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Johann Sidaner : « J’ai encore du mal à imaginer la Nouvelle-Calédonie en Coupe du monde »

Propos recueillis par Florent Caffery
10 minutes

Aussi dingue que cela puisse paraître, la sélection de Nouvelle-Calédonie est à 90 minutes de rafler son billet pour la Coupe du monde 2026. En cas de succès face à la Nouvelle-Zélande ce lundi (coup d’envoi à 7 heures en métropole), la 152e nation au classement FIFA s’envolerait pour l’Amérique du Nord. Johann Sidaner, le sélectionneur des Cagous, préfère temporiser, même si le Graal n’est pas inatteignable.

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Johann, réalises-tu que ton équipe est à 90 min de décrocher une place à la Coupe du monde ?

La grande satisfaction, c’est de continuer l’aventure. Une élimination face à Tahiti (victoire 3-0 en demi-finales, NDLR) nous condamnait à rentrer chez nous. En plus, en cas de défaite, nous aurions tout de même dû rester en Nouvelle-Zélande, car avec les vols, c’est compliqué, et nous aurions dû aller à l’Eden Park voir la finale et ne rentrer qu’après le match. En plus, nous sommes dans un renouvellement de génération, et pour certains, ce sont les dernières sélections. Ça aurait été compliqué de finir là dessus, alors que là, même si on perd contre la Nouvelle-Zélande, on poursuit l’aventure d’une année. Nous serions rebasculés sur les barrages (intercontinentaux avec six équipes) qui devraient avoir lieu en mars 2026 sur le sol nord-américain et offriront une dernière place qualificative. Pour nous, aller à ce rendez-vous serait déjà comme une petite Coupe du monde.

Cette finale face aux Néo-Zélandais n’est donc qu’un bonus ?

C’est exactement comme ça qu’on l’aborde. Tout le monde voit la Nouvelle-Zélande se qualifier et nous aussi. Ça paraît vraiment très compliqué de rivaliser. Mais on a conscience de ce qu’on vit et on ira là-bas pour jouer ce match. C’est tellement déséquilibré sur le papier, mais en fonction des évènements…

À quoi t’attends-tu à l’Eden Park ce lundi ?

Pour la demi-finale contre Fidji, il y avait 15 000 personnes. Mais c’était à Wellington, une ville secondaire et ce n’était pas la finale. L’OFC (Confédération du football d’Océanie) dit qu’elle fait tout pour remplir le stade, mais même si c’est à un tiers plein, pour nous ce sera déjà beaucoup. Les gars ont rarement l’occasion de jouer devant autant de gens, devant une grande nation du football océanien. En juin 2024, on devait jouer contre eux lors de la Coupe d’Océanie, en match d’ouverture. Nous avions dû déclarer forfait (en raison d’émeutes sur le territoire calédonien, dans un contexte de dégel du corps électoral, qui ont provoqué un embrasement de l’île et la mort de 14 personnes à ce jour, NDLR). Il y a toujours un goût d’inachevé. J’ai envie de me confronter à eux. Là, ce sera l’occasion. En Europe, on a du mal à se rendre compte, mais la Nouvelle-Zélande n’est composée que de joueurs pros, depuis 10 ans ça a explosé dans ce pays, ça joue plus à ce sport qu’au rugby.

S’il fallait une image, c’est le petit club amateur face au PSG en coupe ?

C’est à peu près ça, une belle équipe de N3 qui joue contre une Ligue 1 en Coupe de France.

Comment canaliser les émotions de ton groupe ?

Sincèrement, j’ai un groupe avec pas mal d’expérience, certains ont joué avec Hienghène – une équipe du championnat calédonien – au Qatar en 2019 lors de barrages de la Coupe du monde des clubs, d’autres ont participé là-bas aussi aux qualifs de la Coupe du monde 2022. La pression, pour ces garçons là, ce n’est pas dans leur tradition de trop s’en mettre. Ça rigole souvent. Parfois, il faut faire prendre conscience qu’une certaine concentration est nécessaire. (Rires.) Ils prennent cette aventure avec le sourire, avec le rire. Là, on est dans le Clairefontaine néo-zélandais, on a vécu une semaine géniale dans le cadre des Wellington Phoenix (une équipe pro évoluant dans le championnat australien, NDLR). Ça fait plaisir au groupe, parce que forcément, en Nouvelle-Calédonie, on est loin de tout ça. Pour les joueurs, c’est très bénéfique pour la suite.

