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Jordan Vert-étou
Jordan Veretout a donc tenu une petite saison en Angleterre, avant de revenir en Ligue 1 dans l'anonymat presque général. La parenthèse Aston Villa se ferme plus vite que prévu pour l'ancien Nantais, qui tentera d'oublier sa triste aventure à Saint-Étienne. Un choix qui fait rugir du côté de la Beaujoire.
L’histoire est tellement classique qu’elle en est presque caricaturale. Celle d’un jeune joueur français prometteur, complet, arrivé tout jeune au centre de formation du club mythique qui se trouve à une demi-heure du patelin où il est né. Il y fait ses classes, y devient pro, entre dans le onze titulaire avant ses vingt ans, connaît les équipes de France U18, puis U19, puis U20, y gagne des titres, avant d’arriver chez les Espoirs. Et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que comme des tas d’autres joueurs de sa génération, l’intéressé a un gros panneau « Premier League » qui clignote dans la tête, et qu’il veut aller trop vite. Il n’a que vingt-deux ans, des clubs anglais sont intéressés, et il a même un prénom anglophone, alors pourquoi se priver ?
Alors le 31 juillet 2015, après quatre saisons pleines passées au FC Nantes, Jordan Veretout posait fièrement avec son maillot d’Aston Villa, sûr de son choix. Les Villans n’étaient pourtant pas les seuls sur les rangs, et une certaine équipe de Leicester avait même proposé une somme encore plus importante que les 10 millions d’euros dépensés par Villa pour récupérer le milieu de terrain. Ayant oublié d’avoir le nez creux ce jour-là, Veretout avait refusé les avances des Foxes. « Je pense qu’un joueur doit agir de façon responsable et s’entraîner correctement. Si on se comporte comme ça toute sa carrière, on finit par arriver où on mérite d’être » , expliquait-il alors. Toujours dans le coup quand il s’agit de s’envoyer quelques fleurs, le président nantais Waldemar Kita ajoutait : « J’aurais pu ne penser qu’à ma gueule et faire monter les enchères, mais je ne vais pas contrarier le gamin. »
Le patient anglais
Tant pis pour les 15 millions qu’aurait proposés Leicester, le choix du joueur a fini par primer. C’est qu’à Nantes, où il a parfois été présenté comme le nouveau Toulalan dans le cœur des supporters, Veretout a la cote, et peut se permettre d’imposer ses volontés. Arrivé à la Jonelière à l’âge de dix ans, le natif d’Ancenis – à 40km de Nantes – n’a plus quitté les Canaris jusqu’à ses velléités de Premier League. À la clé, plusieurs belles saisons, dont cet exercice 2013-2014 où il était impliqué dans la moitié des buts du FCN, ou cette saison 2014-2015 à sept buts en championnat. Pas mal pour le milieu de terrain de la pire attaque du pays, et une performance qui lui a permis de taper dans l’œil de quelques clubs d’outre-Manche. En bonus, Veretout a même pris le temps d’être champion du monde U20 en 2013 avec les Bleuets, en étant titulaire dans le solide milieu de terrain formé avec Pogba et Kondogbia.
La greffe avec Aston Villa avait donc de bonnes chances de prendre, et sa créativité et sa justesse technique étaient attendues pour faire la peau aux costauds défenseurs anglais. Le coach de l’époque, Tim Sherwood, lui fait même confiance dès le départ, en le titularisant pour la première journée de Premier League. Mais la lune de miel tourne court, les Villans jouent comme des manches, et le Frenchy termine sur le banc. L’Angleterre lui mène la vie dure, sur mais aussi en dehors du terrain. Veretout a eu la mauvaise idée de débarquer en terre d’Albion sans parler un mot d’anglais, et communique avec son coach par signes. Et au-delà de ces scènes dignes de La famille Bélier, il vient de devenir père. Arrivé sans logement, il passe de longues semaines dans un hôtel de Birmingham avec Madame et le petit. Pas vraiment le conte de fées espéré, même si l’arrivée de Rémi Garde sur le banc de Villa est un bol d’air.
Colère rouge pour les Jaune et Vert
Veretout retrouve le terrain, et termine avec 6 passes dé’ en 25 matchs de championnat, dans une équipe n’ayant marqué que 27 buts. Pas ridicule, pas convaincant non plus, surtout quand on finit dernier avec seulement trois victoires. « Une autre recrue étrangère, un autre échec. Jordan Veretout promettait tellement quand il est arrivé de Nantes, mais n’a presque rien donné » , écrit le Birmingham Mail, sans parler explicitement de son départ. L’affaire n’est pas simple, puisqu’il est sous contrat jusqu’en 2020, mais on s’affaire pour lui trouver un point de chute. L’OM se lance, Estadio Deportivo parle d’un accord avec Séville, avant que l’ASSE ne tienne la corde. « Je l’ai rencontré. Il n’est pas spécialement différent des joueurs que nous possédons » , avait pourtant lâché, bourru, coach Galtier, en faisant référence à son milieu de terrain chargé.
Mais la machine est lancée, et à peine quelques minutes après l’annonce de l’arrivée d’Henri Saivet – autre revenant d’un club anglais rétrogradé –, le compte Twitter de Sainté jubile : « Jordan Veretout est lui aussi Vert. » Mais si Galtier met un peu d’eau dans son vin – « Jordan est très complémentaire avec tous les milieux de terrain que nous avons. » –, Romeyer ne semble pas miser sur du long terme, et tempère : « Il vient avec la ferme volonté de franchir un palier dans un club qui a servi de tremplin à plusieurs joueurs. » Car le deal ne prévoit qu’un prêt d’un an, sans option d’achat. Assez pour déchaîner les Nantais sur les réseaux, encore animés par les grandes heures de la rivalité éternelle entre les deux équipes. Veretout retrouvera la Beaujoire le 21 septembre. Un stade où le public saura sans doute faire comprendre à l’ancien Jaune & Vert qu’il ne lui pardonne pas d’avoir retiré une couleur sur son maillot.
Par Alexandre Doskov