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Jordan Ferri : « Ce n’est pas parce que je ne marque pas que je dors mal »
Si Montpellier regarde vers le haut du classement, c'est évidemment grâce à l'apport offensif de Téji Savanier ou Stephy Mavididi. Mais le crédit des belles performances héraultaises est à partager avec d'autres hommes, parmi eux Jordan Ferri. Plus discret, le patron de l'entrejeu héraultais vient de franchir la barre des 250 matchs dans l'élite et de prolonger son contrat avec le MHSC. L'ancien international espoir est surtout le premier joueur montpelliérain au nombre de passes et de tacles réussis, et le deuxième au nombre de duels remportés. Entretien avec le lieutenant de Téji Savanier, qui se verrait bien renouer avec l'Europe dans quelques mois.
Tu es le joueur le plus utilisé à Montpellier, et ton équipe est bien placée en championnat. Comment tu te sens en ce moment ?On se sent toujours mieux quand l’équipe tourne bien, forcément. Il y a eu pas mal de changements au club, que ce soit dans l’effectif ou dans le staff. Il fallait que tout le monde trouve sa place, ça a pris un peu de temps. C’est pour ça qu’on sentait un certain flottement dans notre jeu en début de saison. Il a fallu apprendre un nouveau style de jeu, comprendre ce que le nouveau coach attendait de nous individuellement et collectivement. Ça a pris un peu de temps, mais on a fait une grosse fin de première partie de saison. On espère recommencer tout aussi bien (entretien réalisé avant la défaite 3-1 à Strasbourg, alors que le MHSC restait sur une série de quatre victoires sur quatre matchs en décembre, NDLR).
C’est plaisant de jouer dans cette équipe du MHSC ?Bien sûr. J’ai pas mal de responsabilités, j’essaie de les assumer du mieux possible. Et surtout de rendre cette confiance que le club, le staff et mes coéquipiers placent en moi, en réalisant les meilleures prestations possibles. J’ai la chance de pouvoir enchaîner les matchs, et donc d’engranger de la confiance et du rythme. Je prends beaucoup de plaisir ici à Montpellier. J’espère que ça va continuer et que l’équipe aura le classement qu’elle mérite en fin de saison.
Qu’est-ce qu’Olivier Dall’Oglio vous a apporté ?Déjà, un vrai style de jeu. On travaille beaucoup en vidéo et tactiquement. Il y a une réelle identité, chaque joueur sait se placer quand on a le ballon et quand on ne l’a pas. C’est très rigoureux et en même temps, il nous laisse une liberté totale offensivement dans les derniers mètres. Donc je dirais de la rigueur défensive, un réel état d’esprit et une liberté offensive.
Qu’est-ce qu’il te demande personnellement sur le terrain ?Il demande à ses deux numéros 6, que ce soit Joris (Chotard), Léo (Leroy) ou moi-même, d’être responsables de l’équilibre de l’équipe. Nos latéraux participent énormément au jeu offensif, ce qui permet de garder de la largeur. Nous, on doit garantir l’équilibre à la perte de balle, anticiper, gratter le plus de ballons possibles, être disponible pour aider nos centraux et notre gardien pour ressortir la balle. On a un rôle de l’ombre, à la récupération et aux relances. Il met vraiment l’accent sur ça et sur l’importance que l’on peut avoir pour le collectif.
Marquer un petit but fait aussi partie de ta fiche de poste ? Ton dernier remonte à mars 2021.Je préfère ne pas marquer et que Montpellier ait la meilleure place possible que l’inverse. Ce n’est pas parce que je ne marque pas que je dors mal. Ce n’est vraiment pas ce que le coach me demande en priorité, je suis plutôt au départ du jeu. Pour marquer et faire marquer, d’autres joueurs font ça mieux que moi.
Dall’Oglio avait dit à ton sujet : « Il s’est concentré sur certains rôles et il est beaucoup plus efficace. » Ça veut dire que tu t’éparpilles moins ? C’est vrai que je suis un peu moins foufou. Le coach m’a amené beaucoup de structure, beaucoup de discipline. C’est peut-être ce qu’il me manquait dans certains moments, un peu de discipline, de lucidité, de concentration sur mon rôle au milieu de terrain. Ça m’apporte plus de stabilité.
