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John Sulo : « Klopp a été choqué que je lui fasse un bisou »

Propos recueillis par Matthieu Pécot
John Sulo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Klopp a été choqué que je lui fasse un bisou »

Passion, culot, débrouillardise et syndrome de l’imposteur. Les mots qui caractérisent la relation de John Sulo avec le stand-up sont les mêmes qui définissent ce qui l’unit à Liverpool, club dont il est tombé amoureux un beau jour de juillet 2002. Du haut de ses 2 mètres, le Peter Crouch havrais, qui joue son hilarant et touchant spectacle Champion au Point Virgule tous les dimanches, vide son cœur et évoque quelques-uns de ses coups de folie.

Tu joues chaque dimanche au Point Virgule. Comment vis-tu les moments où les matchs de Liverpool ont lieu au moment où tu es sur scène ?Pendant le dernier Liverpool-Manchester City, j’étais sur scène. Le match avait lieu à 18h30, et moi, je jouais à 19h. J’ai fait la plus mauvaise date de mon spectacle. J’avais la tête ailleurs, j’ai fait n’importe quoi. J’ai fait mon spectacle à l’envers, j’ai commencé par raconter ma passion pour Liverpool qui est censée être à la fin, ça n’avait ni queue ni tête, c’est parti en sucette, il y avait des moments cool. C’est aussi ça la passion, ça t’amène à faire des choses un peu décousues. Ça fait partie du stand-up !

Comment est né ton amour pour Liverpool ?Quand j’avais 14-15 ans, il y a eu un match amical de présaison entre Liverpool et le HAC (1-0, but de Milan Baroš, NDLR), l’équipe de ma ville natale. Le centre d’animation municipal nous emmène voir ce match. Je ne connaissais pas Liverpool. Il y avait une relation entre Le Havre et Liverpool, car à l’époque, ils nous avaient braqué Sinama-Pongolle et Le Tallec (pour s’attacher les services des deux cracks, Liverpool verse une indemnité de transfert au club normand, prête le jeune Alou Diarra pour un an sans option d’achat et accorde gracieusement au HAC ce fameux match amical estival, les deux clubs scellant aussi un « partenariat » , NDLR). Je n’ai pas réussi à me concentrer sur le terrain (où se trouvaient pourtant Gerrard, Litmanen et Arphexad), j’étais focalisé par ce qui se passait en tribune. C’est la première fois que je voyais un kop occuper une tribune complète de Deschaseaux. Je vois du rouge, du blanc, du jaune, et ça chante. « You’ll never walk alone », je ne savais pas ce que c’était. Des drapeaux énormes… Je suis subjugué par leurs cris, leur manière d’encourager leurs joueurs, de contester une faute. J’étais fasciné. Je voulais en être. Avant cela, j’étais un fan du HAC, on avait les chants des Barbarians. C’était des chants en hommage à « Cavegoal » . Mais là, c’était différent, ça chantait à l’unisson du début à la fin. Je suis tombé amoureux directement.

Ma première garde à vue, c’est à cause d’un penalty raté d’Alain Caveglia.

La légende raconte que tu as fait une garde à vue à cause d’Alain Caveglia…Oui, ma première garde à vue, c’est à cause d’un penalty raté d’Alain Caveglia. Je devais avoir 16 ans. Juste avant la mi-temps, penalty pour le HAC. Une partie du kop était en froid avec Cavegoal. Il rate son penalty. « Cavegoal enculé ! Cavegoal enculé ! » Nous, on le défend : « Oh laissez Caveglia tranquille ! » Ça se frictionne, et puis en face, c’était des darons de 30 ans. Nous, on était petits : « Arrêtez de le traiter, bande de cons ! » Un mec sort sa ceinture, paaaaffff ! Il commence à nous taper, ça part en sucette. Avec ma bande de potes, on se défend. Bagarre en tribune à cause d’un penalty ! Les stewards arrivent et nous embarquent parce qu’on est les petits jeunes, des petits renoi-rebeu. Ils nous dégagent du stade, on vit ça comme une injustice, ça se frictionne avec les stewards, les policiers arrivent. Par réflexe, on sprinte pour essayer de se barrer, ils m’attrapent dans une ruelle, GAV direct. Ils m’ont démonté dans le camion sans me demander mon prénom ou quoi que ce soit… Bon, je garde aussi plein de bons souvenirs à Deschaseaux. Mon premier match, c’est un HAC-Bordeaux qui marque le retour d’Ibrahim Ba. On l’avait accueilli avec des chants, et le club lui avait offert un bouquet de fleurs. Il revenait, il faisait ses accélérations, il avait sa teinture blonde, il y avait aussi Papin à Bordeaux cette saison-là. J’étais choqué de voir Jean-Pierre Papin en vrai, ça me renvoyait aux cassettes de ses papinades, à ses buts que je voyais à Téléfoot.

