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Johan Hamel, le goût des autres
Le 13 novembre dernier, Johan Hamel officiait comme assistant à la vidéo lors de PSG-Auxerre (5-0). Deux jours plus tard, il est décédé d’un arrêt vasculaire cérébral foudroyant lors d’un entraînement. Dans l'arbitrage, comme en dehors, l’Héraultais de 42 ans laisse derrière lui l’image d’une personne passionnée, fidèle et, surtout, qui aimait le contact avec autrui.
De mémoire d’habitant de Clermont-l’Hérault, on ne se souvient plus trop de la date de ce déplacement à Cabestany en R2, en 2003. Ni même du score. En revanche, le nom de l’arbitre n’a pas été oublié : Johan Hamel. Jean-Paul Aubert, vice-président de La Clermontaise, narre la suite : « Clermont rentrait et s’est arrêté sur l’autoroute pour boire quelque chose et manger un petit bout. Johan s’était aussi arrêté sur cette aire. Ce n’était pas quelqu’un qui se cachait, au contraire, il était heureux de voir une équipe de jeunes corrects, alors ils ont discuté. Le président, Élian Reverbel, lui a demandé ce qu’il faisait dans la vie et s’est rendu compte que l’on travaillait ensemble au Crédit agricole. Après ça, il a pris sa licence chez nous et l’a renouvelé chaque année. La fidélité, c’était important pour lui. »
Réveillon, aéroport et maillot de Tours
Cet engagement, pris entre deux sandwichs triangles, a beau avoir duré dix-neuf ans, le plus grand dévouement de Johan Hamel reste l’arbitrage. Originaire de Nîmes, Philippe Malige le connaît depuis plus de 20 ans entre les stages, les réveillons et des matchs partagés ensemble. « Il a été mon quatrième arbitre, puis j’ai été son observateur. Il était toujours de bonne humeur, positif, volontaire et ambitieux dans le bon sens du terme. C’était un bon camarade quoi… » Philippe Malige a vu son ami gravir les échelons jusqu’au monde professionnel où il sera arbitre principal de 135 rencontres de Ligue 1 et 85 de Ligue 2, dont 25 d’Angers, club le plus souvent croisé. Il alterne encore le présent et le passé pour évoquer l’arbitrage de celui qui résidait à Jacou : « Quand il était jeune, il était trop fougueux. Même sur ses premières années à haut niveau, il était peut-être trop enclin à mettre des avertissements. Il a mis de l’eau dans son vin et dans son arbitrage pour correspondre aux critères que l’on attendait d’un arbitre de haut niveau. »
Toutes mes condoléances à la famille de Johan Hamel , une super personne sur le terrain et en dehors du terrain . RIP pic.twitter.com/VJXGfTZcGc
— Sébastien Corchia (@SebCorchiaOff) November 16, 2022
Pilier d’Angers entre 2008 et 2016, Charles Diers se souvient d’un arbitre qui échangeait avec les joueurs : « Avec l’expérience des matchs et de la vie, il était devenu un arbitre qui communiquait beaucoup. Je pense que les joueurs n’attendent pas d’un arbitre qu’il soit distant et autoritaire, mais qu’il soit partenaire du jeu, et Johan, je pense, était apprécié pour ça. Il obtenait ainsi plus facilement le respect de tous les acteurs du jeu et nous imposait naturellement de rester focus sur le jeu. » Sur le banc de Dijon puis de Brest, Olivier Dall’Oglio a été arbitré à seize reprises par Johan Hamel. « Il était beaucoup dans l’échange, il aimait ça, et c’est ce que l’on demande, surtout moi, confie l’Alésien. La dernière fois que je l’ai croisé, à l’aéroport de Montpellier, on avait d’ailleurs reparlé de discussions arbitrales que nous avions eues. Il avait cette facilité de communication. Souvent, c’est lui qui provoquait la discussion. On rentrait dans son vestiaire sans problèmes, cela m’est arrivé plusieurs fois. »
Un arbitre humble et accessible. Une pensée à la famille et ses proches !!! Reposez en paix Mr Johan Hamel pic.twitter.com/1IO0QkI6Jm
— Cedric Hountondji (@c_hountondji) November 16, 2022
