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José Antonio Reyes : « Il faut donner du temps à Emery »
Après avoir voyagé en Angleterre, au Portugal et dans une bonne partie de l'Espagne, José Antonio Reyes a garé sa caravane à Barcelone, côté Espanyol. Attaquant talentueux, mais toujours inconstant dans ses performances. Retour sur une carrière jalonnée, entre autres, par Henry, Wenger et Emery.
C’est ton premier derby de Barcelone, au Camp Nou. Ça donne quand même des frissons, non ?Tout à fait. Ce sera un match très compliqué pour nous, mais c’est vrai qu’on se prépare toujours pour gagner, même si, évidemment, on n’est pas favoris. Un derby est toujours un derby, partout dans le monde, et, en ce moment, tu peux te rendre compte de son importance rien qu’en te baladant en ville.
D’ailleurs, t’as vécu pas mal de derbys dans ta carrière…J’en ai joué tellement ! En premier, c’était le derby de Séville. Après, j’en ai joué plusieurs à Londres, à Madrid et à Lisbonne. Un derby est toujours un tourbillon de passion et de compétitivité, mais, pour moi, un Atlético-Real ou un Arsenal-Chelsea ne seront jamais aussi intense qu’un Séville-Betis, car je suis sévilliste. Ce match, tu le sens et tu le vis pendant quinze jours, de la semaine précédente jusqu’à la suivante, dans tous les coins de la ville.
T’es un mec très attaché à ta famille et à ta ville de naissance. Pourtant, tu as dû partir très tôt de Séville pour rejoindre Arsenal. Ça s’est passé comment ?C’était fin 2003. Un jour, j’arrive à l’entraînement et Joaquín Caparrós (coach du Séville à l’époque, ndlr) me dit : « Aujourd’hui tu ne t’entraînes pas. » Comment ça, je ne m’entraîne pas ? Et il me répond : « Il y a Arsenal qui te veut. » Ce fut une grande surprise pour moi, comme ça, d’un coup. Quelqu’un m’avait même dit qu’Arsène Wenger était venu me superviser…
Peut-être était-il au Sánchez-Pizjuán quand tu as fait ce petit pont à Figo juste un mois avant ton transfert ?(Rires.) Je ne sais pas, mais c’est vrai que ce match fut terrible. En 41 minutes, on avait mis quatre buts au Real Madrid des Galacticos qui, l’année précédente, avait gagné le championnat et la Ligue des champions. Cette soirée fut magique !
Est-ce que ça a été dur de laisser Séville derrière toi ?Au début, oui. Franchement, je ne voulais pas quitter la ville et le club, mais le président m’avait dit que mon transfert à Arsenal ferait du bien aux finances. Donc je suis parti pour le bien du club. Après, c’est vrai aussi que la possibilité de jouer à Arsenal était très charmante.
Tu débarques à Londres à vingt ans avec toute ta famille. Mais le début n’est pas facile…C’est vrai que quand je suis arrivé, ce fut un peu un choc. Je partais d’une Séville ensoleillée, et quand j’arrive à Londres, la ville était recouverte de neige ! Mais, finalement, j’étais là pour faire ce que je voulais : jouer au foot. Et sous les ordres de Wenger en plus, pas n’importe qui.
Tu as dû t’adapter à une nouvelle façon de vivre le foot ?Même si Wenger est un entraîneur qui aime avoir la possession du ballon et attaquer – ce que j’aime dans le foot en fait –, là-bas, pendant les entraînements, les joueurs sont plus sérieux et ils n’aimaient pas ma façon de m’entraîner toujours avec beaucoup de bonne humeur. D’ailleurs, j’ai dit à Wenger que j’allais m’entraîner comme tout le monde, au maximum, mais sans jamais cacher mon sourire. Ma culture est de vivre et travailler comme ça, avec le sourire. Et finalement, tout le monde a fini par rigoler avec moi…
Il paraît que la langue était l’un de tes points faibles. Comment as-tu fait pour résoudre ce problème ?Au début, il y avait Lauren (footballeur camerounais qui a grandi en Espagne, ndlr) qui était mon interprète, mais en réalité, dans le vestiaire d’Arsenal, l’anglais n’était pas la langue principale. Il y avait beaucoup de Français, des joueurs qui comprenaient l’espagnol comme Senderos ou Pires dont la mère est espagnole. En fait, Ashley Cole et Sol Campbell étaient les seuls Anglais. Mais le football est un langage universel, on peut toujours bien s’entendre, soit sur le terrain, soit en dehors. Et franchement, on avait une sacrée équipe qui donnait du plaisir, à nous-mêmes comme aux supporters, ce qui aidait à créer une jolie ambiance. Mais, à propos de mon adaptation, il y a surtout une personne que je dois remercier.
