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Jonathan David, un surdoué au LOSC

Par Maxime Renaudet
9 minutes
Jonathan David, un surdoué au LOSC

Depuis la victoire du Bayern Munich en finale de Ligue des champions, le Canada n'a d'yeux que pour Alphonso Davies. Mais les Canucks peuvent compter sur un autre joueur tout aussi talentueux, en la personne de Jonathan David, nouveau Dogue depuis le 11 août dernier. L'attaquant de 20 ans est alors devenu le joueur le plus cher de l'histoire du LOSC, mais aussi le plus gros transfert sortant du championnat belge. Insuffisant pour dérouter ce surdoué qui a (presque) tout du gendre parfait.

Ce matin de printemps 2018, alors qu’il est convoqué pour son tout premier rendez-vous avec l’équipe première de La Gantoise, Jonathan David manque à l’appel. « Il n’avait pas mis d’alarme sur son portable, et il dormait tellement bien qu’il ne s’est pas réveillé. Il est arrivé en retard à sa première séance avec le groupe professionnel alors qu’il ne l’avait jamais été une seule fois avec moi. », rembobine Bart van Renterghem, coach de la réserve de La Gantoise à l’époque. Un retard qui aurait pu lui coûter cher, mais « Yves ne lui en a pas tenu rigueur car il le voyait jouer le lundi avec moi, et il en était déjà fou. »

L’entraîneur gantois ne le regrettera pas, car quelques mois plus tard, alors que son équipe est menée par Zulte-Waregem lors de la deuxième journée de championnat, le Canadien de dix-huit ans sort du banc et égalise après ses dix-huit premières minutes de jeu en Jupiler Pro League. Rebelote le week-end suivant, contre Waasland-Beveren, quand il inscrit cette fois-ci deux pions en l’espace de vingt minutes. Des débuts tonitruants pour Jonathan, qui ne s’arrêtera plus et ne pointera plus jamais en retard à l’entraînement.

Quand je l’ai vu éliminer ses adversaires, délivrer des passes décisives et se balader sur le terrain, je n’ai pas hésité une seule seconde à l’accepter.

Le surdoué du lycée

En retard, Jonathan David ne l’a en réalité presque jamais été. D’après ceux qui l’ont côtoyé, c’est même plutôt tout l’inverse. « Avant qu’il rejoigne l’équipe, Jonathan jouait en recreational soccer, un niveau où les Canadiens jouent pour l’amusement. Mais dès ses premiers entraînements, il était déjà clair que c’était le meilleur de tous », se souvient Benson Fazili, son coéquipier aux Gloucester Hornets d’Ottawa quand ils avaient onze ans. Le natif de Brooklyn est tellement meilleur que les autres que son coach de l’époque, Hany El-Magraby, en fait rapidement son petit protégé, au risque même de se faire taxer de favoritisme par les parents des autres joueurs de l’équipe. Qu’importe, il est au-dessus du lot, et personne ne peut dire le contraire. Surtout pas Joé Fournier, responsable de la section foot du lycée Louis-Riel d’Ottawa : « Je me souviens exactement de la première fois où je l’ai vu jouer dans le dôme, là où on s’entraînait vu que le climat n’est pas toujours très agréable au Canada. Quand je l’ai vu éliminer ses adversaires, délivrer des passes décisives et se balader sur le terrain, je n’ai pas hésité une seule seconde à l’accepter. » Dans la foulée, en 2014, il intègre donc le sport-études de Louis-Riel, et s’y entraîne à raison de cinq fois par semaine, sans compter les entraînements et les matchs qu’il fait avec les Gloucester Hornets.

