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Jordan Ikoko : « On nous a dit de ne parler à personne en dehors du staff »

Propos recueillis par Douglas de Graaf
7 minutes
Jordan Ikoko : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On nous a dit de ne parler à personne en dehors du staff<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé l'été dernier à Ludogorets en provenance de Guingamp, Jordan Ikoko vit de l'intérieur le joli parcours du champion de Bulgarie en Ligue Europa. Mais à l'heure d'affronter l'Inter à San Siro en 16es de finale retour de la compétition (0-2 à l'aller), le latéral droit formé au PSG se retrouve au cœur d'une région touchée par le virus dont tout le monde parle en ce moment : le coronavirus. Le temps de retirer son masque de sa bouche, l'international de la RDC (26 ans) nous raconte comment son club a dû préparer le déplacement, entre San Siro à huis clos, tests à la sortie de l'aéroport et interdiction de quitter l'hôtel.

Votre 16e de finale retour de Ligue Europa contre l’Inter, à San Siro ce jeudi, devait être une belle fête pour le club. Au lieu de ça, on ne parle quasiment que du coronavirus. Qu’est-ce que ça t’inspire ? C’est dommage parce qu’on aurait aimé jouer au San Siro dans une belle ambiance, mais on comprend que les autorités ne veulent prendre aucun risque. Parce qu’on sait que le virus se transmet rapidement et que ça aurait pu être dangereux avec la présence de supporters. Vous savez, un stade, c’est comme un aéroport : il y a beaucoup de personnes, il y a du contact, on ne sait pas qui a quoi… On respecte ce choix et on sait que c’est pour le bien de tout le monde. On est là pour jouer avant tout, mais c’est vrai que ça me fait un peu peur cette histoire.

Vous êtes à l’hôtel en ce moment (l’interview a été réalisée mercredi soir, N.D.L.R). Vous avez quand même le droit de sortir, vous êtes libres de vos mouvements ? Il y a un médecin qui nous accompagne depuis notre départ de Bulgarie, et dès qu’on a atterri, il a pris la parole pour nous donner des consignes. On doit se mettre du gel désinfectant pour les mains, on a interdiction de sortir de l’hôtel, on doit porter un masque 24h/24… sauf pendant les entraînements et le match ! Mais même pour aller manger, le masque c’est obligatoire. On nous a aussi dit de ne pas parler aux personnes en dehors du staff. De ne parler qu’entre nous, quoi.

Vous les acceptez, ces consignes, ou vous trouvez que c’est excessif ?Je trouve ça excessif, mais je les comprends et je les accepte. Certains coéquipiers auraient peut-être aimé sortir, mais de toute façon on ne sort pas trop la veille d’un match. On ne peut même pas voir de la famille qui vient nous voir… Mais bon, on accepte, c’est le choix du club et on est obligé de s’y conformer.

On vous a vu descendre de l’avion avec des masques… Vous avez dû subir des tests à votre arrivée ?Oui, on a été contrôlés. On nous a passé une espèce de bip au niveau du front. C’était pour vérifier notre température, je suppose.

Toi, tu n’as pas peur d’attraper le coronavirus en étant ici ?Ça peut arriver à tout le monde, en vrai. C’est comme une grippe, tout le monde peut en attraper une. Mais ce n’est pas parce qu’il y a ce virus qu’on ne doit plus rien faire. C’est dommage.

Le week-end dernier, une rencontre de l’Inter à domicile en Serie A a été annulée à cause du coronavirus. Vous, le match est maintenu… Ce n’est pas un peu absurde ?Oui et non. Le gros problème, en fait, c’est le casse-tête du report du match. En cas de report, il aurait fallu prendre en compte le calendrier des autres matchs de Ligue Europa qui se sont déroulés normalement, les calendriers des deux clubs sur la scène nationale… Le calendrier de la Ligue Europa est très serré, donc il faut que ça s’enchaîne. En tenant compte de cela, je pense qu’ils ont convenu que le report du match serait trop compliqué à mettre en place. D’où la décision de le maintenir, mais à huis clos. Après, c’est vrai que c’est étonnant qu’il y ait eu une annulation ce week-end et un maintien pour notre match. L’UEFA et la Serie A avaient sûrement des raisons pour prendre deux décisions différentes, il faut l’accepter.

Une fois le match terminé, vous allez devoir repasser des tests ?On sera contrôlé à notre retour en Bulgarie, oui. En tout cas, c’était prévu qu’on reste une nuit ici au départ, mais le club n’a pas voulu prendre le risque de rester une nuit supplémentaire, donc on va rentrer directement en Bulgarie après le match.