Qui ?Thierry Henry. Le jour où je suis arrivé à Londres, il est venu me chercher avec Patrick Vieira et il m’a accueilli comme si j’étais son fils. J’allais souvent manger avec lui. Cette première année à Arsenal fut magnifique : on a gagné le championnat et le Community Shield. Je n’oublierai jamais mes deux buts contre Chelsea en huitièmes de finale de la FA Cup à Highbury, un stade mythique où j’ai passé de très bon moments.
Thierry Henry est-il le meilleur attaquant avec qui tu as joué ? Oui, sans doute. Dans mon parcours de footballeur, j’ai eu la chance de jouer aussi avec de sacrés attaquants comme Van Nistelrooy ou Ronaldo. Mais, franchement, pendant les années que j’ai partagées à Arsenal avec Thierry, il était dans sa meilleure époque. C’était impossible de l’arrêter et ça a été un honneur et un plaisir de pouvoir jouer avec lui.
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué pendant ton apprentissage avec Arsène Wenger ?Que jouer sous ses ordres était un plaisir. Son idée du foot est de dominer le jeu dans tous les moments d’un match. Pendant mon époque en Angleterre, la seule équipe qui jouait vraiment au foot en Premier League était Arsenal. Durant ma dernière saison à Highbury (2005-06, ndlr), on n’a pas eu trop de chance dans les moments décisifs comme la finale de Champions contre le Barça. Et je crois que si l’on se base simplement sur le jeu qu’il offrait – et offre toujours – au public, Wenger n’a pas gagné tous les titres qu’il méritait.
Et si on parlait un peu d’Unai Emery…?C’est vrai que l’on n’a pas vraiment eu une super relation… On dirait qu’entre nous, il y avait une relation d’amour-haine, mais on n’a jamais passé la barrière de la discussion. Toujours est-il qu’avec lui, je me suis senti de nouveau « acteur » au FC Séville, j’y ai gagné des titres, et j’ai appris à devenir un footballeur mature. Car oui, on n’arrête jamais d’apprendre dans la vie.
Comme coach, tu as aussi eu Fabio Capello au Real Madrid. C’est qui le plus tactique entre Emery et lui ?Emery bien sûr ! C’est vrai aussi que le Real de Capello était une équipe de stars, et insister trop sur la tactique n’était pas facile, même pour un Italien. Emery me faisait regarder les matchs des prochains adversaires, il travaillait avant et après le match sur la position des joueurs et était très à fond sur l’analyse tactique, des choses jusque-là inconnues pour moi. Unai est simplement un dingue de la tactique et je n’ai jamais eu un entraîneur comme lui sur cet aspect.
Il a déjà été critiqué plusieurs fois depuis qu’il est au PSG…Je crois qu’il faut lui donner du temps. Forcément, ce n’est pas facile de s’adapter à une équipe aussi grande que le PSG, mais je crois que petit à petit, il va très bien s’en sortir avec sa méthode. Il est quand même toujours en course pour le titre de champion de France et en huitièmes de la Ligue des champions…
Est-ce que le PSG peut éliminer le Barça ?Il s’agit de deux grandes équipes et, évidemment, ce sera une élimination difficile pour les deux équipes. Tout est possible dans le foot, surtout en matchs aller-retour, et je souhaite le meilleur à Emery dans cette double confrontation avec le Barça.
Et peut-être que tu peux nous donner la recette pour gagner un derby au Camp Nou ?Au mental. On se prépare tous les jours pour gagner n’importe quel match. C’est la philosophie de Quique Sánchez Flores (coach de l’Espanyol, ndlr). Emery me disait pareil. Mais les matchs de ce genre, on les gagne surtout avec la foi et l’enthousiasme.
Propos recueillis par Antonio Moschella