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Joshua King, le globe-trotter engagé de la Premier League
Auteur d'un triplé contre son ancien club d'Everton samedi dernier, Joshua King continue de rouler sa bosse dans une Premier League dont il n'est pas loin de connaître les moindres recoins. Et dont il est, à n'en pas douter, un personnage à part. Né en Norvège d'un père immigré depuis la Gambie, l'attaquant de Watford a fait de la lutte contre le racisme un combat de tous les instants.
Il ne reste que quelques minutes à jouer à Goodison Park quand le ballon arrive dans les pieds de Joshua King, en pleine surface. D’une petite roulette, l’attaquant de Watford efface Michael Keane pour crucifier Jordan Pickford et s’offrir un triplé face à un club dans lequel il a passé six mois sans parvenir à s’imposer, la saison dernière. L’occasion pour celui qui évolue désormais sous ses septièmes couleurs différentes outre-Manche de laisser exploser sa joie en dévoilant les nombreux tatouages qui recouvrent une large partie de son épiderme. Là apparaissent Martin Luther King, Rosa Parks, Nelson Mandela, Bob Marley… « J’en ai un de Muhammad Ali aussi, énumérait-il dans une interview au Guardian en 2019. Ce sont simplement des personnes qui sont des héros pour nous. Il y a beaucoup de racisme dans le football ces derniers temps et je ne peux pas le comprendre. »
Asthme, Gambie et dodo dans la voiture familiale
Un engagement de longue date qu’il doit beaucoup à son propre parcours, lui le fils d’un immigré gambien arrivé en Norvège quelques années avant sa naissance. Passionné de football, Joshua King grandit dans le quartier de Romsås à Oslo tout en s’illustrant sur les terrains du coin, malgré de violentes crises d’asthme contre lesquelles il doit se battre tout au long de son enfance. Son père, Chuku King, l’emmène partout disputer des tournois, quitte à perdre des jours de travail et dormir dans la voiture familiale.
Un paternel qui tient également à l’emmener chaque année en Gambie pour lui faire rencontrer sa famille. Des voyages fondateurs pour le jeune homme. « On se dit : « Comment peux-tu te plaindre de ce qu’on a en Norvège ? » Mon père voulait que je comprenne ce que j’ai chez moi et que je ne le prenne pas pour acquis, dira-t-il des années plus tard au Guardian. C’est ma famille, c’est d’où je viens. Parce que quand vous êtes né en Norvège, tout est génial. C’est probablement l’un des meilleurs endroits pour grandir en tant qu’enfant. »
Un pays dans lequel il fait ses première classes de futur footballeur dans le club de Vålerenga, où Ole Gunnar Solskjær le repère et lui permet d’intégrer l’académie de Manchester United. Le tour de Grande-Bretagne de celui qui compte désormais 56 sélections avec la Norvège peut commencer. Incapable de s’imposer chez les Red Devils (deux matchs officiels avec l’équipe première), le bonhomme décide en janvier 2013 de voler de ses propres ailes en rejoignant Blackburn, avec la bénédiction de Sir Alex Ferguson : « Il est très rapide, il a un excellent physique et il devrait avoir une bonne carrière. » Désormais installé à Watford, le papa poule se plaît à transmettre à son tour ses valeurs à son fils, Noah « en l’emmenant en Afrique et en veillant à ce qu’il sache que ce pour quoi je me suis battu pour ma famille, et que j’essaie encore d’obtenir, n’est pas facile. Pour l’avoir, il faut travailler dur et j’espère qu’il grandira et deviendra un grand homme. »
À fleur de peau
Peut-être aussi grand que les multiples personnalités dessinées sur le corps de son père ? « J’ai aussi Rosa Parks, la première fois qu’elle a été autorisée à s’asseoir à l’avant du bus, lorsqu’ils ont dérogé à cette règle pour laquelle elle s’est battue. Et au-dessus de cela, il y a la fois où elle n’a pas voulu bouger et où elle a été mise en prison, révèle-t-il encore. Ce sont des héros qui se sont battus pour que tout le monde soit égal. C’est une grande pièce dont je suis très fier. »
Un combat contre le racisme qu’il mène dans tous les instants de sa vie de footballeur. Et surtout après le décès de George Floyd à Minneapolis en mai 2020 aux mains de la police américaine. Un drame qui avait provoqué une onde de choc dans le football anglais, et notamment du côté de Bournemouth, où évolue alors Joshua King. Dans la foulée, ce dernier convainc ses coéquipiers de réaliser une vidéo pour dénoncer les discriminations. « En tant que club, nous sommes très attachés à ces questions. Kingy était la force motrice de tout ça, affirme alors Steve Cook en conférence de presse. Il a tout écrit lui-même. Les mots que nous avons utilisés étaient extrêmement puissants. Je pense que c’est vraiment bien que Kingy ait eu cette idée lui-même et l’ait transmise aux gars.(…)Si dans le football, nous pouvons avoir une influence et essayer d’éduquer les gens et les joueurs à ce sujet, cela ne peut que contribuer à améliorer les choses. » Deux ans plus tard, Joshua King continue son œuvre partout où il passe. Comme un roi. Et en plantant des triplés contre Everton.
This is not a PR stunt. This has been completely driven by our dressing room.Everyone at the club is supporting the fight against racism ❤️?#BlackLivesMatter // #afcb ? https://t.co/kunkRlhlL3
— AFC Bournemouth ? (@afcbournemouth) June 12, 2020
Par Tom Binet