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José Mourinho/Pep Guardiola, rivalité éteinte ?
Ennemis en Liga quand ils dirigeaient respectivement le Real Madrid et Barcelone, José Mourinho et Pep Guardiola semblent avoir mis leur rivalité de côté depuis l'arrivée de l'Espagnol en Angleterre. Parce que les résultats du Portugais ne sont plus à la hauteur de son confrère, et parce que le Catalan se nourrit peu du conflit pour atteindre ses objectifs.
Sourcils froncés et aussi concentré que lorsqu’il parle de lui, Samuel Eto’o ne prend même pas le temps d’hésiter. En face du journaliste de l’AFP qui lui demande de choisir son camp, le retraité qui souhaite devenir entraîneur pose sa réponse d’un ton assuré. Une réponse qui peut surprendre, puisque le Camerounais a longtemps fait l’éloge de José Mourinho et parfois attaqué Pep Guardiola. Sauf que désormais, la légende africaine a changé de côté.
« Je suis un amoureux du football, et je me dis qu’il faut gagner avec la manière. Parce que le football, c’est comme aller au théâtre, argumente-t-il. Quand vous regardez les équipes de Pep Guardiola jouer, vous ne vous ennuyez jamais. Parce que vous voyez une équipe qui défend avec le ballon, qui attaque et qui crée des espaces. Vous voyez des actions magnifiques, et c’est ça le football. »
Trajectoires contraires
Certes, Eto’o n’en a pas profité pour critiquer Mourinho. Mais ne rien dire du Portugais alors que son nom fait partie de la question illustre la – relative – déchéance du Monsieur, dont l’ego impose qu’on parle de lui. Surtout, la réplique montre que Guardiola a remporté (au moins provisoirement) leur duel sur le terrain. À l’heure de s’affronter dans un Tottenham/Manchester City comptant pour la 25e journée, toutes les statistiques récentes comme les curriculum vitæ parlent en faveur de l’Espagnol. Lequel, avec onze victoires et six nuls en 22 confrontations (pour seulement cinq défaites), représente l’adversaire le plus coriace avec Jürgen Klopp pour le Special One parmi ceux qu’il a rencontrés au moins deux fois.
Niveau armoire à trophées, le Catalan a glané cinq des six derniers championnats qu’il a disputés tout en s’offrant un doublé puis un triplé national lors des deux dernières saisons. Pendant ce temps-là, le Lusitanien n’a pu se consoler qu’avec une Ligue Europa (2017), une Premier League qui paraît bien lointaine (2015) et une malheureuse League Cup (2017). L’un participe à la Ligue des champions tous les ans (quatre présences dans le dernier carré, depuis 2014), l’autre la regarde régulièrement à la télévision d’un œil nostalgique. L’un propose un jeu spectaculaire faisant quasiment l’unanimité, l’autre ne parvient pas à se réinventer. L’un ancre sa philosophie dans un club où il réfléchit sur la durée, l’autre écume les équipes en y laissant souvent un mauvais souvenir (Real Madrid, Manchester United voire Chelsea) et se retrouve maintenant dans la peau du pompier de service (Tottenham).
La hache de guerre enterrée… pour combien de temps ?
Dans ce contexte, difficile pour Mourinho de la ramener autant qu’il le faisait par le passé en conférence de presse en taquinant allègrement Guardiola. En effet, quel intérêt pour lui de continuer à faire vivre une rivalité derrière le micro alors qu’il n’y en a plus vraiment sur la pelouse ? Durant sa période Liga, l’ex de l’Inter n’hésitait pas pour se payer Barcelone et son coach. Avec une certaine logique : en élargissant et en accentuant la guerre Real/Barça loin du ballon, le technicien installait un climat de pression difficilement soutenable pour le frère honni. Pour le Mou, la communication a toujours représenté une arme – légitime ou non, selon les points de vue – servant à blesser celui d’en face. Sauf qu’actuellement, des résultats séparent les deux hommes ne jouant plus dans la même cour. Difficile, dès lors, de balancer des insultes si on ne partage pas la même récré.
L’ex-Bavarois, lui, se nourrit beaucoup moins du conflit. Plus porté sur son effectif et sa stratégie offensive que sur les autres, le tacticien n’est pas vraiment du genre à créer une bataille de mots par médias interposés. Du coup, il a tenu à officialiser la paix (temporaire) instaurée depuis son arrivée en Angleterre : « Je sais que vous espériez une rivalité ici, mais je suis désolé pour vous que ce ne soit pas arrivé. Pourquoi cela n’est pas arrivé ? Je ne sais pas, peut-être que nous sommes plus vieux ou plus expérimentés. » Et de défendre son confrère, dont l’aventure à Manchester United n’est pas considérée comme une réussite : « La valeur de José, vu toute son expérience, ne doit pas être jugée sur une seule saison. J’ai toujours eu un respect incroyable pour ce qu’il a fait dans sa carrière, toujours. Dans le sport, vous perdez plus que vous ne gagnez. Michael Jordan a remporté six titres NBA, il a perdu plus qu’il n’a gagné, mais il était le plus grand athlète. » N’empêche que l’un chope ses trois points, tandis que l’autre cherche toujours le rebond.
Par Florian Cadu