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Johann Lepenant et les aboutissants
Arrivé à l’OL mi-juin, Johann Lepenant, 19 ans et déjà une cinquantaine de matchs pros dans les chaussettes avec Caen, aimante les regards depuis le début de la préparation lyonnaise. Ceux qui l’ont vu se construire sont formels : il va falloir surveiller le jeune milieu de près et prendre soin d’un profil que l’on croise rarement dans les couloirs du foot français.
Il y a quelques jours, à Bourg-en-Bresse, il n’y en a d’abord eu que pour lui. Lui, ce type de 31 ans, promu général un soir de mars 2017, revenu dans le ciel lyonnais au début du mois de juin, que son entraîneur, Peter Bosz, a accueilli avec des bras grands ouverts. Alexandre Lacazette, numéro 91 sur le dos, n’a eu besoin que d’une petite rencontre pour rappeler à ses supporters de toujours qu’il reste une bête des fourrés à part, souvent bien placée pour pousser un ballon au fond des filets et toujours à la recherche de la bonne zone pour venir décrocher, combiner et amener du liant aux circuits collectifs de ses équipes. « J’ai vu un avant-centre intelligent, qui a marqué, heureusement, très vite. Il doit encore, bien sûr, apprendre à savoir comment ses coéquipiers jouent, mais c’est un bon joueur », s’est contenté de lâcher Bosz avec prudence et sobriété en quittant le stade Marcel-Verchère, où l’OL n’a pas trop tremblé (4-2) et où un autre homme s’est, surtout, invité dans toutes les conversations. Un homme d’une autre génération, d’un autre profil, arrivé sur la pointe des pieds à Lyon mi-juin et qui a seulement eu besoin de 111 minutes pour cueillir ses premières louanges.
Cet homme, c’est évidemment Johann Lepenant, débarqué de Caen contre un peu plus de quatre millions d’euros avec plus d’une cinquantaine de matchs pros rangés dans les chaussettes à seulement 19 ans et dont les deux premières sorties sous le maillot lyonnais ont filé des espoirs pour la suite. « Je ne suis absolument pas surpris, sourit Cédric Hengbart, qui a connu le jeune milieu aspirateur à Malherbe. Il a joué en sentinelle, comme première rampe de lancement, et c’est exactement dans ce rôle qu’on peut voir toutes les qualités de Johann. C’est un joueur qui offre une assurance permanente à ses entraîneurs : celle d’avoir un milieu qui se déplace tout le temps, qui a toujours envie du ballon, qui le perd très peu, qui aime jouer pour et avec les autres, qui sent le jeu. Forcément, ça saute vite aux yeux. »
« Ce joueur, c’est un bijou »
Dans les lacets de Ligue 2, où il a gobé ses premières minutes fin 2020, Johann Lepenant n’a jamais laissé personne insensible. À l’époque de ses débuts chez les grands, Pascal Dupraz, l’entraîneur qui l’a poussé dans le grand bain à Caen, a prévenu : « Quand vous allez voir le petit Jo Lepenant, vous allez comprendre ce que je dis. Ce joueur, c’est un bijou. » Puis, début 2021, le Granvillais a explosé lors de deux titularisations en Coupe de France – une à Guingamp (3-1) et une face au PSG (0-1), lors de laquelle il avait bien secoué Neymar – et on ne l’a ensuite plus jamais vu filer sa place à personne. « On l’avait dit à Pascal, rejoue Hengbart. On savait que dès qu’il le mettrait dans le onze, Johann ne sortirait plus. » Tout simplement car Lepenant, qui a signé son premier contrat pro à seulement 16 ans, possède un profil aussi rare et complet que précieux. Précieux sans ballon, d’abord, car celui qui a bouclé la dernière saison en étant le troisième joueur du championnat qui a disputé le plus de duels défensifs par match (11,24) derrière Lucas Deaux et Andrés Cubas est une machine à gratter, à orienter le jeu adverse et à piéger ses proies. Précieux avec ballon, ensuite, car Johann Lepenant, dont la fréquence de prise d’informations est très élevée, ce