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Jordan Amavi : « Il y a plus grave qu’une rupture des croisés »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
Jordan Amavi : « Il y a plus grave qu’une rupture des croisés »

Il avait terminé l'année 2015 avec un genou en vrac qui avait brisé son élan en Premier League. Désormais de retour à la compétition, Jordan Amavi souhaite ramener Aston Villa dans l'élite anglaise et philosophe sur la première grosse blessure de sa carrière. Car il a compris qu'il y avait plus grave dans la vie.

Tu es revenu à la compétition avec Aston Villa après neuf mois d’absence sur blessure, comment va ton genou ?

Il va bien, il est en pleine forme, cela tient. Je suis à 100% de mes capacités physiques, pas de souci avec ça. J’ai eu un peu d’appréhension, de craintes avant de reprendre, je me demandais si cela allait tenir ou pas. Mais une fois que j’étais sur le terrain, je suis allé aux duels, j’ai joué normalement.

Pour ton premier match après ta blessure, les supporters de Villa t’ont accueilli de quelle manière ?

En Angleterre, ce sont de vrais fans. Même en D2, ils sont nombreux à faire les déplacements. Dans tous les stades, ils remplissent leur tribune, c’est magnifique.

C’était le dernier match de préparation, le coach (Roberto Di Matteo, depuis démis, ndlr) me fait entrer quelques minutes en fin de match et les supporters m’ont applaudi. La culture foot des supporters anglais, c’est différent, ils sont au stade à fond derrière leur équipe et leurs joueurs. De vrais fans, même en Championship, ils sont nombreux à faire les déplacements, dans tous les stades, ils remplissent leur tribune, c’est magnifique. Cela chante, cela nous pousse sur le terrain. Ils ont plein de chants selon les situations et les joueurs.

Il y a un chant Jordan Amavi ?

(Rires) Ouais, ils en ont fait un, un peu comme le principe de « Will Grigg’s on fire » , ils ont repris une chanson connue avec mon nom.

Pour revenir sur ta blessure au genou (rupture des croisés en novembre 2015 lors d’un match avec l’équipe de France espoirs, ndlr), on a l’impression que tu as très vite relativisé ta blessure, alors que tu n’as que vingt-deux ans…

C’est vrai que lorsque j’ai appris que ma saison était terminée, que c’étaient les croisés, sur le moment c’était dur à encaisser. Tu te dis « Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? » Mais avec le recul, je me suis rapproché de ma famille, de mes amis, je suis rentré en France.
Je me suis dit que c’était mieux que cela m’arrive maintenant que plus tard. Je suis jeune, ma blessure est passée, je reviens à mon meilleur niveau. C’est derrière.

Et je me suis dit que c’était mieux que cela m’arrive maintenant que plus tard. Je suis jeune, ma blessure est passée, je reviens à mon meilleur niveau. C’est derrière. Et quand je suis allé au centre de rééducation de Saint-Raphaël, j’ai vu des gens qui avaient des choses bien pires que moi. J’ai vu un mec de mon âge se présenter avec un pantalon. Plus tard, quand je l’ai vu en short, il lui manquait une jambe. En discutant, il m’a expliqué qu’il avait un problème depuis tout jeune et qu’il avait demandé lui-même l’amputation. Il avait tous les jours le sourire, on rigolait tous les jours alors qu’il lui manquait une jambe. D’autres personnes avaient d’autres problèmes bien pires que les miens. Cela fait réfléchir, « ah ouais, toi tu as juste un ligament croisé qui a lâché, d’autres personnes de ton âge ont bien pire… » Cela fait réfléchir et permet d’avancer.

Paradoxalement, cette blessure va donc t’aider dans ta carrière et ta vie.

Exactement. Même si je ne vais pas le cacher, j’avais la crainte de me blesser et de voir ma carrière en danger à cause de cela. J’avais changé de club, cela ne faisait que quelques mois que j’y étais et je me fais les croisés. Ce n’est pas n’importe quelle blessure. Mais en côtoyant certaines personnes, cela m’a permis d’avancer, d’être plus fort. Maintenant, je sais qu’il y a bien plus grave qu’une rupture des ligaments croisés.

