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Joseph Marie Minala, le Benjamin Button de la Lazio
Depuis le derby de Rome dimanche dernier, un nom agite le football italien et les réseaux sociaux du monde entier : Joseph Marie Minala. Plus qu'un nom, c'est un visage. Celui d'un « présu », un footballeur auquel on donnerait dix voire vingt ans de plus. L'histoire d'un jeune homme que l'on regarde « avec des yeux verts ».
Quand l’agent de Joseph, Diego Tavano, explique qu’ « il a eu une enfance difficile » et que « cela change tout » , il ne veut pas dire que Joseph a manqué la sortie de la Playstation ou le premier album d’Eminem. Non, il veut dire que Joseph a grandi à Yaoundé et qu’il aurait vieilli plus vite que les garçons italiens avec lesquels il joue aujourd’hui. Le célèbre soleil de Yaoundé, sans doute. Son passeport est pourtant formel. Minala est né au Cameroun le 24/08/1996. Il a donc 17 ans et demi. Cela ne posait pas problème avant, à peine quelques moqueries. Mais maintenant que Minala a marqué 5 buts en 8 matchs avec la Primavera de la Lazio et qu’il est convoqué par Reja pour jouer en équipe première, cela fait beaucoup, beaucoup parler.
Recalé par l’Udinese, dubitative sur son âge
La bio de son compte Twitter porte les marques de celui qui subit quotidiennement le regard des autres : « Joueur de la SS Lazio. Dans le monde du football, les gens te regardent toujours avec des yeux verts » . Certainement les yeux des parents de ses adversaires – et ses coéquipiers – qui le voient depuis deux ans et demi dominer les compétitions de jeunes à Rome. Le joueur a joué au niveau amateur dans le club Atletic Citta’ dei Ragazzi en 2011. Puis, il a possédé une licence au club A.S.D. Citta’ di Fiumicino entre le 29 mai et le 30 juin 2012. Un passage éclair. Après août 2012, il faut se rendre du côté du Polisportiva Vigor Perconti pour suivre sa progression, équipe qui l’aurait révélé à la Lazio.
Puis, une préparation estivale avec le Napoli, un test avec l’Inter et l’Udinese « pour qui le doute sur l’âge a été plus fort que le jugement pourtant positif sur le joueur » , raconte La Gazzetta dello Sport, et enfin la Lazio. Il s’y entraîne depuis le 1er juillet 2013, joue avec une licence depuis seulement le 7 décembre et a signé un contrat avec le club romain jusqu’en 2016. Une joie intense pour le jeune homme. Une joie gâchée par les commentaires des réseaux sociaux. « On sait comment cela fonctionne aujourd’hui, avec les réseaux sociaux. Tout gonfle. Si c’était arrivé il y a quatre ou cinq ans, on n’en serait peut-être pas là » , expliquait cette semaine Diego Tavano à Radiosei.
Taribo West, Obafemi Martins ou Luciano
« Son enfance peut l’avoir marqué sur le visage et dans l’expression, mais il s’agit bien d’un garçon de 17 ans qui se bat contre la vie pour atteindre son rêve » . Le même rêve que Taribo West, Obafemi Martins ou encore Luciano. Celui d’un footballeur en lequel personne ne croit. Et donc une affaire délicate qui n’est pas loin de verser dans le racisme. Vito Trobiani, directeur général du club Vigor Perconti, raconte : « Il a un gros physique, et on l’a critiqué pour cela, mais le passeport indique que c’est bien son âge. Les gens pensent qu’il est plus âgé seulement pour sa couleur » .
En ce qui concerne la polémique liée à l’âge, il y a « affaire » dans la mesure où le joueur bénéficie du fait de jouer contre des adversaires plus jeunes, mais à partir du moment où il jouera en Serie A, le seul litige qui pourrait exister concernerait le joueur et son club. Et le club n’a jamais souhaité s’exprimer à ce sujet. Pour son agent, « on n’a même pas besoin de souhaiter que l’affaire finisse de la meilleure des façons puisqu’elle est déjà finie. Si ensuite quelqu’un veut affirmer que le garçon n’a pas l’âge qu’il déclare, on sera vraiment contraints à poser la question sur le plan légal. (…) Par ailleurs, il est aussi suivi par l’équipe nationale camerounaise, donc il n’y a vraiment aucun doute à avoir en ce qui concerne son âge » . Argument d’autorité ?
« On aurait dit qu’il avait détruit la défense adverse »
Le cas de Minala est particulier : en Italie, être convoqué à un match de Serie A à 17 ans après seulement huit matchs de Primavera, cela étonne. « Les yeux verts » , encore. Jusqu’à son arrivée à la Lazio, Minala n’avait pas fait de bruit. Depuis qu’il y est, c’est une bombe. Alors, à quel point est-il fort ? Renato Boschetti suit les équipes du centre de formation de la Lazio pour le site Lazionews.eu. Et après avoir vu ses huit premiers matchs, il s’est fait une idée précise du joueur : « Il joue milieu de terrain, en Italie on dirait regista, il sait construire le jeu, il a de bons pieds. C’est très difficile de lui prendre la balle, mais surtout, il domine le jeu par sa grande puissance physique. Son premier but, il l’a mis d’un coup de tête sur corner. On aurait dit qu’il avait détruit la défense adverse. » Depuis, Minala en a marqué quatre autres : deux en championnat, deux en Coupe.
Et pas dans n’importe quelle équipe. Boschetti poursuit : « Il faut savoir qu’il est arrivé dans une équipe déjà très forte, championne d’Italie, qui jouait très bien. Et pourtant, il fait la différence. Mais la Serie A est un championnat difficile. Regardez le Milan, ils avaient un projet intégrant des jeunes cette saison, mais plus les résultats sont mauvais, plus les équipes font jouer des valeurs sûres. Il faudra qu’il soit patient. » Un jeune talent comme un autre, en fin de compte ? Jusqu’à preuve du contraire, oui. Le monde entier pourra maintenant suivre sa progression au sein de l’effectif de la Lazio, avec lequel il s’est encore entraîné cette semaine. En attendant, le joueur a réagi avec le sourire à la polémique sur son compte Twitter : « L’envie est la faiblesse de l’homme et des âmes pauvres. Le fait que je sois en Serie A en blesse certains mais moi, je vous veux du bien loool forza lazio » . Tout est dans le LOL.
Par Markus Kaufmann
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