Beaucoup de nations ont fait le même pari en 2022, elles ont mis des staffs en place pour aller chercher cette demi-place supplémentaire accordée à l’Océanie

Si on t’avait dit, lorsque tu débarques à Nouméa en septembre 2022, que trois ans plus tard vous en seriez là…

Les dirigeants m’ont pris pour ça. Beaucoup de nations ont fait le même pari en 2022, elles ont mis des staffs en place pour aller chercher cette demi-place supplémentaire accordée à l’Océanie. L’objectif en arrivant ici, c’était d’aller aux barrages de cette Coupe du monde.

As-tu eu le sentiment de franchir rapidement des paliers ?

Avant que je n’arrive, lors des précédentes qualifications, les trois matchs de poule avaient été perdus. Là, nous avons battu Fidji, les îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, puis Tahiti pour en arriver là. Nous avons mis des choses en place pour parvenir là.

 

Crédit : FCF.
Crédit : FCF.

Ça ressemble à quoi, ton quotidien de sélectionneur ?

Je m’occupe aussi des autres sélections et des académies sur le territoire. Mon poste de sélectionneur, c’est 30 à 40 % de mon travail. Le suivi se fait à distance avec beaucoup de communication, de relations avec les joueurs. En métropole, j’ai Christophe Coursimault, l’ancien sélectionneur (de 2010 à 2012), qui m’aide à suivre les gars. C’est mon œil sur place. Et puis on a une application très précieuse pour la Calédonie. Chaque sélectionable potentiel doit remplir chaque semaine ses informations. Tous les matins quand je me réveille, je vais sur l’appli pour voir ce qu’ont fait les joueurs. Ça prévient les blessures, je connais leur état de forme, je vois leur sérieux. C’est une mine d’or pour moi. Je sais que lorsque j’ai les joueurs au téléphone, ils ne peuvent pas mentir. (Rires.) S’ils ne rentrent pas leurs infos – matchs joués, entraînements, courses, etc. –, ils ne sont pas sélectionnables. C’est non négociable. Ce n’est pas un mouchard, mais en même temps si. Nous utilisions cette application à l’époque où j’étais à Nantes, deux préparateurs athlétiques l’avaient lancée.

Tu as un groupe très hétérogène avec une douzaine de joueurs évoluant dans le championnat calédonien, neuf en N2 et N3 en métropole et deux pros (Jekob Jeno au Beitar Jérusalem et Jaushua Sotirio au Sydney FC). Comment composer ton équipe ?

C’est le quotidien de nations mineures. J’ai des footballeurs qui gagnent leur vie grâce au foot, d’autres c’est leur passion, mais il n’y a pas de grande différence. Au départ, on joue tous pour la même chose, et grâce à toutes les informations que l’on a aujourd’hui, les joueurs savent ce qu’il y a à faire. Après, il y a tous les à-côtés, et je comprends que ce soit plus compliqué pour les gars du territoire d’avoir une vraie discipline par rapport à ceux de métropole. Mais quand on a un objectif comme la Coupe du monde, il n’y a pas trop de soucis sur ça.

Le football, c’est un pan important de la vie calédonienne…

C’est le sport numéro un. La Calédonie, c’est très sportif. J’ai des joueurs passionnés, curieux, le foot est présent dans la vie de tous les jours, que ce soit chez les filles comme les garçons. Dans mon équipe, j’ai des très bons joueurs à qui on n’a pas grand-chose à apprendre. Ils sentent le football. Le plus gros défi pour nous, c’était de faire en sorte d’avoir des athlètes capables de rivaliser avec les autres nations. D’autant que chez nous, depuis le mois de mai, le championnat est toujours à l’arrêt, et c’est dur. Les 12 joueurs qui sont avec nous et issus du territoire ne font que des matchs amicaux et des entraînements.

Ce sont des gros allumeurs, ils passent leur temps à chambrer. Je leur demande de garder le jeu au centre de leurs intérêts, de leurs considérations.

C’est d’autant plus costaud d’en être là aujourd’hui ?

