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Jovetic et l’Inter, la foi et la raison
Cet été, Stevan Jovetić est revenu dans son pays d'adoption avec humilité pour faire oublier les blessures et ses deux demi-saisons de Premier League. Mais sous le numéro 10 de Baggio et Sneijder, le talent du Monténégrin n'est pas discret : avec lui sur le terrain, l'Inter a gagné tous ses matchs. Sans lui, elle a arraché un petit point en deux rencontres. Et ce dimanche soir face à la Juve, Jo-Jo doit déjà défendre son statut de sauveur du peuple noir et bleu.
Le 23 août dernier, la cité milanaise est encore en vacances lorsque l’Inter accueille l’Atalanta à San Siro. L’Italie vit la première journée de son championnat, et Roberto Mancini dévoile pour la première fois sa nouvelle Inter. Au quart d’heure de jeu, son capitaine Mauro Icardi sort sur blessure. Alors que la place milanaise aurait pleuré ce fait de jeu la saison passée, ses yeux se remplissent soudainement d’un enthousiasme enfantin : aux côtés du Mancio, le numéro 10 de Stevan Jovetić se lève. Quelques minutes plus tard, l’attaquant porte déjà le ballon du bout de l’extérieur du pied droit et lève la tête avec l’adrénaline d’un talent qui vient de passer deux années sur le banc. Les tentatives sont audacieuses, les yeux sont gourmands et les pieds sont aussi habiles qu’à Florence. Au bout de la soirée, le Monténégrin reçoit le ballon sur l’aile gauche, à la suite d’une touche anodine de Miranda. Alors qu’aucun joueur bergamasque ne vient l’attaquer, comme s’il ne faisait plus peur à personne, le 10 avance. Une touche de balle, puis une deuxième. Jovetić est déjà dans la surface et arme une frappe du droit qui se courbe pour venir frotter le poteau de Sportiello. Le but est splendide et l’effet inévitable : deux ans après, Jo-Jo est de retour sur les Unes de toute la Botte.
Talent et raison
Le Partizan Belgrade rêvait d’un nouveau Predrag Mijatović. La Fiorentina voyait en lui un Roberto Baggio venu de l’Est. Manchester City, pour 30 millions d’euros, espérait mettre la main sur des pieds éduqués avec l’accent yougoslave et l’efficacité italienne. Les attentes étaient immenses. Mais à Milan cet été, l’annonce de l’arrivée de Jovetić a pris la forme d’un enthousiasme retenu. Un scepticisme aisément déchiffrable : lorsqu’il met les pieds à Milan le 31 juillet, au milieu de l’été, avec le numéro 35, au milieu de rien, Jovetić vient de disputer deux demi-saisons en Premier League : 13 matchs à 27 minutes en moyenne (2 titularisations) en 2013/14, puis 17 matchs à 46 minutes en moyenne (9 titularisations) en 2014/15. Par ailleurs, l’attaquant est précédé par sa réputation de joueur fragile : à Florence, il était déjà ce phénomène capable de mettre à genoux le grand Liverpool à lui tout seul, puis de passer quatre mois à l’infirmerie. Alors, si le tifoso de l’Inter est par nature un fidèle croyant du talent, il ne peut s’empêcher de se répéter que si Jovetić vaut seulement un prêt de 3 millions et une option d’achat obligatoire de 12 millions, c’est qu’il doit y avoir une raison.
Mais le talent n’a rien de rationnel, et la foi prend rapidement le dessus : Jovetić marque quelques buts en amical cet été, choisit le numéro 10 de Kovačić et devient le premier héros de la saison contre l’Atalanta. Et il ne s’arrête pas. Contre Carpi le week-end suivant, le Monténégrin plante un doublé, les deux seuls buts de l’Inter. La semaine suivante, c’est pour son pays qu’il marque un chef-d’œuvre contre le Liechtenstein. Et s’il ne marquera pas lors du derby contre le Milan, puis face au Chievo et au Hellas, le 10 sera la première arme offensive de l’Inter. Un joueur enthousiaste aux pieds bourrés de créativité et d’envie : 3,6 tirs, 2 passes clés et 1,6 dribble réussis par match. Après le derby, Tuttosport parlera d’un « danger constant » , capable de « provoquer les cartons jaunes d’Abate et Honda, offrir les cages à Icardi et faire trembler Diego López » . De quoi croire au miracle d’un retour définitif au sommet du football italien ?
Miracle et Shevchenko
L’Italie, en tout cas, a alors le sentiment sincère d’assister à un miracle : Jovetić capable de jouer à plein régime durant sept rencontres consécutives (matchs de sélection inclus) ? Et si l’Inter avait enfin trouvé ce grand joueur capable de tutoyer l’efficacité d’Icardi aux avant-postes ? Les compliments pleuvent rapidement et, avec cinq victoires en autant de rencontres, l’Inter accède prématurément au statut de candidat sérieux au Scudetto. Sur Skysport, Vincent Candela fait le bilan et n’oublie pas Jo-Jo : « La qualité de cette équipe n’est pas merveilleuse, mais Mancini est un vainqueur. Il sait donner la force et le caractère nécessaires aux joueurs pour qu’ils donnent 100%. Et puis devant, Icardi et Jovetić font peur… » Mais la peur des adversaires ne peut éviter une rechute. Quelques minutes avant le coup d’envoi d’un Inter-Fiorentina qui lui était destiné, Jojo se fait mal. Forfait. Le bruit sourd des critiques revient au galop, et l’Inter perd ses repères sans son 10 : scénario catastrophe contre la Violette (1-4), puis match nul à Gênes contre la Sampdoria (1-1).
Dans la foulée, Jovetić est tout de même convoqué par le Monténégro, sous les rafales de critiques de la presse italienne. Envoyé en Allemagne pour des examens, le joueur rentre finalement à Milan, et le feuilleton ne dure que quelques jours. Mais à la place de souffrir en silence, le 10 sort les crocs face aux allusions sur son état physique : « Les rumeurs qui disent que je suis un joueur cassé m’énervent profondément. Ce n’est pas beau d’entendre des jugements qui sont basés sur des mensonges. La vérité, c’est que je m’entraînais très bien à Manchester, mais que Pellegrini préférait tout simplement d’autres options. Je n’ai jamais eu de continuité, mais le problème n’était pas physique. » La preuve ? Il sera déjà de retour ce dimanche soir à Milan pour l’accueil de la Juve d’Allegri. Et si ses pieds sont toujours aussi créatifs, le 10 a une idée en tête : « Mon rêve, c’est de faire à l’Inter ce que mon idole Shevchenko a fait à Milan : je veux tout gagner. » En commençant par loger un missile dans la lucarne de Buffon ?
Par Markus Kaufmann
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