qui rend son surnom de « Lampard » encore plus approprié, perd peu de ballons, sécurise l’ensemble et peut évoluer dans tous les rôles au milieu. « C’est tout ça qui nous a évidemment tapé dans l’œil, car on ne voit pas beaucoup de joueurs capables de faire autant de choses, notamment en France, souligne Cédric Hengbart, aujourd’hui entraîneur de Blois (N2). Un profil comme celui de Johann fait du bien au football français à une époque où on prend beaucoup de mecs puissants, rapides, où on recherche avant tout la force physique. Il y a de moins en moins de joueurs de ballon purs, donc quand il y en a un, il faut en prendre soin. »
Quelques caps dans le viseur
C’est justement ce qu’a fait Stéphane Moulin la saison dernière, en travaillant notamment avec Lepenant sur son jeu long. « Quand je suis arrivé, il ne jouait pas un ballon à plus de dix mètres, détaillait il y a peu le coach de Malherbe. Il ne faisait jamais une passe longue. Quand on a évalué le niveau du jeu long, j’ai compris pourquoi. Comme il est intelligent, il ne le faisait pas. Alors, on l’a fait travailler sur ce point. » D’ailleurs, face à Bourg-en-Bresse et peut-être encore plus face au Dynamo Kiev mercredi, le nouveau numéro 24 de l’OL a, au-delà de ses nombreux ballons récupérés, tiré quelques sagaies bien senties. « C’est avant tout un besogneux, un gros récupérateur, mais il a déjà montré, ce qu’on pouvait déjà voir à Caen, qu’il sait aussi très bien faire plusieurs choses, analyse l’ancien entraîneur de Lyon La Duchère, Karim Mokeddem, qui a commenté la première rencontre de préparation de l’OL au micro d’OLTV. Dans les grandes équipes, il manque parfois un profil comme le sien. Maintenant, il a un gros potentiel à développer dans l’utilisation du ballon. C’est ce qui le différencie de Caqueret, car pour l’instant, même s’il a montré de bonnes choses, il est parfois un peu trop latéral et négatif dans ses passes. Ses passes positives sur un match, on les compte facilement sur les doigts d’une main. Ça reste un très bon investissement, un atout précieux pour harceler, presser à la perte et comme il va s’entraîner au quotidien avec de très grands joueurs, il va naturellement progresser. »
Cédric Hengbart enchaîne : « Ce ne sera jamais le joueur qui fera des exploits solitaires, qui va prendre le ballon et percer les lignes balle au pied. Sa priorité, c’est de ne pas perdre le ballon, mais le haut niveau demande aussi de jouer plus souvent vers l’avant, encore plus quand on est dans une équipe dominante. C’est vrai qu’il a encore du mal à enchaîner régulièrement les passes qui cassent des lignes, à se projeter ensuite vers l’avant, mais il sait le faire. Il n’a que 19 ans, et un joueur de 19 ans ne peut pas être parfait. Ça reste une matière très intéressante à travailler, surtout que Johann aime sincèrement le foot là où d’autres de sa génération aiment beaucoup moins ça que lui. En centre de formation, certains voient déjà le foot comme un boulot. Pas lui. Ça reste un jeu, un plaisir… » Utilisé en compagnie de Jessy Deminguet aux manettes d’un 3-5-2 (ou 3-4-2-1) à Caen, Johann Lepenant a déboulé à Lyon dans un tout autre projet de jeu, où il va avoir du temps pour s’affiner dans un secteur de jeu chargé (Tolisso, Caqueret, Faivre, Reine-Adélaïde, Paquetá, plus d’autres jeunes pousses) et offrir de belles options à Bosz, le tout avec la conscience de devoir franchir un cap en matière de stats (aucun but et une seule passe décisive en 53 matchs de Ligue 2). « C’est la prochaine étape pour lui : avoir plus d’influence sur les résultats de son équipe. Il doit franchir ce cap dans les deux ans qui viennent », décryptait Moulin il y a quelques mois. Les bases sont posées.
Par Maxime Brigand
Propos de Karim Mokeddem et Cédric Hengbart recueillis par MB.