Un journaliste bulgare – contributeur pour le Guardian notamment – affirme que vous allez devoir passer des tests dans un hôpital à Sofia dès votre retour… Je ne suis pas au courant, ce n’est pas prévu en tout cas. Oui, on sera contrôlé, mais dans un hôpital, ça non, je ne crois pas.

Au milieu de ce climat de psychose, il n’y a pas certains de vos coéquipiers ou membres du staff qui ont renoncé à venir ?Déjà, le coach nous a dit que si certains avaient peur, si certains ne voulaient pas faire le voyage, libre à eux. Ils ne seraient pas sanctionnés ni quoi que ce soit. Mais tout le monde a dit qu’il était prêt à faire le voyage, joueurs et membres du staff confondus. Et même après le match ou pendant l’entraînement, le coach l’a redit : si quelqu’un ne se sent pas bien, qu’il le dise et il ne jouera pas.

Et si on parlait d’autre chose que le coronavirus ? Comment ça se passe ton expérience à Ludogorets pour le moment ?C’est ma première expérience à l’étranger, donc ce n’est pas facile tous les jours avec la langue, un nouveau pays, un nouvel environnement. C’est pas facile, mais je m’accroche. Sinon, en dehors de ça, ça se passe plutôt bien. Je ne regrette pas.

Tu voulais absolument partir à l’étranger ?Après les mois difficiles de ma dernière saison à Guingamp, je voulais partir, oui. Et puis j’avais déjà une bonne petite expérience en France entre guillemets, donc je voulais découvrir autre chose.

C’est une étiquette difficile à porter, ce statut de « joueur formé au PSG » ?C’est vrai que les gens te regardent un peu différemment et qu’on est beaucoup plus exigeant envers toi. Je peux comprendre, hein, mais c’est pas parce que quelqu’un est formé au PSG qu’il a tout réussi. Mais bon, j’ai l’habitude. En fait, je le prends comme un avantage : ça me pousse à donner le meilleur de moi-même. Avoir été formé au PSG, c’est une chance : c’est ce club qui m’a tout appris.

C’est comment Razgrad, la ville où est basé Ludogorets ?C’est une petite ville (35 000 habitants, N.D.L.R) de la Bulgarie profonde. C’est un peu pauvre, on va dire. Je ne vous cache pas qu’il n’y a pas grand-chose à faire. De toute façon, on enchaîne les matchs et je ne suis pas là pour la ville. Mais ce n’est pas du tout fermé comme mentalité, les gens y sont très accueillants. Chaleureux, respectueux. Personne ne me dérange quand je fais mes courses, par exemple. Avec les joueurs, on habite tous dans la ville, et quasiment tout l’effectif est présent quand on mange ensemble au resto ! (Rires.)

Tu essayes de bouger quand tu as du temps libre ?Comme il n’y a pas grand-chose à faire, je passe du temps en famille. Sinon, je vais à Varna. C’est une très belle ville touristique à une heure de Razgrad. Ça bouge un peu, il y a la plage, des centres commerciaux pour faire du shopping. On est aussi à deux heures de Bucarest, la capitale de la Roumanie.

Et le football bulgare, c’est un autre monde ?Disons qu’il y a quatre-cinq bonnes équipes, dont le CSKA Sofia et le Levski Sofia, contre qui on a toujours des matchs difficiles. D’autant que leurs supporters sont très chauds. Mais Ludogorets est champion depuis 8 saisons, on est un peu le PSG d’ici. Donc forcément, ça joue souvent à cinq derrière contre nous, de façon très fermée. Ça m’apprend à être plus offensif, à m’adapter à un jeu de possession. Je défends assez peu finalement.

Le club s’en sort plutôt bien sur la scène européenne, avec des qualifications pour la phase de poules de la C1 (groupe du PSG et d’Arsenal en 2016-2017) ou des 16es de finale de C3. Il y a moyen de voir plus haut ? Ludogorets, c’est un club stable, qui dispute chaque année une compétition européenne. C’est très agréable de jouer dans cette équipe, qui pratique un beau football. Comme joueurs francophones, il y a Anicet Abel (formé à Auxerre, N.D.L.R) et Claudiu Keșerü (passé par Nantes, Angers et Bastia, N.D.L.R), mais sinon il y a pas mal d’étrangers, donc tout le monde parle avec tout le monde. Je suis sûr qu’on peut passer un cap pour voir au-delà des 16es de Ligue Europa à moyen terme.

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Propos recueillis par Douglas de Graaf

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