- C3
- 8es
- Lyon-Roma (4-2)
Joue-la comme Bruno
Inspiré et offensif dans son coaching, Bruno Génésio a osé des remplacements qui ont fait la différence face à l’AS Rome alors que le score était encore bloqué à 2-2. Sans craindre la défaite et sans vraiment calculer. Une attitude qui a manqué à Unai Emery cette semaine.
C’est fou comme la réputation d’un entraîneur peut basculer à la suite d’un match. Hier, Unai Emery constituait un maître tacticien et Bruno Génésio semblait au bord du gouffre. Aujourd’hui, les tendances sont contraires et les situations seraient presque inversées. Suffit donc d’une prestation formidable ou totalement ratée, de quelques choix bien sentis ou frileux, de cerveau embrumé par la crainte du résultat ou au contraire assujetti au spectacle, et voilà qu’un coach peut être porté en triomphe comme il peut crouler sous les critiques. La douce vérité et l’implacable réalité du moment – et du score. Alors non, Génésio n’est pas devenu le meilleur technicien du continent après cette semaine européenne haute en couleurs et forte en émotions. Pas plus qu’Emery s’est transformé en loserincapable de manager une équipe. Mais après la raclée du Paris Saint-Germain et le joli succès de l’Olympique lyonnais, il convient de revenir sur deux modes de coaching qui ont semblé être à des années-lumière l’un de l’autre le temps d’une soirée.
Tout pour l’attaque
Prenons Lyon, d’abord. Après une première mi-temps décevante, l’OL était logiquement mené 2-1 sur son terrain par une AS Rome qui, disons-le tout net, faisait peur. Surtout au regard des expériences contrastées de la défense lyonnaise cette saison. « Nous avons eu un problème dans le placement en première période, nous défendions trop bas » , a par la suite déclaré Génésio face à la presse pour donner une explication à ce premier acte compliqué. Sa réponse concoctée à la pause ? « Nous avons corrigé cela(…)en montant le bloc de dix à quinze mètres. Nous avons pu nous projeter vers l’avant plus facilement après avoir récupéré le ballon plus haut. » Résultat : les Gones, qui ont rapidement égalisé par Corentin Tolisso, ont « pris beaucoup de plaisir à jouer, surtout en deuxième période » et ont « étouffé l’adversaire » selon Maxime Gonalons, quand son entraîneur dit avoir « pris beaucoup de plaisir » à regarder son équipe en seconde période.
Et ce n’est pas tout. Parce que le 2-2 n’était pas suffisant pour lui, ou tout simplement parce qu’il a compris qu’il pouvait encore davantage faire rêver le public du Parc OL, Bruno a montré qu’il en avait dans le slip en opérant des changements de bonhomme. À vingt minutes du terme, Génésio n’a ainsi pas hésité à faire sortir Emanuel Mammana, élément de sa charnière centrale, pour faire entrer Nabil Fekir, un attaquant. Ce qu’on appelle un remplacement offensif. Bingo : l’international a eu besoin de moins de 180 petites secondes pour trouver la faille. Menant au score, Génésio allait-il redevenir plus sage et solidifier son équipe derrière ou au milieu ? Que dalle : le tacticien a préféré faire souffler Rachid Ghezzal pour lancer Maxwel Cornet. Du poste pour poste, en somme. Bien lui en a pris, puisque ses poulains ont continué à presser sans relâche et à se montrer dangereux. Avec un dernier pion d’Alexandre Lacazette comme nouvelle récompense.
Un Paris foiré
Ce scénario tranche totalement avec la triste partition parisienne jouée 24 heures plus tôt. Car ces paris osés, ce sont ceux qu’a eu peur de faire Emery. Certes, le contexte n’était pas le même. La pression et le score non plus. Mais tout de même. Elle aussi retranchée dans son camp pendant 45 minutes et elle aussi revenue du vestiaire avec de meilleures intentions, la capitale n’a visiblement pas pu compter sur un discours de mi-temps rafraîchissant. Ni sur des décisions tactiques inspirées qui auraient pu permettre, par exemple, de conserver un peu mieux la quille quand le besoin s’en faisait ressentir. Ou de réussir plus qu’une passe dans le jeu à partir de la 85e minute. Emery a écouté sa raison en insultant ses concepts de jeu et opté pour la stratégie défensive, en sortant par exemple l’offensif Julian Draxler pour le latéral Serge Aurier. Emery a subi, alors que Génésio a agi. Qui peut regretter que l’absence de risque ait été sanctionnée ?
Par Florian Cadu