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Jordi Alba, cinq étoiles au guide du vice
Il est ce qui se fait de mieux au monde au poste de latéral gauche. Rapide, technique, endurant : sous cette montagne de qualités se cache pourtant une petite garce. Ou un gagnant invétéré, joueur rêvé pour chaque entraîneur. Lui, c’est Jordi Alba, l’homme qui ferait passer Busquets pour un ange.
Jordi Alba agace. Talentueux au possible, le lutin de l’Hospitalet de Llobregat n’en reste pas moins un sacré fourbe. Une image de mauvais bougre qui lui collait à la peau sans pour autant en être sa caractéristique principale. Mais ça, c’était avant. Avant un quart de finale retour de Ligue des Champions qui a changé la donne. Après s’être fait sécher par Lavezzi, le coquin en rajoute des caisses : des roulés-boulés ridicules, des « je-me-frotte-l’oreille-sans-raison » , et une colère d’enfant capricieux – qui font gagner une bonne minute au Barça. En une action, le Catalan cristallise toute la frustration parisienne. Car oui, Jordi Alba est une belle catin, capable de pourrir un match de par son comportement de petit trublion. « Il fera toujours tout pour son équipe, nous explique César Ferrando, ancien entraîneur d’Alba au Gimnàstic Tarragona lors de la saison 2008-2009. Il travaille toujours pour les autres. C’est un joueur que tout entraîneur souhaiterait entraîner. Tu peux le mettre où tu veux, ailier ou arrière, il donnera toujours tout sans broncher » . Un statut de joueur rêvé qui fait face à celui d’adversaire redouté. Jordi Alba, un homme qui ne laisse pas indifférent.
« Pas un simulateur, un gagnant »
Comme beaucoup de Blaugranas, Jordi Alba est un pur produit de la Masia. Mais a contrario des Xavi, Iniesta ou Busquets, il a été contraint à l’exil pour se parfaire aux exigences du plus haut niveau. Pourtant, pas de destination à la Cesc Fabregas ou à la Gerard Piqué. A 16 ans, il part pour le voisin de l’Unió Esportivo Cornellà. Un club périphérique de l’Espanyol Barcelone qui lui permettra deux ans plus tard de signer pour le Valence CF. Sans plus convaincre son monde, il est illico prêté au Gimnàstic Tarragona en 2008. César Ferrando, ancien boss de l’Atlético Madrid, en est alors l’entraîneur. Il raconte : « Lorsque j’étais son entraîneur, il était toujours très attentif, il souhaitait toujours s’améliorer. Il a toujours eu un physique sans faille, il a toujours pu enchaîner les longueurs. Mais il ne jouait pas forcément latéral. Lorsqu’il est arrivé de Valence, il était ailier gauche. Il voulait toujours participer au jeu, il ne pouvait pas rester en place » . A l’entraînement comme en match, « Jordi a toujours été un gagnant, poursuit son ancien mentor. Quand tu le vois jouer, il attaque, il défend, il veut toujours apporter sa pierre à l’édifice. Il est de ce genre de joueurs qui ne lâchent jamais rien de la première à la dernière seconde. Jordi peut tout faire pour gagner » .
Au point de truquer ? « Non, non, non, répète César Ferrando. Ce n’est pas un simulateur, c’est un gagnant » . Un gagnant qui n’a finalement que peu gagné. De retour au bercail barcelonais depuis cet été, Jordi Alba affiche un palmarès quasi-vierge. A vrai dire, il n’a jamais rien remporté avec son club adoptif de Valence. Abonné au côté gauche, la flèche de Mestalla glane ce sobriquet après son passage au Nástic. En octobre 2011, il découvre la Roja. Pour ne plus la quitter. Et s’offrir ainsi son premier titre lors de l’Euro 2012, pour ce qui reste à l’heure actuelle sa seule et unique breloque dorée. Nabil El Zhar, ailier droit de Levante, a déjà croisé sur son chemin la mobylette catalane. Et il nous confirme les dires de Ferrando : « Lors de tous les matchs que j’ai pu jouer contre lui, lorsqu’il était à Valence ou à Barcelone, il a toujours été très tranquille. Dans le cas du match face au PSG, il y avait beaucoup de tension, tout le monde essayait de faire péter un plomb à l’autre. En plus, il est latéral, un poste où tu as souvent des contacts, donc des petites frictions comme celle-ci peuvent arriver » . Comme le résume César Ferrando, « Jordi a énormément de caractère » .
« Ils ne sont pas deux là ? »
Et aussi énormément de talent. Successeur de Jordi Alba dans l’effectif valencian, Aly Cissokho loue son potentiel : « Il a d’excellentes qualités techniques et de vitesse. Offensivement comme défensivement, il est très solide. Surtout sur le plan offensif, il fait beaucoup d’efforts et est décisif. Il arrive toujours à débloquer des espaces, pour lui ou pour ses coéquipiers, et donc à créer le surnombre » . Une hyperactivité qui l’a toujours caractérisé. « En jouant latéral, il a beaucoup plus de travail et il aime ça, explique son ancien entraîneur, qui l’a découvert comme ailier. Il a également plus de travail en partant de derrière » . Racheté cet été par le FC Barcelone, son retour apparaît aujourd’hui comme une évidence. « Il convient très bien au jeu du Barça où les latéraux doivent apporter beaucoup offensivement, poursuit Nabil El Zhar. Il a un coffre exceptionnel pour enchaîner autant de montées et de retours. A son poste, il est phénoménal puisque pendant tout le match, il ne fait qu’attaquer ou défendre. Il n’a jamais de temps mort » . Juxtaposée au Brésilien Dani Alves, sa présence a rééquilibré le système offensif catalan. Quitte à dégarnir l’arrière-garde.
De l’avis de tous, Jordi Alba est actuellement ce qui se fait de mieux au monde. « Tu en connais beaucoup des latéraux qui se retrouvent cent fois en un match dans la surface de réparation adverse ? s’interroge l’ailier de Levante. Il est vraiment spécial, très spécial. Il doit avoir un moteur quelque part, je ne vois pas d’autre explication » . Et il poursuit : « Ce n’est pas impossible de le suivre pendant 90 minutes puisqu’il faudrait déjà que tu le voies. Il est toujours devant, derrière, devant, derrière… Tu demandes combien sont-ils ? Ils ne sont pas deux, là ? De ton côté, tu essayes de bloquer Iniesta qui te fixe et tout d’un coup, tu vois une moto partir sur l’aile. Le pire, c’est qu’il revient et que toi, tu n’as pas eu le temps de te replacer… C’est une vraie mobylette » . Ce « latéral moderne par excellence » , comme le décrit Aly Cissokho, a donc de quoi inquiéter le Bayern. « Si je suis l’entraîneur adverse, j’ai peur » , avoue César Ferrando avant de rajouter : « Il n’a jamais eu aucun problème avec ses coéquipiers lorsque je l’avais sous mon autorité. C’est un super partenaire » . Autant qu’un adversaire infect.
Son jeu de scène face au PSG :
Par Robin Delorme, à Madrid