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Jonathan Pitroipa : « Je ne suis pas aussi fragile qu’on ne le pense »

Propos recueillis par Florian Lefèvre
7 minutes
Jonathan Pitroipa : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne suis pas aussi fragile qu&rsquo;on ne le pense<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À 32 ans, l’ancien Rennais Jonathan Pitroipa s’est posé cet été du côté du Paris FC, en Ligue 2. L’occasion de jeter un œil dans le rétro pour voir une finale de la CAN, des dribbles et même des grilles de mots fléchés.

Quatre ans après ton départ du Stade rennais, qu’est-ce qui te ramène en France, au Paris FC ?Le fait d’être passé ici en novembre dernier pour ma remise en forme m’a permis de découvrir le club. J’étais en fin de contrat aux Émirats, je revenais de blessure de la CAN (2017), c’était bien de travailler ici au sein d’une équipe. Ensuite, j’ai reçu une offre du Royal Antwerp où j’ai joué lors de la deuxième partie de saison… Cet été, les dirigeants du PFC m’ont demandé si j’étais intéressé, ça s’est fait. J’avais toujours un pied à terre à Rennes, en plus, ma femme a étudié en France, elle a des amis ici. Je voyage beaucoup pour les matchs internationaux et je passe toujours par la France. Et puis mon premier fils est né à Rennes…

À quoi ressemblait ton enfance à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso ?

Mon père est très artiste : le dessin, la peinture… Il avait une société dans le domaine de l’art et il faisait aussi des mots fléchés, il en créait pour la presse.

Moi, c’était foot à fond grâce à mon papa. Je connaissais le programme du championnat, et j’étais toujours à la maison à l’heure de partir au stade pour pouvoir le suivre. Lui, il supportait l’Étoile filante de Ouagadougou, et moi, j’étais pour ASFA Yennenga, car le frère de ma maman a joué dans cette équipe. C’étaient les deux équipes phares du championnat. Mon père est très artiste : le dessin, la peinture… Il avait une société dans le domaine de l’art et il faisait aussi des mots fléchés, il en créait pour la presse. Ma mère restait tranquille à la maison. J’ai une sœur et trois frères. Mon grand frère est artiste peintre, et un autre travaille dans le cinéma d’animation. Tout est venu du papa.

Il y a un grand joueur qui t’a particulièrement marqué ?

L’envie de réussir s’est vraiment manifestée en regardant la Coupe du monde 1998.

Quand j’étais plus jeune, on n’avait pas accès aux chaînes qui retransmettaient la Ligue 1. Je regardais la Coupe du monde. Le grand joueur qui m’a marqué, c’est Zidane. L’envie de réussir s’est vraiment manifestée en regardant la Coupe du monde 1998… J’avais 12 ans. Cette année-là, il y avait aussi la CAN organisée chez nous, au Burkina. J’étais tout le temps au stade. Je rêvais de porter le maillot de l’équipe nationale. Ce que je garde en tête, c’est le match de la 3e place, on menait 3-0 et on s’est fait rejoindre au score (le match se finit à 4-4 et les Étalons s’inclinent aux tirs au but, N.D.L.R.). Je n’étais pas content du tout. (Rires.)

En grandissant au Burkina Faso, quelle image avais-tu de la France ?C’est vrai qu’en Afrique de l’Ouest, on regarde beaucoup plus la Ligue 1 que les autres championnats. Quand on rêve de devenir professionnel, on ne voit que la France. Moi, c’est ce que je me disais, mais malgré tout, je suis allé en Allemagne. Je suis passé à Auxerre pour faire deux à trois mois d’essai. Ils me proposaient de rester au centre de formation, alors qu’à Fribourg, on m’a proposé un contrat professionnel direct à 17 ans.

Comment as-tu vécu ce déracinement ?Pour tout jeune, c’est difficile de quitter son pays. J’avais été formé au centre de formation Planète Champions à partir de l’âge de 12 ans. J’étais interne, je rentrais pendant les vacances. Ça m’a formé mentalement à me dire que j’étais amené à quitter ma famille. Il y avait la barrière de la langue, mais en Allemagne, je prenais des cours. Et puis, des aînés m’ont beaucoup aidé : Wilfried Sanou (un international burkinabé), Soumaila Coulibaly et Boubacar Diarra (deux internationaux maliens). Grâce à eux, l’intégration s’est déroulée plus vite que je ne le pensais. Les entraînements, c’était intense. Moi, j’essaye toujours d’éviter les coups. Je ne suis pas aussi fragile qu’on ne le pense, mais mon jeu, c’est vraiment de dribbler et d’éviter les chocs.

