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John Goodall, la première Golden Boot
Premier meilleur buteur de la Football League en 1888, « Honest John » fait figure de pionnier parmi les pionniers lorsqu’il s’agit de se pencher sur l’histoire du ballon rond. Que ce soit pour son habilité sur les terrains ou sa personnalité en dehors, l’attaquant continue d’être perçu comme l’un des emblèmes du foot anglais.
Quand certains descendaient un paquet de gitanes pour décompresser ou se rafraîchissaient d’une douche froide, John Goodall détenait sa propre façon de faire le vide durant les mi-temps. Moustache soignée, laisse en main, l’un des personnages les plus illustres de la genèse du football professionnel outre-Manche avait pour habitude de parader avec son renard domestiqué. Sous les acclamations de la foule hilare, l’attaquant anglais traversait le pré de Deepdale de bout en bout et faisait renifler à son canidé les quatre coins du stade de Preston North End. Bien avant Gerd Müller et Pippo Inzaghi, Goodall fut le premier à rapprocher les renards de l’univers du foot. Littéralement, même.
Le temps des premiers records
Issu d’une famille écossaise, John Goodall voit le jour dans le Londres bouillonnant de la secondé moitié du XIXe siècle. Durant son adolescence, ses parents décident néanmoins de retourner dans leur pays d’origine lorsque le daddy, caporal dans l’armée, y est muté. C’est là, à Kilmarnock, au sud-ouest de l’Écosse, que le bonhomme se forge un caractère et s’initie aux rudiments du futur sport roi. Si bien qu’il est facilement repéré par Preston North End durant l’été 1885. Goodall décide donc de retourner en perfide Albion pour rejoindre l’écurie du Lancashire. Une bonne adresse, à l’époque, puisque le propriétaire et manager du club, William Sudell, se bat vigoureusement pour l’adoption du professionnalisme. « Ralentir l’inévitabilité de la rémunération des footballeurs revient à vouloir arrêter les chutes du Niagara avec un tabouret à trois pieds » , prophétise-t-il.
Un bras de fer qui prend fin le 20 juillet de la même année lorsque la Football League autorise officiellement un autre statut que l’amateurisme. Pour la première édition du championnat trois ans plus tard, Preston remporte la compétition haut la main. Premier meilleur buteur du foot anglais (21 buts en 22 journées), John Goodall est considéré comme un élément prépondérant parmi ces « Invincibles » – les premiers de l’histoire. Record toujours, Preston demeure encore aujourd’hui la seule équipe à avoir réalisé le doublé championnat – FA Cup en restant invaincu. Déjà au-dessus du lot, l’attaquant choisit de revêtir le tricot des Three Lions plutôt que celui de l’Écosse. Buteur à 12 reprises en 14 joutes internationales, il donne alors l’impression à ses adversaires de « déplacer ses pieds à l’aide de mercure » . Rien que ça.
« Le rempart le plus fort contre l’égoïsme »
Après 50 pions en 56 parties, il rallie Derby County en 1889. Dans le comté de Derbyshire, Goodall rencontre Steve Bloomer, un autre attaquant au profil similaire.
Vifs, agiles et habiles face au but, les deux compères forment un duo qui va martyriser les défenses du Royaume huit saisons durant. « Johnny est un merveilleux footballeur, un capitaine brillant et un gentleman naturel, résumait son coéquipier après sa carrière. Et je maintiens toujours qu’aucun joueur n’a autant connu le football et ses systèmes que mon vieil ami. » Une connaissance du jeu qui le pousse à écrire Association Football en 1888, livre réputé pour être l’un des premiers écrits sur la tactique. Respecté pour ses performances sportives, « Johnny Allgood » est également apprécié pour son caractère honorable et ses valeurs indiscutables de fair-play, à tel point qu’un nouveau surnom jaillit rapidement : « Honest John » . À la suite de onze exercices et près de 250 buts inscrits par la paire offensive, Goodall quitte le Baseball Ground pour deux expériences mitigées, à New Brighton Tower, puis Glossop North End.
De 1903 à 1910, il devient ensuite le premier entraîneur de Watford – poste qu’il combine avec le rôle de joueur jusqu’en 1907.
Avant d’en finir définitivement avec le cuir, l’honnête John traverse la Manche pour entraîner le RC Roubaix jusqu’en 1913. Outre le ballon rond, il s’est distingué au cricket en jouant pour le Derbyshire et a même représenté l’Angleterre au championnat de curling britannique. Un sportif total, en somme, qui, au moment de se pencher sur son vécu, ne fait pas dans la demi-mesure : « La seule passion de ma vie a été le football : le jeu le plus exaltant que je connaisse et le rempart le plus fort contre l’égoïsme qui n’a jamais été confronté à des gens réfléchis. » Sa carrière clôturée, John Goodall s’installe définitivement à Watford. Jusqu’à sa mort le 20 mai 1942, il occupe majoritairement ses journées en promenant son dernier renard apprivoisé dans les rues de la ville. 74 ans après son décès (c’était le 20 mai 1942), l’homme reste perçu comme un bâtisseur du football anglais que l’on connaît aujourd’hui et l’un des joueurs les plus brillants de l’avant Première Guerre mondiale.
Par Eddy Serres