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John Dubuisson : « Le match le plus fou ? Southampton/Sheffield 1997 »
Avec plusieurs centaines de matchs à son actif en moins de vingt ans, John Dubuisson est un vrai bourlingueur du football. Entre une escorte policière en Serbie, un voyage à 99 cents et Platini, ce supporter belge aura pas mal de trucs à raconter à ses petits-enfants. Mais à nous aussi.
La première fois que John a vu un autre match que ceux du Standard de Liège, il avait déjà 30 ans. C’était en 1996 et il avait pu admirer un Arsenal-Leeds (3-0) grâce à un certain John Gunner, supporter d’honneur de ses homonymes. Depuis, il est passé par presque tous les stades mythiques du Royaume anglais – « il me reste Blackburn et Middlesbrough » – où il se rend parfois trois week-ends par mois. Mais il y a aussi eu la Suède, la Slovaquie, le Grand-Duché de Luxembourg, la Suisse… Et en général, John se souvient de beaucoup de choses.
La meilleure ambiance
JD : « Je n’aime pas la mentalité hollandaise, ce n’est pas du tout la même. Il y a peut-être de l’ambiance dans les stades pendant le match, mais avant et après… Pour l’atmosphère autour du foot, le summum, c’est l’Angleterre. Il ne faut bien sûr pas exagérer, d’ailleurs bien souvent quand des gens découvrent l’Emirates, ils disent qu’il n’y a pas d’ambiance. Mais c’est aussi parce que les places que j’ai sont les dernières en vente : quand tu te retrouves avec les vrais habitués, là tu sens la différence. Les supporters les plus exubérants viennent du Sud : Espagne, Italie… C’est d’ailleurs là où je me suis senti le moins à l’aise, surtout avant le match. Le pire, c’était à l’Atalanta Bergame, j’ai cru que j’étais dans une zone de guerre : des flics partout, visibles, en combinaison. Je me demandais ce qui allait se passer. »
Mais aussi : « La finale Liverpool – AC Milan à Istanbul, y a pas photo. Au départ, on était avec les Italiens, mais on a vite remarqué qu’à l’étage au-dessus, il n’y avait que des Anglais, donc à la pause, on est monté à l’étage. »
Le périple le plus incroyable
JD : « C’était à Belgrade, en 2008. J’étais avec mon père et on y allait pour le match Partizan – Standard. On avait pris quatre jours pour avoir bien le temps de visiter la ville, car c’est aussi un des plaisirs du déplacement. On est arrivés au stade 2h30 avant le début du match, on a fait le tour, il y avait déjà quelques supporters serbes, mais c’était relativement calme. J’avais prévenu mon père que sur place, on ne disait rien, ça ne servait à rien d’ailleurs. On ne parlait ensemble que quand on était isolés, mais il ne s’agissait pas de prendre des risques inutiles. Puis quand le fan shop s’est ouvert, je m’y suis rendu pour acheter une casquette. Mais leur système est spécial : il y a une sorte de guichet auquel on commande ce qu’on veut et quelqu’un va te le chercher. Vu que je ne parle pas le serbe, je m’explique en anglais et je vois d’un coup la tête de la vendeuse changer du tout au tout. Elle appelle deux gars de la sécurité, et dès ce moment-là, on a eu constamment huit gars de la sécurité avec nous pour ne pas qu’il nous arrive quoi que ce soit, on ne pouvait plus bouger. Idem à la fin du match : ils ne comprenaient pas qu’on ne reprenne pas le car pour l’aéroport, mais nous on voulait aller en ville ! Donc ils ont fait venir deux taxis qui ont été accompagnés par des voitures de police jusqu’à l’entrée de Belgrade… »
Mais aussi : « À Moscou, alors qu’on allait voir un concert de U2, on est tombés sur Lokomotiv Moscou – Lausanne Sports. En Russie, tu ne peux pas faire un pas de travers, et à la sortie du stade, on a dû suivre des grillages en entonoir jusqu’à la station de métro. C’était efficace, mais il n’y avait pas moyen d’aller ailleurs, c’était impressionnant. »
Les rencontres
JD : « On part souvent à deux-trois amis, donc pour ne pas être sur les genoux quand on doit faire 600-700km, on y va à l’avance et on passe une soirée sur place. On fait facilement des rencontres, comme la fois où un petit vieux nous avait accostés dans un pub anglais parce qu’on parlait français. En France, en 98, on avait discuté avec quatre Anglais attablés à une terrasse marseillaise, on avait gardé nos contacts respectifs et, un soir, ils m’ont retéléphoné pour offrir des places pour aller voir Manchester United. Puis il y a aussi les rencontres auxquelles on ne s’attend pas. À Lisbonne, pendant l’Euro 2004, je visitais une tour à l’escalier très étroit, impossible de passer à deux. Il