Le Tallec m’a invité pour un match de Ligue des champions à San Siro entre Milan et Auxerre, c’était sensationnel. Il y avait Zlatan, Pirlo, Seedorf, Ronaldinho, Nesta d’un côté et Pedretti de l’autre !

Tu as déjà dit à Le Tallec et Sinama-Pongolle que tu leur devais cette passion pour Liverpool ?J’ai souvent été en relation avec Le Tallec. Avant, j’aimais bien réparer les ordinateurs. Le Tallec était très pote avec l’un de mes amis. Du coup, dès qu’il avait une petite galère de PC, il m’appelait et je l’aidais. Il était à Liverpool, moi j’avais 17-18 ans, je venais d’avoir un ordi. J’étais un putain de geek, j’étais enfermé dans ma chambre au Havre, Le Tallec m’appelait, j’étais super content. En contrepartie, quelques années plus tard, quand il jouait à Auxerre, il m’a invité pour un match de Ligue des champions à San Siro entre Milan et l’AJA, c’était sensationnel. C’était un super match, il y avait Zlatan, Pirlo, Seedorf, Ronaldinho, Nesta d’un côté et Pedretti de l’autre ! 2-0, doublé de Zlatan. Le Tallec m’a offert son maillot, j’étais fier.

Quelle est la chose la plus folle que tu aies faite pour Liverpool ?Le prénom de mes enfants… Le deuxième prénom de mon fils, c’est Klopp et le troisième, c’est Ynwa, pour You’ll Never Walk Alone. Pour tous mes enfants, j’ai mis « Ynwa » en troisième prénom. À la préfecture, ils disent rien, pour eux, ça se prononce « inoi » , je suis renoi, ça passe ! Pour Klopp, c’était une bagarre avec ma femme. Elle me disait : « Les gens vont penser « cigarette » ». Si j’ai fait ça, c’est parce qu’il y a un adage qui dit que quand tu donnes le nom d’une personnalité à ton enfant, il hérite aussi de ses caractéristiques. Et j’aime beaucoup les caractéristiques de Klopp : c’est un leader, un travailleur et il sourit face aux problèmes. Même quand il souffre, tu as envie d’être avec lui.

Le deuxième prénom de mon fils, c’est Klopp et le troisième, c’est Ynwa. À la préfecture, ils disent rien, pour eux, ça se prononce « inoi », je suis renoi, ça passe !

Tu as eu l’occasion de rencontrer Klopp…Je l’ai rencontré en 2019 à Madrid, le soir de la finale de Ligue des champions entre Liverpool et Tottenham. J’ai fait Paris-Madrid en stop avec mon petit frère qui avait 12 ans. C’était l’aventure. Monter dans des voitures d’inconnus, se poser et parler avec des supporters adverses. À l’origine, on devait juste aller voir la finale. Finalement, on a fini sur la pelouse, avec les joueurs qui célèbrent la victoire, c’était sensationnel. Y a un moment que je ne raconte pas dans le spectacle. Après ça, on rentre dans le tunnel, on est au niveau du bus, il y a le bus de Tottenham, celui de Liverpool, c’est tout. Tout le monde continue de croire qu’on fait partie de la famille des joueurs. Le mecs sont arrivés un par un et nous ont salués, c’était improbable. Ils prenaient mon petit frère dans leurs bras ! Puis est arrivé Klopp, je l’enlace et je l’embrasse. On m’a dit plus tard que ce n’était pas dans la culture allemande. Il a été un peu choqué que je lui fasse un bisou.

