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Jonathan Schmid : « En Allemagne, on est un peu à l’écart »
Jonathan Schmid est le Français en activité le plus capé en Bundesliga, après Franck Ribéry (194 matchs contre 252). Aujourd'hui à Augsbourg et du haut de ses neuf saisons en Allemagne, le Strasbourgeois de naissance dissèque son championnat et évoque son manque d'exposition, avant de retrouver son ancien club de Fribourg.
Même si tu es resté sur le banc ce mardi à l’Allianz Arena, ton équipe d’Augsbourg a obligé le Bayern à concéder ses deux premiers points de la saison. Faut-il en être surpris ?On a surtout essayé de surprendre le Bayern sur ce match-là en pressant très haut, sur l’ensemble du match. Quand elles viennent à Munich, la plupart des équipes de Bundesliga se déplacent avec un bloc bas. Mais face à une défense regroupée, le Bayern réussit très souvent à faire la différence individuellement. Nous, on a tenté de les priver au maximum de ballons et ça a fonctionné. C’est la clé pour obtenir un résultat là-bas, même si ça demande une condition physique énorme. Il ne faut surtout pas subir et compter sur un petit peu de chance.
Derrière le Bayern, on voit que les équilibres sont assez changeants : l’an dernier Dortmund avait ramé, cette année c’est Schalke qui patauge, Wolfsburg fait le yo-yo… Est-ce que ça laisse de la place à des équipes intermédiaires comme Augsbourg ?Bien sûr. Si on continue avec cette ambition dans le jeu, on a les moyens de viser le haut du tableau. Le championnat allemand a ça d’intéressant que les plus petites équipes peuvent accrocher des plus grosses. Donc nous allons jouer notre carte à fond. La priorité est de se maintenir, mais si on peut gratter une place européenne en fin de saison, comme il y a trois ans, ça serait génial.
Tu entames ta neuvième saison en Bundesliga, Augsbourg est ton troisième club en Allemagne. On peut donc te considérer comme un vrai taulier de la Buli…Un ancien de la Bundesliga, oui, même si je n’ai que 28 ans. J’y suis arrivé très jeune, avec Fribourg.
Un club que tu vas rencontrer ce dimanche et qui est un concurrent direct d’Augsbourg. Que représentent ces retrouvailles pour toi ?Déjà, ça me fait vraiment plaisir de retrouver mon ancien coach, Christian Streich, et d’anciens coéquipiers. J’ai toujours Fribourg dans mon cœur et il y restera. C’est le club qui m’a permis de connaître le haut niveau. J’avais connu Christian Streich en U19 et il m’a toujours accordé sa confiance. C’est quelqu’un qui te parle beaucoup et, quand il sent que tu as les qualités et la volonté, qui arrive à te tirer vers le haut.
Il y a encore cinq ans, tu étais plus un milieu capable de marquer (11 buts en 2012-2013). Aujourd’hui, tu as reculé au poste d’arrière. Comment s’est faite cette évolution ? Au départ, j’ai reculé d’un cran pour dépanner, parce qu’on avait plus de besoins derrière que devant. Et depuis que je suis à Augsbourg, j’arrive à m’épanouir à ce poste de latéral. Je suis toujours prêt à me donner à 100% dès qu’on fait appel à moi, quel que soit le poste. Après, c’est sûr que ça me manque un peu de ne plus marquer autant.
Est-ce un regret pour toi de n’avoir jamais joué en Ligue 1 avec Strasbourg, ton club formateur, ou un autre club en Ligue 1 ?J’y pense régulièrement, oui. Du moins, j’en ai déjà parlé avec mes proches et mon agent. J’aimerais bien découvrir le championnat français et si c’est avec le Racing, ce serait encore mieux. Certes, ils m’ont viré du centre de formation quand j’étais jeune, mais je ne suis pas rancunier.
Il s’est passé quoi exactement à l’âge de 15 ans pour que tu te fasses renvoyer du club ?On va dire que, même si j’étais le meilleur buteur dans les équipes de jeunes, j’avais un peu de surpoids et que j’étais un peu feignant… Les entraîneurs ont fait le choix de ne pas me garder, mais c’est comme ça. J’ai au moins le mérite de n’avoir jamais rien lâché et de m’être relancé derrière.