En 2011, tu débarques en Ligue 1, au Stade rennais. Quelles sont les épreuves que tu as traversées pour en arriver là ?L’Allemagne m’a beaucoup formé pour savoir ce que je voulais vraiment, comment travailler… La culture allemande est stricte : quand tu arrives en retard d’une minute à l’entraînement, tu prends une amende, peu importent les explications. J’ai passé trois belles années à Hambourg, où j’ai côtoyé de très grands joueurs. On a fait deux demi-finales de Coupe d’Europe. Jouer avec Van Nistelrooy et Zé Roberto… c’était une fierté pour un jeune joueur africain comme moi. Mais après sept ans en Allemagne, je sentais que je ne progressais plus. Il y avait trop de changements d’entraîneur, ça me fatiguait. Je voulais plus de stabilité, c’est pourquoi j’ai fait le choix d’aller à Rennes.

Rennes, c’est le sommet de ta carrière en club ?La première saison, j’ai pris beaucoup de plaisir. Julien Féret, Yann M’Vila, Yacine Brahimi, Jirès Kembo, Víctor Hugo Montaño, Tongo Doumbia… C’était une équipe vraiment costaude et technique, avec le coach Antonetti. En 2013, j’ai atteint un autre niveau, mais c’est dommage parce que la saison s’est mal terminée avec la blessure de Romain Alessandrini. Malheureusement, on a perdu la finale de la Coupe de la Ligue contre Saint-Étienne. Quelques semaines avant, je perdais la finale de la CAN avec le Burkina.

C’était la première fois que la sélection du Burkina Faso atteignait la finale de la CAN. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui, pour toi qui avais été élu meilleur joueur du tournoi ?

J’ai des regrets concernant la finale de la CAN 2013 perdue contre le Nigeria. On était meilleurs.

C’est une fierté. Même loin du pays, en Afrique du Sud, on sentait la ferveur. On sentait la population derrière nous. En quarts de finale contre le Togo, j’arrive à marquer sur corner de la tête, ça m’a beaucoup surpris. J’avais marqué de la tête à Fribourg sur des centres, mais sur corner non, c’était la première fois ! Pour la finale contre le Nigeria, j’ai des regrets. Je trouve qu’on était meilleurs. Mais le problème, c’est qu’on était émoussés après avoir joué deux fois la prolongation en quarts et en demies.

Après Rennes, tu as passé trois ans aux Émirats arabes unis. Tu décris cette expérience comme « une luxueuse parenthèse » . Qu’est-ce que tu as vécu là-bas ? Aux Émirats, on ne s’ennuie pas. Ce n’est pas un pays aussi fermé qu’on ne le pense. J’y ai vu beaucoup d’étrangers, beaucoup de gens en vacances. On est libres de faire ce qu’on fait. Les clubs, ils vont chercher des joueurs étrangers pour la performance. Au début, c’était compliqué de voir qu’on comptait sur un ou deux joueurs pour faire gagner toute une équipe.

Comment ça s’est terminé ?

Avec mes qualités, on me dit que j’aurais pu faire mieux, moi aussi je me le dis.

Je me suis fait une déchirure pendant le deuxième match de la CAN 2017. Je pensais que j’en avais pour un à deux mois, mais ça a pris presque six mois. Avec la carrière que j’ai eue, il a fallu retrouver ce côté plaisir, se dire : « Ce n’est pas encore fini… » J’ai passé deux mois sans club. Si j’avais eu 23 ans, je me serais posé des questions, mais là, j’étais tranquille, en sachant que mes qualités allaient revenir tout doucement.

Tu as des regrets concernant ta carrière ?Avec mes qualités, on me dit que j’aurais pu faire mieux, moi aussi, je me dis : « Peut-être que j’aurais pu faire mieux. » Mais je n’ai pas de regrets concernant les décisions que j’ai prises. Maintenant, au Paris FC, j’espère retrouver mon meilleur niveau.

Pour conclure, tu peux nous raconter la genèse du « coupé-décalé Jonathan Pitroipa » ? C’est Joskar et Flamzy, des artistes ivoiriens, qui ont voulu chanter pour moi après un match des éliminatoires du Mondial 2010, Burkina-Côte d’Ivoire (2-3). On jouait contre Kader Keita, Didier Drogba, Didier Zokora, Kolo Touré en défense ! Je fais un très bon match, tout le monde était impressionné. On me demandait : « Tu joues où ? » , car la Bundesliga n’était pas aussi suivie à cette époque-là. Et quand la chanson est sortie, on l’écoutait dans le vestiaire de la sélection. En arrivant à Rennes, Jirès Kembo me fatiguait toujours avec cette musique. (Rires.)

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Propos recueillis par Florian Lefèvre

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