Pourquoi t’es-tu lancé dans cette épopée ?Mon père est parti du Sénégal jusqu’en France à pied pour nous offrir un meilleur avenir. Alors un Paris-Madrid en stop pour un club que je kiffe, c’est rien du tout. Tout n’a pas été facile, on se retrouvait parfois deux heures sur une aire d’autoroute, je comptais mon oseille pour savoir où on allait dormir le soir. Bref, je voulais transmettre à mon frère l’idée que quand on veut quelque chose, on peut l’avoir avec de la persévérance. Ça nous a rapprochés.

Dans ton spectacle, tu dis que tu as pris de l’argent que ta femme et toi aviez mis de côté pour le bébé qui allait arriver…Ma femme a accouché deux mois après. C’était de l’argent pour la petite. J’ai tapé un peu dedans ! Dès qu’on s’est rencontré, j’ai dit à ma femme : « Si tu veux me rendre heureux, offre-moi le maillot de Liverpool à chacun de mes anniversaires. » J’ai préféré l’avertir d’emblée de ma passion.

L’émerveillement disparaît parfois avec l’âge. Comment expliques-tu ce degré d’attachement à Liverpool ?C’est certainement en lien avec la passion que ce club dégage. Quand j’ai vécu la finale de la Ligue des champions et l’après-match avec les joueurs sur la pelouse, je me suis dit : « Tu veux quoi de plus maintenant ? » Et puis j’ai entretenu cette flamme, notamment en allant au Qatar pour la Coupe du monde des clubs. Je suis même allé sur la pelouse.

Comment tu passes d’un moment où tu as envie d’aller sur une pelouse sur laquelle tu n’as pas le droit d’aller à celui où tu y vas vraiment ?Tout relève du culot. À Madrid, j’ai vu que je n’étais pas loin de la famille des joueurs et je me suis collé à eux, puis j’ai parlé au sélectionneur du Sénégal, Aliou Cissé et je me suis mis dans la tête que j’étais légitime. Que du culot ! C’est comme quand je monte sur scène : j’ai toujours ce syndrome de l’imposteur. Je suis sur scène, je fais mes blagues, je raconte mes histoires, il y a des gens qui viennent me voir, je kiffe. Avant qu’on ne détecte mon imposture, je profite ! Je suis un mec qui ose, je m’en fiche, je ne peux pas renier cette partie de moi.

Difficile de ne pas revenir avec toi sur ta Coupe du monde 2018, et notamment ce Sénégal-Japon…J’ai passé un peu de temps en Russie pendant le Mondial, à Ekaterinbourg et Moscou. J’ai vu deux matchs des Bleus et le Sénégal-Japon. Le Japon, c’est un peu mon troisième pays, j’y suis allé plusieurs fois, je suis fan de mangas, je parle vaguement la langue. J’ai passé ma journée à discuter avec des supporters japonais qui étaient choqués de voir un Sénégalais parler japonais. Et puis il y a eu cette rencontre, on fait match nul, personne n’était trop triste à la fin, j’ai lancé la musique de One Piece sur mon enceinte et je l’ai chantée avec un supporter japonais. C’est vite devenu n’importe quoi sur internet, on en est à 40 millions de vues au total, dont 7 millions sur Twitter. La belle histoire, c’est que la vidéo est remontée jusqu’à Eiichirō Oda, le créateur de One Piece. C’est peut-être finalement ça que je préfère dans le foot, le rapport qu’on peut avoir avec d’autres supporters. Ça explique aussi pourquoi je ne peux pas me contenter de le regarder derrière ma télé.

Bonus : John Sulo tente de sauter au-dessus d’une pyramide de canettes de bière pour faire marrer des supporters anglais éméchés.

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Propos recueillis par Matthieu Pécot

John Sulo est actuellement sur scène au Point Virgule

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