C’était quoi le plus dur blessé, de se faire mal physiquement pour revenir rapidement, ou de devoir regarder Aston Villa sombrer sans pouvoir aider ?

Un peu des deux. Quand je me suis fait opérer, je me suis dit : « Ok, ça c’est fait. » Mais au départ, tu ne peux pas bouger, seulement regarder les matchs et voir que ton équipe est en difficulté. Je ne me suis pas rongé mentalement, car mon père m’a éduqué pour être fort mentalement, et au centre de formation à Nice, on m’a également préparé pour être costaud. Mais c’est vrai que cela fait mal de vivre cette situation, mais j’avais ma famille autour de moi et j’ai rencontré des personnes qui m’ont vraiment permis de tout relativiser. Cette année, on est en Championship, tant pis, on va se battre ensemble pour remonter.

Quand tu es blessé, les journées doivent être très longues ?

Quand j’ai commencé les séances de rééducation, je n’avais pas le temps de m’ennuyer. Le taxi venait me chercher tous les matins à Nice, j’avais rendez-vous vers 9h.
Là en étant blessé, j’entretenais le haut du corps, car je ne pouvais rien faire avec les jambes.

Le matin, je faisais des soins, l’après-midi de la préparation physique pour garder le haut du corps en forme, et après encore des soins. Je partais de chez moi à 8h et je rentrais à 18h ou 19h. Une journée de travail, et le week-end pour souffler. Quand tu es en pré-saison, tu travailles pour préparer la saison et ensuite tu entretiens. Là, en étant blessé, j’entretenais le haut du corps, car je ne pouvais rien faire avec les jambes. Mais ensuite, c’est limite si j’ai dû travailler plus pour retrouver le niveau d’avant blessure, voire mieux. Il y avait une grosse charge de travail, mais c’était bénéfique pour la suite.

Aston Villa a dû mettre en place un suivi très pointu pendant ta convalescence…

Quand j’ai appris pour ma blessure, ils m’ont demandé ce que je voulais faire, et j’ai expliqué que je souhaitais rentrer en France, être avec ma famille et mes amis. Ils m’ont dit : « Pas de soucis, c’est normal. » Je suis rentré en France et j’ai fait ce qu’il fallait. Le jour de mon opération, quelqu’un du staff médical du club est venu y assister. J’avais mon doc qui venait quand je devais aller voir mon chirurgien à Lyon. Parfois, il descendait de l’avion, assistait à l’entretien avec moi pendant une heure, et après il repartait directement.

Avant de te blesser, tu étais la recrue la plus en forme d’Aston Villa, la presse britannique voyait même en toi l’une des meilleures acquisitions de l’été en Premier League. As-tu des regrets sur ce que cette blessure a pu gâcher, une première sélection ou un transfert dans un gros club anglais ?

Franchement non. Je suis arrivé à Aston Villa, car c’était la Premier League ainsi qu’un grand club, avec une histoire. Ce n’est pas n’importe quoi. J’arrive dans l’optique de m’imposer, dans un nouveau club, dans un nouveau championnat. Je n’arrive pas en me disant : « Je fais une grosse saison et je pars. » Même sans me blesser, je serais peut-être resté malgré la relégation. On ne saura jamais ce qu’il aurait pu se passer.

Mais, avec ton agent (Christophe Mongai, ndlr), vous aviez discuté d’un positionnement pour le mercato d’été 2016 ?

Au mercato d’été, j’avais dit à mon agent que je voulais rester, et les dirigeants m’ont demandé mon avis aussi.

Personnellement, je me sens bien à Aston Villa, l’ambiance dans le groupe est bonne, les infrastructures sont magnifiques, la ville est belle aussi. Malgré le fait qu’on soit en D2, je suis bien à Aston Villa. Au mercato d’été, j’avais dit à mon agent que je voulais rester, et les dirigeants m’ont demandé mon avis aussi. Si des clubs s’étaient positionnés, je ne sais pas si Villa m’aurait laissé partir, mais moi, j’avais décidé de rester. Aujourd’hui, je joue, j’essaie de revenir à mon meilleur niveau.

