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José et Marko sont sur un bateau
Marko Arnautović s'est enfin concentré sur le football et était annoncé comme l'une des possibles révélations de l'Euro après avoir étincelé lors des éliminatoires. Un statut à confirmer face au Portugal, lors d'un match au cours duquel il repensera peut-être à la saison aussi délirante que pourrie qu'il avait passée avec Mourinho à l'Inter Milan.
On l’a trop souvent comparé à Zlatan Ibrahimović, alors que le parallèle repose plus sur des caractéristiques physiques ou des noms de famille qui riment que sur ses réels talents de joueur. Mais si Marko Arnautović voulait se faire un petit plaisir, il déclarerait lors de la conférence de presse avant Portugal-Autriche : « Je ne connais pas le Portugal, mais un Portugais me connaît. » À plusieurs centaines de kilomètres de là, à Manchester, le Portugais en question accueillerait probablement la déclaration agacé, un sourcil levé, avant de passer à autre chose pour éviter de repenser à la saison qu’il a passée avec Marko Arnautović à l’Inter. Une saison 2009-2010 presque parfaite sur le plan sportif, puisque le Chosen one avait raflé un triplé historique championnat/Coupe d’Italie/Ligue des champions. Un très grand cru, pour lequel José Mourinho sait qu’il n’a pas à remercier Marko Arnautović, ce grand dadais qui avait ciré son banc toute la la saison, cet attaquant dont il n’a pas su quoi faire et qui s’apprêtait à dégager fissa au Werder Brême. Arrivé en provenance de Twente, un club néerlandais, avec son mètre 92, ses tatouages, sa réputation de buteur, le tout directement après le départ de Zlatan, Arnautović n’a pas eu à faire grand-chose pour que l’on ose la comparaison. Et pourtant, loin des arrivées tapageuses d’Ibra partout où il est passé, Arnautović pose ses valises à l’Inter sur la pointe des pieds, en prêt, et surtout blessé. « Il n’est pas à disposition de l’équipe, mais du staff médical » , tranchait immédiatement Mourinho, presque déjà agacé par sa recrue.
Arnau et Balo
Mourinho ne lui offre qu’une première titularisation bidon en novembre lors d’un match amical face au FC Vaduz du Liechtenstein, au Rheinpark Stadion où se sont pressés 4000 supporters. Un but offert par Alibec et un autre à la limite du hors-jeu ne suffiront pas à Arnautović pour séduire le Mou, qui se gardera d’utiliser son Autrichien lors de la saison. Le contrat du prêt stipule que l’option d’achat de 9 millions d’euros sera levée si Marko joue dix matchs ? Tant pis, Mourinho ne lui offre que trois apparitions en Serie A sur toute la saison, 70 minutes au total, en ne l’inscrivant parfois même pas sur la feuille de match. Mais Arnautović n’a pas l’air de s’en soucier, et semble surtout s’amuser comme un petit fou à l’Inter avec son nouveau meilleur pote, Mario Balotelli. Encore dégoûté par ce gâchis, son agent de l’époque Rob Groener se désolait plusieurs années plus tard : « Le fait qu’il se lie d’amitié avec Mario Balotelli n’a pas contribué à améliorer sa situation. Pendant cette période, le football était devenu une chose secondaire pour lui. Si Arnautović n’avait pas rencontré Balotelli, il jouerait dans un grand club aujourd’hui. » Sorties incessantes, blagues débiles, entraînements pris à la légère, les deux gamins s’en donnent à cœur joie, et leur insouciance n’a pas l’air de connaître de limite. À son arrivée à l’Inter, Arnautović s’était aussi rapproché de Samuel Eto’o, qui lui avait un jour prêté sa voiture de sport. Une Bentley, que l’Autrichien réussira à se faire voler alors qu’il dînait dans un restaurant.
La tablette du Mou
Arnautović ne survit qu’une saison avec Mourinho en Lombardie. « C’est une personne fantastique, mais il a l’attitude d’un enfant » , avait évalué le Portugais, désabusé. Un Mourinho qui pensait sans doute ne plus jamais recroiser la route d’Arnautović, mais c’était sans compter sur Stoke City et sa propension à jouer les rééducateurs pour ex-enfants terribles du football. L’attaquant y arrive en 2013, pile poil en même temps que Mourinho à Chelsea. Une première séance de retrouvailles a lieu en décembre en Premier League, et c’est Stoke qui l’emporte à la dernière minute (3-2). Mais c’est cette saison que Mako Arnautović avait décidé de jouer la provoc’. Le 7 novembre arrive, et Mourinho, en pleine tourmente avec les Blues, est suspendu pour le match au Britannia Stadium. Il fait mine de s’en amuser : « Peut-être que je serai assis au coin de la rue avec ma tablette. » Espérons qu’il ne l’a pas jetée contre un mur quand il a vu Arnautović marquer le seul but du match sur un ciseau acrobatique.
Le but d’Arnautović face à Chelsea
Dix jours plus tôt, Chelsea s’était déjà fait éliminer en League Cup par Stoke, aux tirs au but après un vilain 0-0. Le dernier péno des Potters avait été marqué par Arnautović, évidemment. En février 2016, après un doublé contre Aston Villa, l’Autrichien s’amusait même à comparer son équipe, alors toute proche des places européennes, à l’Inter de 2010, sans que personne ne le lui demande. L’histoire ne raconte pas à quel point Mourinho a tiqué en entendant la déclaration, mais il retrouvera son Marko le 1er octobre prochain pour un bouillant Manchester-Stoke à Old Trafford. Arnautović pourrait ressortir de sa boîte, lui qui avait fusillé De Gea la saison dernière lors de la victoire des siens face aux Diables rouges. Le poil à gratter de Mourinho est toujours prêt à sévir.
Par Alexandre Doskov