Les deux hommes se sont gratté la tête pour se remémorer un souvenir avec le défunt. « C’est le signe que dans l’ensemble, cela a toujours dû bien se passer », rassure l’ancien milieu, adjoint aux sports dans la mairie angevine. Pour illustrer la générosité de l’ancien arbitre, Philippe Malige a, lui, une anecdote sous le coude : « Durant ma carrière, je collectionnais les maillots de joueurs. Je n’ai jamais arbitré Tours à domicile. Je voulais avoir ceux de toutes les équipes professionnelles, mais je n’avais pas celui-là. Un jour, je lui en avais parlé. Le stage d’après, comme il en avait un, il me l’a donné. Il se l’était rappelé, alors que moi-même, j’avais oublié ! »
Construire un avenir aux jeunes du BTP
Ne parler que de ballon rond et de sifflet pour évoquer la vie de Johan Hamel serait bien réducteur. Après avoir étudié en STAPS à Montpellier puis au sein de la Montpellier Business School, il rejoint le Crédit agricole, aux côtés de Jean-Paul Aubert. L’Héraultais partira ensuite dans le monde des travaux publics, dirigeant notamment l’IFTP (Institut de formation en apprentissage dans les travaux publics en Occitanie) plusieurs années. Cet été, il a lancé sa propre école. À ses côtés depuis 2014, Yannick Bors est de l’aventure. « J’avais déjà beaucoup de travail, mais Johan, j’aurais pu le suivre n’importe où en France. J’ai tout de suite dit oui. Pourquoi ? Le courant est très vite passé entre nous, on était deux passionnés de foot. Il nous laissait aussi de l’autonomie pour gérer nos cours. Ce nouveau projet, c’est son petit bébé », développe le prof de maths.
Jordan Saura fait un CAP conducteur d’engin en alternance la semaine et tape dans un ballon le dimanche pour Aimargues. Il aimait la pédagogie de son ancien directeur : « J’ai très vite vu qu’il était là pour les jeunes ! Il était toujours à l’écoute, on pouvait lui demander ce que l’on voulait. Je sais qu’il a aidé certains jeunes à trouver une entreprise. On pouvait aller dans son bureau et parler boulot. »
Entre ses coups de sifflet, son école et sa vie de famille avec sa compagne Kate et sa fille Léane, Johan Hamel courait partout. « On pouvait le joindre à n’importe quel moment de la journée. Au début, j’étais un peu impressionné, alors je n’osais pas », consent Yannick Bors. Un exemple ? « Il organisait beaucoup d’activités comme lors de journées où tous les élèves se retrouvaient. Il a aussi créé une section foot pour faire les championnats régionaux de foot à sept. Même quand il n’était pas là, il pensait à ses jeunes. Aux championnats de France, nous étions malmenés sur un match et on l’a appelé en direct. Il nous a dit qu’il fallait changer l’équipe, qu’il fallait mettre tel joueur à tel poste. On a marqué deux buts et on s’est qualifiés. » Dans son école Expert and Strategy Academy au Crès, dans la banlieue montpelliéraine, il n’avait pas en tête les contestations incessantes de Marco Verratti. Mais si les élèves le questionnaient sur les stars parisiennes et leurs joueurs favoris du MHSC ou de l’OM, il en parlait avec plaisir. « À table, les jeunes lui demandaient comment était tel joueur sur le terrain. Je me rappelle la période où il y a eu cette altercation avec Zlatan. Tous les jeunes étaient aux aguets pour avoir des informations et des anecdotes », conclut le professeur de mathématiques.
Johan Hamel va retrouver Zlatan pour PSG/Toulouse https://t.co/r6DJdDQugH pic.twitter.com/pVklHKgWMj
— CulturePSG (@CulturePSG) November 5, 2015
Ce dimanche, Jean-Paul Aubert a fait une sortie vélo dans le Salagou avant d’aller voir son petit-fils qui disputait une compétition de judo. De quoi penser à autre chose avant de se rendre, ce lundi, à la messe, l’inhumation et un hommage rendu au stade de la Mosson. À La Clermontaise, Johan Hamel venait lors de l’annuel tournoi national de Pâques, pour les anniversaires du club ou pour aider le club sur les questions de l’arbitrage. Dans ce domaine, il avait même noué des liens avec le club de rugby local, le RCO Salagou Cœur d’Hérault. Mais les relations entre les deux anciens collègues avaient dépassé le cadre du travail et du club. « Chaque trimestre environ avec Élian Reverbel et Johan, nous faisions des repas conviviaux entre passionnés de foot. Il nous racontait des anecdotes. Au dernier déjeuner que l’on a fait ensemble, il nous a dit qu’il arrêterait dans deux ans… »
Par Loïc Bessière
Tous propos recueillis par LB