On ne peut être qu’admiratif de leur investissement. Ils continuent à s’entraîner, à se donner, sans avoir la certitude d’être dans le groupe qui sera retenu. On a dû laisser à la maison quelques garçons qui se sont donnés pendant des mois et ça a été un déchirement. Mais c’est moins difficile de leur dire qu’à des garçons en Europe avec qui on est obligé d’apporter beaucoup d’explications. Ici, on prend les choses davantage avec le sourire.

Jean-Claude Suaudeau, que tu as bien connu à Nantes, adorait les Calédoniens. Pourquoi ?

C’est leur style de vie et de jeu avec lequel on accroche. Je passe mon temps à dire à mes joueurs de jouer comme ils vivent. Ce sont des gros allumeurs, ils passent leur temps à chambrer. Je leur demande de garder le jeu au centre de leurs intérêts, de leurs considérations. Jean-Claude Suaudeau m’a entraîné quand j’étais tout jeune, je l’ai vu adorer ces joueurs calédoniens. Il le disait : « Ils sont tout en contre-pied, en feinte. » Dès la naissance, ils ont ça en eux.

Niveau système de jeu, comment s’articule ton équipe ?

Je suis très peu attaché au système. C’est surtout en fonction de ce que j’ai devant moi. J’essaye de mettre les gars sur leur place préférentielle en établissant des complémentarités. On veut faire en sorte que ça prenne vie. Si on demande aux joueurs de prendre leur temps, de se tempérer constamment, ce sera contre-productif. On veut conserver leur tempérament bouillant, cette insouciance, cette prise de risque. Si tu leur demandes de calculer, tu les perds. Encore une fois, jouez comme vous vivez.

Tu prends plus de plaisir à découvrir ce football-là que celui en Europe ?

C’était l’objectif en venant. Je savais où j’allais, les joueurs que j’allais trouver. Je connaissais Georges Gope-Fenepej (Saint-Pryvé, N2), César Zeoula (Chauvigny, N3), les gars qui sont là depuis des années. Depuis 2011, je suivais ces joueurs. Joris Kenon (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, N3) qui a fait un très bon match contre Tahiti, je connaissais aussi. Ils étaient passés par Vertou (Loire-Atlantique) en jeunes.

Raconte-nous comment vous avez dégoté pour ces dernières étapes de qualification l’attaquant Jaushua Sotirio, un Franco-Australien né de parents calédoniens et professionnel au Sydney FC…

Il y a deux ans, on m’a signalé que ce joueur existait. Je me suis renseigné, on s’est rapprochés de lui. Il a joué pour les espoirs d’Australie, mais jamais avec la sélection A. On a gardé ça dans un coin de la tête et quand les choses sérieuses ont commencé pour nous en septembre dernier (le début des qualifications), on s’est dit pourquoi pas. Il a fallu faire un long dossier avec la FIFA. Et puis on y est parvenus. Là, il nous a bien aidés dans l’approche du match (la demi-finale face à Tahiti), car ça s’est joué dans son ancien stade, un lieu inconnu pour nous. Lui, il connaît tout le monde. Pour les gars qui ouvrent grand les yeux, c’était très intéressant. Et puis il parle français, il est intéressé par la Calédonie. Il y a même un stade à la Vallée du tir (un quartier de Nouméa) qui porte le nom de son grand-père (Maurice) qui a joué pour la sélection du pays.

Une petite partie de toi rêve tout de même de décrocher ce ticket pour 2026, non ?

Non, et je ne fais pas de la langue de bois. Il y a eu un soulagement d’avoir passé l’étape Tahiti, parce que sinon, ça aurait été très décevant. On va jouer sans pression à Auckland. Mais c’est évident que l’on croit en notre projet, en notre méthode et on peut croire à certaines choses… Mais j’ai encore du mal à imaginer la Nouvelle-Calédonie en Coupe du monde.

Et pourquoi pas un France – Nouvelle-Calédonie à New-York ou au stade Azteca de Mexico l’an prochain ?

En jeunes, c’est arrivé chez les U17 en 2017 en Inde, avec certains Calédoniens qui composent ma sélection actuelle. À l’époque, il y avait en face Tchouaméni, Caqueret, Gouiri. Ça avait fini à 7-1… C’était une belle mise en lumière, mais tu souffres aussi beaucoup. Honnêtement, on n’en est pas encore là pour nous.

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Propos recueillis par Florent Caffery

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