Et ton importance va au-delà du terrain, puisque le coach considère Téji Savanier comme le patron du vestiaire et toi comme son lieutenant.Oui, j’ai une relation assez forte avec Téji, sur le terrain et en dehors. Je suis heureux de pouvoir le soutenir et l’accompagner dans son rôle de capitaine. C’est une fierté d’avoir ce rôle-là à Montpellier. J’essaie de le suppléer et de l’accompagner du mieux possible.
Tu es aussi très proche de Joris Chotard, que tu as un peu pris sous ton aile.On n’est pas de la même génération, mais on a grandi au même endroit (Ferri à Saint-Rémy-de-Provence et Chotard à Châteaurenard, NDLR). Quand il est monté en pro, on s’est tout de suite très bien entendus. J’essaye de le conseiller au mieux, et cette année, en enchaînant les matchs, il retrouve beaucoup de confiance et de sérénité, il est précieux au milieu de terrain. Il récupère énormément de ballons et prend de plus en plus de responsabilités quand il l’a dans ses pieds. C’est un vrai point fort du milieu de terrain de l’équipe.
Ça te rend fier, ce rôle de grand frère, de participer à l’éclosion de nouveaux joueurs ?Bien sûr ! Le vestiaire s’est vraiment rajeuni cette saison, on a énormément de jeunes. J’essaie de leur apporter mon expérience et beaucoup de confiance parce que, souvent, ils ont énormément de qualité, mais pas encore beaucoup de confiance, ce qui est normal quand on démarre. J’essaie de les rassurer et de leur apporter toute cette confiance pour qu’ils puissent pleinement utiliser leur potentiel sur le terrain.
Il paraît que tu as même présenté Joris à ta famille.Oui, on a beaucoup d’amis en commun et après les rencontres, quand les proches se retrouvent, on commence à connaître la famille des uns et des autres. Sur certains matchs, si on veut garder notre maillot, c’est retenu sur le salaire. Au moment de son premier match, je lui avais pris. J’avais dit à l’intendant de le garder parce qu’un premier maillot en professionnel, c’est toujours spécial. Je voulais faire ce petit geste pour lui, il le méritait. Je suis content de voir aujourd’hui qu’il est en équipe de France Espoirs, titulaire à Montpellier, qu’il est épanoui sur le terrain et réalise de belles performances.
Qui est le meilleur à la pétanque ?Ah, à la pétanque, il est meilleur. Mais en même temps, il y joue tous les jours ! Moi, j’aime bien de temps en temps, mais ce n’est pas une grande passion.
Ça chambre pas mal entre vous ?On me chambre un peu aux entraînements parce que des fois, j’hésite à tirer. (Rires.) Le vestiaire vit extrêmement bien. Une saison est faite de hauts et de bas, donc avoir un vestiaire qui vit bien, avec des joueurs qui n’ont pas peur de se dire les choses et qui ont un lien fort, c’est super important pour traverser les moments un peu plus compliqués.
Tu avais déjà connu un vestiaire aussi uni ?J’ai eu la chance de ne faire que de bons vestiaires avec de bons mecs. À Lyon, on sortait tous du centre de formation, c’était extraordinaire de se suivre depuis l’âge de 15 ans et de jouer la Ligue des champions ensemble. C’était une expérience incroyable. À Nîmes aussi, le vestiaire vivait bien. Cette année aussi, on sent un vestiaire qui vit très bien, les nouveaux se sont très bien intégrés. C’est une atmosphère de travail super positive.
Tu as joué derrière des milieux créateurs comme Mathieu Valbuena, Nabil Fekir et Yoann Gourcuff, tous des internationaux qui ont atteint le très haut niveau. Où placerais-tu Téji par rapport à eux ?À leur table, tout simplement. C’est un peu l’expression en ce moment. Téji a énormément de qualités, il a les deux pieds, cette capacité à changer de rythme, cette vision du jeu, cette frappe de balle… Il n’a rien à envier à ces joueurs-là. Je prends énormément de plaisir à jouer avec lui, comme j’ai pris énormément de plaisir à jouer avec Valbuena, Fekir, Gourcuff et d’autres. C’est un gros plus de l’avoir avec nous.