Jonathan (N°18) avec l’équipe du sport-études Louis-Riel entraînée par Joé Fournier (en haut à droite)

C’est à partir de là que tout s’accélère. En 2016, El-Magraby part entraîner dans un autre club de la ville, les Ottawa Internationals, et emmène avec lui ses meilleurs joueurs, dont Jonathan, qu’il fait évoluer avec les U18. Rien d’inhabituel pour celui qui est surclassé d’une année au lycée, et que Fournier fait également grimper avec des plus âgés : « Parfois, on le faisait jouer avec des joueurs quatre ans plus vieux que lui, comme la fois où il a participé à un tournoi avec les U18 alors qu’il avait 15 ans. Ce jour-là, on a gagné le tournoi, et il a joué autant de temps que les autres. » C’est aussi en 2016 que son futur agent Nick Mavromaras le découvre lors de sa première convocation avec les U16 du Canada, où il évolue aux côtés d’un certain Alphonso Davies, de la génération 2000 lui aussi. Jonathan prend alors conscience que son rêve de devenir footballeur professionnel se rapproche. Mais avant ça, il doit encore faire des efforts, et surtout quelques sacrifices. Comme celui de confier sa PlayStation 4 à El-Magraby au début de l’été 2016 afin de se consacrer totalement au football pendant les vacances estivales. Un choix payant puisque les clubs pros de Montréal, Toronto, Vancouver et Ottawa veulent l’enrôler. Mais contrairement à Davies, qui a rejoint le centre de formation des Whitecaps de Vancouver en 2015, David ne veut pas entendre parler de MLS. Ce qu’il veut, c’est rejoindre au plus vite le Vieux-Continent. Encore une histoire de temps.

On m’avait montré des images où il jouait avec les U17 du Canada. On pouvait surtout voir les buts qu’il marquait. Mais pour être honnête, c’était souvent contre des adversaires moins forts, donc il avait beaucoup d’espaces et ce n’était pas trop difficile de marquer.

Papa poule et cordon bleu

L’année 2016 est décidément charnière dans la carrière de Jonathan David, qui traverse l’Atlantique pour tenter d’attraper un contrat dans un club européen. Problème, ses deux premiers essais au RB Salzbourg et au VFB Stuttgart ne débouchent sur rien de concret, l’obligeant à revenir au Canada la queue entre les jambes. Son agent ne perd pas espoir, et contacte plusieurs clubs belges dont Anderlecht, le FC Bruges et La Gantoise. Seul ce dernier répond à l’appel du pied en proposant au joueur de venir passer des tests, malgré la réticence première de Bart van Renterghem, entraîneur de la réserve de Gand à l’époque : « On m’avait montré des images où il jouait avec les U17 du Canada. On pouvait surtout voir les buts qu’il marquait. Mais pour être honnête, c’était souvent contre des adversaires moins forts, donc il avait beaucoup d’espaces et ce n’était pas trop difficile de marquer. » Mais après quelques entraînements sur les bords de l’Escaut, Jonathan donne tort à son futur mentor, qui convainc le chef du scoutinggantois de lui proposer un contrat. « J’ai dû défendre son dossier, car un contrat pour un Non-Européen coûte cher. J’ai également eu une grande discussion avec son père pour lui assurer qu’il serait bien guidé d’un point de vue psychologique, car c’était important pour lui. Mais de toute façon, la grande force de Jonathan, c’est le mental. Il avait, dès le début, les caractéristiques pour survivre dans le football pro », insiste l’entraîneur de la réserve.

Résultat, en mars 2017, dans l’attente de sa majorité, le jeune joueur conclut un accord verbal avec La Gantoise. Entre-temps, il fait des allers-retours entre le Canada et la Belgique lors des vacances scolaires afin de s’entraîner avec les jeunes du club, et se familiariser avec son futur environnement. En janvier 2018, après avoir obtenu son bac, il devient officiellement un nouveau Buffalo. L’adaptation est rapide, en partie grâce au fait qu’il parle couramment l’anglais et le français, mais tout n’est pas si facile pour le jeune Canadien. « Son père était également inquiet concernant son alimentation, se rappelle Van Renterghem. Car pour des gars comme lui qui s’entraînaient avec l’équipe B, on ne prévoyait pas de repas au club, et il ne savait pas cuisiner. Je l’ai donc accompagné dans un restaurant universitaire, mais ça coûtait trop cher vu qu’il n’était pas étudiant. » L’entraîneur convainc alors le cuisinier du club de faire venir les restes des joueurs du groupe pro au centre d’entraînement des jeunes, afin d’en faire profiter ces derniers. Plus contraint de se demander si le combo « croquettes de crevettes + frites » est une bonne idée, l’attaquant n’a plus qu’à se concentrer sur le terrain, là où sa technique et son sens du but sont supérieurs à la moyenne. La suite est à l’image de son parcours depuis sa naissance aux États-Unis : aussi impressionnante qu’étonnante.

