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- Mort de George Floyd
Jordy Delem : « Si j’avais été un passant, j’aurais peut-être pu l’aider… »
Vainqueur de la Major League Soccer avec Seattle en 2019, Jordy Delem s'est fait un nom dans le monde du soccer américain. À 27 ans, le milieu de terrain passé par Arles-Avignon et international martiniquais livre son regard sur le mouvement qui secoue les États-Unis depuis le meurtre de George Floyd en exigeant plus de justice.
À ton arrivée en 2016, as-tu ressenti les tensions raciales qui existent aux États-Unis ? Sincèrement, et je suis fier de cela, je n’ai jamais ressenti ou été victime de racisme. On est forcément conscient que ça existe, on entend certaines mauvaises expériences de coéquipiers. Mais à Seattle ou en Major League Soccer, je n’ai jamais vécu de discrimination. Je n’ai même jamais été contrôlé par la police, depuis que je vis aux États-Unis. Ce n’est pas pour autant que je ne reste pas attentif à ce qu’il se passe.
Comment est la situation en ce moment, à Seattle ?Après la crise sanitaire, une crise économique, c’est maintenant une crise sociale qui secoue tout le pays… Comme dans toutes les villes, il y a des rassemblements et des manifestations pacifiques tous les jours dans le downtown, et un couvre-feu est mis en place à partir de 21 heures. Malgré quelques pillages, il n’y a pas eu de gros débordement.
Quel regard portes-tu sur ces mobilisations ?En tant que personne noire, forcément, je comprends le mouvement Black Lives Matter et le soutiens totalement. Car ce n’est pas normal qu’on en soit encore là, en 2020. Quelle que soit la race ou la couleur, la justice doit être la même pour tout le monde. Elle doit être rendue pour George Floyd, et pour l’ensemble des victimes de violences policières. J’espère, et j’ai envie de croire que ces manifestations peuvent faire changer le cours des choses.
Tu as regardé la vidéo du meurtre de George Floyd ?C’est très difficile de regarder ces images, de mettre des mots dessus. Je ne peux m’empêcher de me mettre à sa place, et de me poser des questions sur la façon dont j’aurais réagi. Je me suis même fait des films en me disant que si j’avais été un passant, j’aurais peut-être pu l’aider… C’est inadmissible de voir ce policier et ses collègues rester passifs. Même lorsque l’ambulance arrive, on a l’impression que les brancardiers ne se soucient pas de son état… C’est inhumain.
Quelles sont les solutions, pour faire cesser les violences policières et les discriminations ? Cela passe, avant tout, par l’éducation. Et pas seulement à l’école ! En commençant, déjà, par l’éducation en famille portée sur ces questions. Ensuite, il faut renouer le dialogue entre la police et les citoyens. Les images de policiers qui s’agenouillent, ou qui prennent part aux manifestations, prouvent qu’il peut y avoir des améliorations. Enfin, il faut surtout éviter la violence ! Et quand on entend que le président Donald Trump veut envoyer l’armée dans les rues, on se dit que ce n’est pas gagné.
Comment se comporte ta franchise, les Seattle Sounders, avec vous ?Le club est très présent. On nous a même envoyé, à tous les joueurs de l’équipe, un mail qui aborde le sujet pour nous encourager et nous soutenir. Ça fait chaud au cœur. Et même si nous n’avons pas encore eu le temps d’en discuter, car on commence juste à reprendre les entraînements collectifs, nous avons hâte de pouvoir reprendre la saison pour porter un message de tolérance sur le terrain. Nous, sportifs de haut niveau, devons profiter de notre médiatisation pour apporter un petit grain de sel à cette cause.
En France aussi, on assiste à d’importantes mobilisations. Toi qui as vécu et joué en métropole, as-tu ressenti une différence de traitement avec les États-Unis par rapport à ta couleur de peau ?Malheureusement, que ce soit ici, en Martinique ou en métropole, le racisme est universel et doit être banni. Personnellement, je n’ai jamais ressenti de discrimination dans les deux pays. Même si, et c’est assez surprenant, je ressens plus de respect aux États-Unis qu’en métropole.
Propos recueillis par Ken Fernandez