On parle de plus en plus de lui en équipe de France, qu’est-ce que tu en penses ?Il y a un sélectionneur qui fera ses choix. En tout cas, Téji a toutes les qualités pour jouer au niveau international. Je ne lui souhaite que du bon. S’il doit être appelé, je sais que ce sera une grosse fierté pour lui.
Et toi qui as connu les Espoirs, tu penses aux Bleus ?Pas vraiment. L’équipe de France Espoirs, j’en garde un très bon souvenir. Aujourd’hui, je suis supporter de l’équipe de France. Je suis lucide sur la qualité des joueurs qui sont présents dans cette équipe. Moi, je fais ma carrière, je continue mon petit bonhomme de chemin. Je prends du plaisir sur le terrain, j’ai des ambitions avec mon club, je suis épanoui ici, et ça me satisfait pleinement.
Tu es dans le football professionnel depuis dix ans maintenant. Comment juges-tu ta trajectoire jusqu’à présent ?Je dirais que mon départ de Lyon a été un gros tournant pour moi. Lors de mon prêt à Nîmes, beaucoup de gens pensaient que j’allais me perdre. J’ai su faire mentir certaines personnes avec une bonne deuxième partie de saison à Nîmes, où on finit neuvièmes. Ça m’a permis d’être contacté par Montpellier. Depuis trois ans, on voit que l’équipe progresse saison après saison. L’année dernière, on était huitièmes. L’année d’avant, on n’était pas loin non plus, mais la saison a été arrêtée. Le club et l’équipe progressent. Je considère que je fais une bonne carrière. Il y a eu de la progression à Lyon, mon départ a marqué un tournant, et j’ai su rebondir à Montpellier, où je m’épanouis pleinement. J’espère que ça continuera le plus longtemps possible.
Le petit Balmont a bien grandi ?(Rires.) Pas en taille, en tout cas ! Forcément, on prend de l’expérience, on apprend de nos erreurs. On fait un métier formidable, on est des privilégiés. Il faut prendre conscience de tout ça. C’est mon cas, je prends du plaisir tous les jours à aller à l’entraînement avec ce groupe-là, et ça se voit le week-end.
C’est assez costaud de ta part d’avoir remis les supporters de ton côté après l’épisode du maillot nîmois (la saison passée, Ferri s’était attiré les foudres des certains supporters, après s’être affiché sur ses réseaux sociaux avec le maillot du Nîmes Olympique, NDLR). (Il souffle.) Je sais que j’ai commis une erreur avec cet épisode, mais en leur montrant sur le terrain que j’étais prêt à mouiller le maillot et à tout donner pour ce club, je savais qu’ils allaient se rendre compte de mes valeurs, du joueur et de l’homme que je suis. Maintenant, j’ai de très bonnes relations avec les supporters. C’est super important de les avoir derrière nous, et derrière moi.
Tu pourrais finir ta carrière dans ce club ?On ne sait jamais dans le foot. C’est tellement aléatoire maintenant qu’on ne peut plus voir sur le long terme comme ça. En tout cas, j’espère que mon aventure à Montpellier durera le plus longtemps possible.
Jusqu’où peut aller Montpellier cette année ?(Rires.) On verra à la fin de la saison ! Pour le moment, il faut être humble, continuer de travailler et rééditer les grosses performances qu’on a su faire en fin d’année. On n’est qu’à la mi-saison, il y a de très bonnes équipes dans ce championnat, donc il va falloir s’accrocher. Après, une Coupe d’Europe, pour ce club et ce groupe, serait une formidable récompense. Je l’ai connu à Lyon, j’espère le connaître un jour avec Montpellier. C’est un club structuré, avec des ambitions.
La saison dernière, vous avez fini à quatre points de l’Europe. C’était un objectif clair fixé dès le début de saison ?Non, jamais en début de saison. C’est un objectif qui vient au fur et à mesure. Pour moi, ça ne sert à rien de se fixer des objectifs en début de saison, parce qu’on ne sait jamais comment une saison va tourner. Ça doit venir au fur et à mesure du championnat. Ça ne sert à rien de se dire : « Vu qu’on est cinquièmes à mi-saison, si on n’a pas l’Europe à la fin de la saison, ce sera une déception. » Non. Il faut voir comment on va reprendre cette deuxième partie de saison. Et si on peut décrocher l’Europe, on ne s’en privera pas.
Propos recueillis par Quentin Ballue