me restait une dizaine de marches quand je vois du monde qui s’avance, alors je dis« Un moment ». On me répond en français, et arrivé en bas, je vois Platini ! On a échangé quelques mots, je lui ai demandé si on le reconnaissait dans la rue, il m’a fait comprendre avec son air que c’était évident, puis j’ai enchaîné :« Moi ça va, je n’ai pas trop de problèmes… »et il a éclaté de rire. Toujours pendant l’Euro 2004, les Belges n’étaient évidemment pas qualifiés, mais j’avais quand même toujours un maillot des Diables rouges sur le dos. Un jour, sur une place de Lisbonne, je vois Lothar Matthäus qui était chroniqueur pour la télé allemande. À un moment, c’est la publicité, et je vois qu’il arrive droit sur moi, interloqué, et il me dit :« Belgique ? »Je lui réponds :« Je sais, mais j’aime bien le football » avant sa réplique finale : « Moi aussi, c’est pour ça que je suis venu… Mais je ne peux plus jouer ! » »
Mais aussi : Chaque fois que je vais à West Bromwich, j’essaie de voir Sébastien Pocognoli. La première fois, il m’a demandé ce que je foutais là, la deuxième, il a dit : « Et demain, tu vas voir quoi ? »
Le plus beau match
JD : « Ce n’est pas d’office les grandes équipes qui font les grands matchs. Ce Southampton – Sheffield Wednesday de 1997 était incroyable. C’est un des premiers matchs que j’ai été voir là-bas. C’est 2-3 au final pour Sheffield, et sur les cinq buts, il y en a quatre qui ont concouru au titre de Goal of the Month. C’était du foot anglais en plein : à 100 à l’heure d’un côté à l’autre avec deux équipes moyennes, des joueurs moyens, mais qui se sont donnés du début jusqu’à la fin. On était dans une tribune avec autant de supporters de Southampton que de Sheffield. On a été pris par l’ambiance, mais comme je ne suis pas très expansif, un geste technique au milieu du terrain peut parfois plus m’impressionner qu’un but ! »
Mais aussi : « Dortmund-Hoffenheim ce mardi 7 avril : un vrai match de Coupe, la pression, le temps qui s’écoule, le déroulement du match, l’ambiance, les coups de folie… »
Le match le plus improbable
JD : « Les plus fous, ce sont ceux qui ne sont pas prévus, évidemment. On est déjà partis une fois pour le Boxing Day en Angleterre : le premier jour, on allait à Chelsea, et le troisième à Southampton. Comme Internet n’existait pas, je regarde le Télétexte et je vois qu’en Conference (D4), il y avait Douvres-Welling. Là, c’était du pur foot anglais. À un moment donné, il se met à pleuvoir des cordes, tout le monde s’est mis à l’abri – enfin, les 300-400 personnes présentes –, mais les joueurs, ça ne les dérangeait pas, eux. Un autre match improbable, c’est quand j’ai profité du premier vol de Ryanair à 99 centimes vers la Suède. J’ai visité Stockholm et, dans un café, bien que je ne comprenne pas le suédois, j’ai vu sur un journal la pub pour un match de Djürgardens. Dans le stade de 40 000 places, il y avait 4400 personnes… Pour le coup, il n’y a pas eu de problème pour avoir des places. »
Mais aussi : « Progrès Niedercorn – Dudelange au Luxembourg. Je crois que c’était 2-4 ou 1-4. Sur place, j’ai appris qu’en 1977, après avoir enchaîné 49 matchs sans défaite (un record), le club était allé affronter le Real Madrid en Coupe des champions, alors qu’ils étaient habitués à jouer devant 50 personnes… »
Le plus beau trip
JD : « J’ai un ami passionné de moto GP qui m’a proposé une année d’aller voir le Grand Prix de République Tchèque. Avant de partir, je remarque que durant notre séjour, c’est le derby slovaque entre le Slovan Bratislava et l’Artmedia. Arrivé à l’hôtel tchèque le samedi, sur la télévision, je trouve le mot « Football » en Slovaque et j’arrive à voir qu’à 11h45, l’Inter Bratislava reçoit Ruzomberok. Le stade de l’Inter était à 800 mètres de l’hôtel, on y a donc été avant de repérer que le soir-même, c’était le FC Nitra qui jouait. On n’a jamais trouvé de voiture, donc on a été en bus jusqu’à Nitra pour voir notre deuxième match du jour. Le lendemain, au circuit GP, on doit marcher 7 km pour trouver un Bancontact. On se met donc en route jusqu’à ce qu’on atteigne une bute où, finalement, on était tout à fait bien installé. Sauf qu’au huitième tour, le champion Rossi passe tout seul avec une vingtaine de secondes d’avance sur le deuxième. « Le Grand Prix est gagné, on peut partir », m’a dit mon ami, alors je lui ai répondu :« On n’essayerait pas d’aller voir le derby alors ? » Sur un week-end prévu pour la moto, on a fini par voir trois matchs. »
Propos recueillis par Émilien Hofman