ACTU MERCATO
Jorge tout puissant
Comme celle d'Alain Bashung, la petite entreprise de Jorge Mendes ne connaît pas la crise. Patron du marché des transferts, l'homme « le plus puissant du football mondial », dixit Florentino Pérez, a passé quelques semaines à placer ses pions, avant de placer ses sous. Retour sur l'été fou de l'agent portugais. Un homme qui va passer un meilleur mois de septembre que vous.
Moulé dans un débardeur au goût douteux ou dans un costume de commandant de bord – avec les Ray-Ban aviator, évidemment, Jorge Mendes est le même : un homme puissant. Surpuissant. Alors, quand on le nomme pour frissonner sur le tube de l’été, « l’Ice Bucket Challenge » , le Portugais ne se dégonfle pas, montre les muscles comme son poulain Ronaldo s’arrose d’eau glacée et dégaine à son tour. Jorge ne nomme ni Beyoncé ni Barack Obama, mais Nasser Al-Khelaïfi, Vadim Vasyliev et Florentino Pérez, soit le président du PSG, le vice-président de l’AS Monaco et le président du Real Madrid. Oui, Jorge Mendes est l’ami de tout le monde, mais surtout des puissants. Comme tous les gens malins, il cultive les amitiés et fait autant attention à son portefeuille de joueurs qu’à l’image que ceux-ci laissent partout où ils passent. Et ils passent, encore et encore. Oui, Jorge Mendes est serein. Il doit juste payer un mec pour trier ses billets de banque. Cet été, le Portugais le plus classe d’Europe après David Carreira et son titre « Obrigado la famille » a ramassé un max de blé. James au Real Madrid, c’est lui. Ángel Di María à Manchester United, c’est encore lui. Diego Costa à Chelsea, c’est toujours lui. Bebé à Lisbonne, c’est forcément lui. Le retour de Nani au Sporting, encore lui. Adriàn qui débarque à Porto, lui. Eliaquim Mangala à 53 millions à City, toujours lui. Sans parler de Falcao arraché à sa misère fiscale dans les dernières heures du mercato. Autrement dit, l’homme a fait et défait le marché en tutoyant le fair-play financier. Mesdames et messieurs, inclinez-vous devant Jorge tout puissant.
Joue-là comme Jack Bauer
À 46 ans, Jorge ne doit pas regretter sa carrière loupée de footballeur médiocre. Plutôt que de ramer pour avoir un club, il a préféré être celui qui cherche pour les autres. Et il trouve. Comme tout le monde, il a commencé en bas de l’échelle. À l’époque, les costumes n’étaient pas sur-mesure et ses joueurs n’étaient pas Diego Costa ou James Rodríguez, mais plutôt Nino Espirito Santo, un gardien du Vitória Guimarães qu’il réussit à filer au Deportivo La Corogne en 1996. « Il était têtu. Il pouvait attendre quatre heures devant mon bureau pour pouvoir me parler. J’avais beau lui répéter que je n’achèterais personne, il finissait par me convaincre » , se rappelle Augusto César Lendoiro, président du Depor, dans les colonnes d’El Pais. Dix-huit ans plus tard, Mendes est l’ami des puissants et l’agent des meilleurs. Une ascension folle réalisée à la sueur du front et même au prix de ses phalanges, le jour où ce Cristiano Ronaldo des agents rencontre d’un peu trop près le Figo, José Veiga. Aujourd’hui, sa société Gestifute pèse près de 540 millions d’euros d’actifs financiers, gère 83 joueurs professionnels et entraîneurs. En tout et pour tout, ses bonshommes auront généré près de 260 millions d’euros durant la fenêtre estivale. Sachant que l’homme a pour habitude de toucher 10% de commission, calculer ce qui lui tombe dans la poche est assez aisé. Plus aisé que certaines affaires qui bloquent parfois, comme l’extradition de Falcao du Rocher où Mendes a agi en véritable Jack Bauer. En 48 heures chrono, la poule aux œufs d’or de Jorge quitte Monaco et arrive à United, le tout sans y perdre en salaire. Costaud.
L’exemple Beşiktaş
En 2014, Mendes est le seul homme au monde à être capable de finaliser un prêt concernant Radamel Falcao, le Tigre, comme s’il s’agissait d’un vulgaire Jean-Eudes Maurice au RC Lens. Mendes, c’est un homme qui utilise encore un kit main-libre pour gérer son business. On le savait, le Portugais est capable de prendre un club en otage et de le broyer. Il n’y a pas si longtemps, Beşiktaş comptait dans ses rangs une chiée de joueurs estampillés GestiFute, son agence : Manuel Fernandes, Simão, Hugo Almeida, Bebé, Ricardo Quaresma, etc. Aujourd’hui, plus personne n’est au club. À Monaco, en une saison, le super agent aura placé James, Falcao, Moutinho, Ricardo Carvalho, Bernardo Silva, Wallace et Luis Campos au poste de directeur technique. C’est fort. Surtout que le bonhomme aura réussi à prendre quatre commissions en moins d’un an sur James et Falcao. Certains crient à l’esclavagisme moderne (à 14 millions net/an pour le Tigre, c’est relatif), d’autres parlent de génie. La vérité est certainement entre les deux, entre cela et des comptes offshore et autres fonds d’investissements. En tout cas, une chose est sûre : actuellement, le patron des agents a placé ses meilleurs poulains à Manchester United, Chelsea et au Real Madrid, soit trois clubs qui comptent dans le monde. On peut détester l’idée, il faut savoir s’incliner devant tant de persévérance, de doigté et de pouvoir. Quant à l’homme, impossible de le détester. « Personne » ne le connaît. La marque des grands.
Par Mathieu Faure et Swann Borsellino