Pendant le match, après avoir marqué, il a commencé à célébrer son but, puis il s’est souvenu qu’il était haïtien. On a beaucoup apprécié cette marque de respect.

David est Jonathan

Pour comprendre l’ascension fulgurante de Jo, il faut gratter, puis évoquer l’homme derrière le joueur. Là encore, tout le monde pense la même chose, à commencer par l’ancien coach des Buffalos Yves Vanderhaeghe : « Il était toujours très poli et respectueux, que ce soit avec le chauffeur de bus ou le staff. C’est un garçon très correct, qui était apprécié de ses coéquipiers, les jeunes de son âge comme les anciens. » Bien élevé et respectueux, voilà ce qui explique en partie pourquoi il s’adapte et se fond partout où il passe. D’ailleurs, même ceux qui ne le connaissent que brièvement le disent, à l’image de Duckens Nazon, joueur de Saint-Trond et international haïtien : « Après notre victoire contre le Canada en quarts de finale de la Gold Cup 2019, il est venu nous féliciter devant les vestiaires. Pendant le match, après avoir marqué, il a commencé à célébrer son but, puis il s’est souvenu qu’il était Haïtien. On a beaucoup apprécié cette marque de respect. » Le respect et la bienveillance, deux qualités héritées de ses parents, tous les deux haïtiens. Ces derniers ont vu naître Jonathan aux États-Unis alors qu’ils rendaient visite à de la famille à New-York. Trois mois après, retour à Haïti avant de rejoindre six ans plus tard le Canada, dont il portera les couleurs de l’équipe A pour la première fois en août 2018.

Autre qualité du gendre parfait, sa capacité à ne pas prendre la grosse tête : « Ça se voit rien que sur les réseaux sociaux. Car même avant qu’il devienne ce qu’il est devenu à Gand, il postait très rarement des photos et des vidéos comme d’autres jeunes de son âge. Ça a toujours été quelqu’un qui n’aime pas tirer la couverture vers lui », insiste Joé Fournier, avant d’en dévoiler plus sur le bonhomme. « Je vois encore ses amis de Louis-Riel en train de faire les bouffons, et puis il y a Jonathan à l’arrière entre les têtes, avec son petit sourire en coin. » Une scène également vécue par l’international canadien Samuel Piette : « À l’entraînement, il ne célèbre jamais ses buts. Il est toujours humble, même s’il a souvent un petit sourire en coin comme pour narguer le gardien. » Discret voire effacé en groupe, il n’en reste pas moins rieur et charrieur, notamment en petit comité. « C’est quelqu’un de très réservé qui n’aime pas que la lumière soit braquée sur lui, avoue à son tour Zacharie Brault-Guillard, qui partage sa chambre en sélection nationale. Ça ne l’empêche pas d’être toujours souriant, gentil et bienveillant. Sauf au Uno, où il triche énormément, car il déteste perdre. » La défaite, voilà enfin ce qui peut mettre le nouveau Dogue en colère, et le faire sortir de son calme olympien. Mais à Lille, où ses débuts en Ligue 1 n’ont pas été à la hauteur de ses espérances, la faute à un positionnement inhabituel tout seul devant, le surdoué canadien devra prendre son temps. Après tout, il n’a que 20 ans.

Dans cet article :
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Par Maxime Renaudet

Tous propos recueillis par MR.

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