football qu’il aime : celui qui va de l’avant, coûte que coûte. Signe qu’à Monaco, Jo-Jo a sans doute encore de belles aventures devant lui.
Par Adrien Candau