De ces trois mois de Premier League, tu retiens quoi ?

L’ambiance, l’atmosphère autour des matchs. Et l’intensité pendant les matchs. C’est différent de la France, avec les Anglais, tu peux avoir un but à la 90e et à la 92e. Ce n’est jamais terminé. En Championship, il y a quatre ou cinq matchs où on a perdu des points bêtement en prenant des buts dans les cinq dernières minutes de jeu. L’an passé, contre Leicester, c’est là que j’ai compris ce que c’était la Premier League : on menait 2-0 à la 70e, et on prend un but à la 75e, un autre à la 80e, et un dernier à la 90e, on perd 3-2.

Il y a des joueurs qui t’ont impressionné ?

J’ai eu l’occasion de jouer contre Ryad Mahrez, et aussi Jésus Navas que j’ai eu au marquage. Cela va très vite, cela démarre très vite. J’ai eu l’occasion de jouer contre de belles équipes. Tout le monde joue pour la gagne et pour marquer. Et tant que l’arbitre n’a pas sifflé, cela joue à fond.

Cette saison, Aston Villa est pour le moment seizième, Roberto Di Matteo a été remplacé par Steve Bruce en octobre, mais l’équipe va mieux depuis ce changement d’entraîneur (Villa est invaincu depuis début octobre, ndlr). Comment tu analyses ce renouveau ?

J’espère que l’on va continuer sur cette dynamique. Steve Bruce dégage beaucoup d’autorité, il resserre les boulons… Avec lui, faut marcher droit.

Je ne sais pas. Roberto Di Matteo, c’était un bon coach aussi. Là, on est dans une bonne réaction depuis que Steve Bruce est là. Un déclic, le choc psychologique ? J’ai quand même eu quatre coachs en un an… J’espère que l’on va continuer sur cette dynamique. Steve Bruce dégage beaucoup d’autorité, il resserre les boulons… Avec lui, faut marcher droit, mais c’est quelqu’un qui aime rigoler à l’entraînement. Mais pas le jour du match, si cela ne va pas, il gueule.

Tu as des gars sûrs dans le vestiaire de Villa ?

En dehors des entraînements, pas trop, car ils sont tous plus vieux que moi et ont une famille, des enfants. Cela peut arriver qu’on fasse des trucs en dehors des entraînements, par exemple Jordan Ayew qui passe à la maison pour faire une partie de Play. On a plus d’affinités entre francophones, mais dans le vestiaire, on rigole tous ensemble, même avec les Anglais.

Tu as été rappelé en équipe de France espoirs lors du dernier rassemblement, cela a dû te faire beaucoup de bien…

Au départ, je ne devais pas être appelé, mais Benjamin Mendy s’est blessé et le coach Mankowski m’a rappelé et m’a fait jouer. Cela fait plaisir, car cela signifie qu’il pensait à moi, qu’il avait confiance en moi. C’était sûrement un bon signal par rapport au travail fourni pour revenir à mon meilleur niveau. Il a récompensé ce travail en me sélectionnant.

L’équipe de France A, tu y penses ou c’est encore trop loin pour toi ?

L’équipe de France, cela viendra quand cela viendra. Déjà, il faut remonter en Premier League.

Mon premier souci, c’est de faire remonter Aston Villa en Premier League. Ce n’est pas moi le sélectionneur, maintenant j’ai passé l’âge de jouer avec les espoirs, donc je me concentre sur mon club. L’équipe de France, cela viendra quand cela viendra. Déjà, il faut remonter en Premier League.

Ton nom a été évoqué par rapport à un transfert possible à l’OM en janvier, cela peut t’intéresser ?

Pour l’instant, je suis à Aston Villa, ils comptent sur moi. Je ferai tout mon possible pour les faire remonter. La suite, on verra plus tard. Je ne pense pas que j’irai à l’Olympique de Marseille, je suis à Aston Villa et je ne pense pas être sur le départ.
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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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