Pourquoi ça a marché en Allemagne et pas à Strasbourg ?Entre Strasbourg et Fribourg, j’ai joué dans des petits clubs alsaciens (à Schiltigheim et Bischheim, N.D.L.R.). Je m’y suis donné à fond. J’ai pu ensuite intégrer les U19 nationaux du Offenburger FV en Allemagne. J’avais marqué contre Fribourg et c’est à partir de là que le contact s’est créé.
Est-ce que ça veut dire que les clubs français sont plus exigeants que les allemands ou c’est toi qui as grandi entre-temps ?C’est vrai qu’il y a environ 10 ans, c’était plus compliqué en France. Si tu n’étais pas dans le groupe pro à 19 ou 20 ans, c’était mort. Alors qu’en Allemagne, on pouvait débuter à n’importe quel âge.
Récemment, beaucoup de jeunes joueurs français ont rejoint la Bundesliga (Augustin, Pléa, Haller, Tolisso, Niakhaté, etc.). Tu dois te sentir moins seul…Ça prouve que la Bundesliga est un championnat qui compte au niveau européen. Ça fait plaisir de voir ce regain d’intérêt pour l’Allemagne, dans les plans de carrière. Mais la difficulté pour un Français en Allemagne est de s’intégrer. La langue n’est pas facile, et tu es vite tenté de t’enfermer dans un groupe avec les non-germanophones, alors qu’au contraire, il faut rester ouvert et ne pas s’écarter du groupe. La chance dans le foot, on ne l’a pas plusieurs fois.
Penses-tu que les joueurs de Bundesliga ont un déficit d’exposition en France ? Si on prend ton cas, peu de Français te connaissent vraiment ou ont déjà vu un de tes matchs, alors que tu comptes près de 200 matchs de Buli.Pour ma part, c’est parce que j’ai évolué dans des clubs assez peu médiatisés en France. Mais j’avais croisé Benjamin Stambouli, qui m’a dit qu’il me connaissait avant d’arriver à Schalke. Après, c’est vrai qu’on est un peu à l’écart.
Est-ce une des raisons qui t’ont, par exemple, empêché d’être pré-sélectionné en équipe de France ?Quand je jouais à Fribourg, certains journaux écrivaient que Didier Deschamps devait me retenir en équipe de France, mais ça ne s’est jamais fait. C’est dommage, mais compréhensible.
Ton père étant autrichien, tu n’as jamais eu de touches avec la sélection autrichienne ?J’avais des propositions, c’est vrai, mais je n’ai jamais fait la démarche pour avoir mon passeport. Je n’en avais pas vraiment envie, parce que je me sens 100% français. En revanche, mon petit frère Anthony (19 ans et attaquant de la réserve de Fribourg, N.D.L.R.) a saisi cette opportunité et a déjà été sélectionné quelques fois dans les catégories de jeunes.
Comment as-tu vécu la dernière Coupe du monde, coincé entre le désarroi allemand et l’euphorie française ?C’est vrai qu’il y avait des ambiances un peu contradictoires autour de moi. Les Allemands étant sortis très tôt, c’était un peu triste dans le coin. Mais ça ne m’a pas empêché de me promener avec mon drapeau français dans la voiture ou de l’accrocher dans les vestiaires. J’en ai pas mal profité, car en tant que Français, on a plutôt l’habitude de voir les Allemands gagner ou du moins aller loin. Là, c’était une surprise.
À Augsbourg, il y a le frère de Mario Götze, Felix, mais aussi Rani Khedira, le frère cadet de Sami. C’est donc ça la stratégie de recrutement de ton club ? C’est original, c’est sûr. Mais derrière leur nom, il y a aussi de grands joueurs. D’ailleurs, c’est Felix Götze qui a marqué mardi contre le Bayern, son ancien club.
Tu devrais peut-être essayer de pistonner ton petit frère…(Rires.) Oui, c’est vrai. En plus, Augsbourg m’a déjà demandé s’il y avait une possibilité de le faire venir. Mais, c’est quelqu’un de très famille et donc Fribourg, qui se trouve juste à côté de Strasbourg, est un bon endroit pour lui aujourd’hui. À lui de voir ce qu’il veut faire par la suite.
Propos recueillis par Mathieu Rollinger