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Johan Cavalli : « L’ACA, c’est une proximité, un esprit familial »
Ce lundi soir, l'AC Ajaccio reçoit le RC Lens. Milieu de terrain vif, Johan Cavalli, trente-cinq ans, est aussi un capitaine attaché à son maillot. Entretien « corse toujours » avec le cœur ajaccien.
Tu as beaucoup bourlingué au cours de ta carrière pour finir par te poser chez toi à Ajaccio, en 2010. Tu avais besoin de ce retour aux sources ?Oui, forcément. Ça m’avait toujours manqué. J’ai débuté ma carrière loin de mon île (au FC Nantes, ndlr), et comme j’ai eu la possibilité de rentrer à l’ACA, je n’ai pas hésité. Et il s’est avéré que j’avais raison parce que ça s’est plutôt bien passé. On est monté en Ligue 1 lors de ma première saison. Allier l’élite et le fait d’être dans ma ville, comme j’étais parti très tôt, c’est quelque chose qui me faisait rêver.
Ça représente quoi pour toi, l’ACA ?Ça fait sept ans que je suis là. Comme on dit, je suis devenu un joueur emblématique. C’est une fierté.
Est-ce que tu te considères investi d’une mission ?Oui. Je suis originaire d’ici, en plus, je suis le capitaine et l’un des plus anciens. Plus on prend de l’âge, et plus on pense au club, au collectif, à essayer de mettre les jeunes dans les meilleures conditions. Je me sens investi d’une mission d’intégrer, de faire ressentir ce qu’est le club et d’inculquer des valeurs.
Tu évoques les valeurs, ça revient souvent dans tes interviews. Quelles sont les valeurs de l’ACA, justement ?C’est une proximité, un esprit familial. Être une équipe de ballon, mais aussi de caractère. Mais ce n’est pas tout d’avoir des Corses dans l’équipe, c’est bien aussi d’avoir des gens qui viennent de partout et qui se fondent là-dedans. Peu importe d’où tu viens, en fait.
Est-ce que tu penses que l’identité est plus marquée à l’ACA que dans les clubs où tu as eu l’occasion d’aller, sur le continent (Lorient, Créteil, Istres, Nîmes…) ? Je ne sais pas. Moi, je me retrouve dans l’idée de l’ACA, parce que c’est ma ville, ma région. Les Corses, on est très proches de notre pays, comme on dit. Maintenant, ce serait manquer de respect aux clubs que j’ai connus de dire qu’ils n’avaient pas ou peu d’identité.
Olivier Pantaloni, le coach qui était là à ton arrivée, est revenu au club depuis 2014. Sur quoi se base ta relation avec lui ?C’est une relation de confiance, de joueur à entraîneur. Forcément, la relation a évolué. Je pense qu’il a énormément confiance en moi, donc j’essaye de l’aider de l’intérieur. Il sait qu’il peut s’appuyer sur moi pour faire passer des messages au groupe, et inversement. Je fais mon rôle de capitaine, dévoué au club, tout simplement. Il m’a mis très tôt capitaine, derrière JB Pierazzi. Le coach, c’est quelqu’un de très droit, franc, calme. et qui tire dans le sens du club. Quelqu’un qui aime donner de la confiance en son groupe. Il y a des joueurs qui jouent, d’autres qui jouent moins, mais avec ce coach, on ne se demande pas ce qu’il nous arrive : il nous dit les choses en face.
Quand tu étais jeune, c’était naturel pour toi de faire carrière dans le foot, sur les traces de ton père, Jean Michel ?Oui. (Il insiste) C’était naturel. Mon père ne m’a jamais poussé, mais moi, je suis né dedans, j’ai toujours voulu faire du foot. C’est ce que je raconte à mes enfants aujourd’hui : dès que j’ai mis une paire de crampons, j’ai su ce que c’était ça que je voulais faire. J’ai grandi ici. Quand mon père est parti d’Ajaccio pour aller à Lille, c’est la seule fois où je l’ai suivi, j’avais douze ans, et l’année suivante, j’ai intégré le centre de formation à Nantes. Et ma carrière s’est lancée.
Tu as dit qu’au début, il ne t’a pas poussé à devenir footballeur…Jeune, non, pas tellement. Il voulait justement que ça vienne de moi. Petit, j’ai toujours voulu jouer avec lui, et j’ai senti qu’il mettait un peu de distance entre lui et moi, par rapport à ça, pour que je me fasse une idée du métier de moi-même et pas « faire comme mon père » – comme tout enfant qui peut idolâtrer son père. Par la suite, bien sûr, il m’a fait part de son expérience. On a beaucoup échangé, il m’a appris ce que c’était l’exigence à tout niveau : l’alimentation, les sorties, pas les sorties, les sacrifices qui s’imposent…
Cette saison, il y a eu le derby ACA – Gazélec. Comme ton papa est estampillé Gazélec, est-ce qu’il t’a chambré après votre défaite 4-1, à Ange-Casanova ?Mon papa, avant tout, il est estampillé Cavalli. Il est estampillé de mon sang et moi du sien. Mon père pourrait être dans n’importe quel club, et moi pareil, on sera toujours là l’un pour l’autre et jamais l’un contre l’autre, et même au deuxième ou au troisième degré.
Même si lui a passé de nombreuses années au Gazélec (1971-76 et 1979-90 en tant que joueur, puis trois passages en tant que coach), et toi, tu es devenu le capitaine de l’ACA…Si, on s’est déjà chambrés gentiment. Est-ce qu’il voudrait me voir sous le maillot du Gazélec ? Non, du tout, parce que pour lui, c’est du passé. Il est fier de ce que je suis devenu. Le sang, il est rouge, mais lui a un côté bleu, et moi un côté blanc.
En parlant de derby, peut-être que le Sporting Bastia va descendre en L2 la saison prochaine. On a le souvenir de matchs bien chauds il y a quelques années, particulièrement entre toi et Gaël Angoula. Ça t’a marqué ?C’est vrai que c’est toujours une image qu’on a gardée, mais dans les ACA – Sporting, il y a souvent eu d’autres moments chauds avec d’autres joueurs. Et j’espère pour eux qu’ils ne descendront pas, parce que j’ai pas mal d’amis dans ce club.
Il y a aussi le jour où tu es resté collé au short de Zlatan pendant 90 minutes…C’est mon caractère. Aujourd’hui, je me suis un peu calmé. Moi et Zlatan, c’est petit maigre en face d’un grand costaud. Prendre les gens de haut, c’est naturel chez lui. (Rires) Franchement, je ne me souviens plus de ce qu’on s’était dit. Contre Paris, je m’étais un peu frictionné avec lui, avec David Luiz aussi. Ça fait partie du mythe.
Lors de ta première saison, le club est monté en L1. Depuis, il y a eu la lutte pour le maintien, la descente en L2, et encore des saisons à flirter avec la relégation. Tu prends quand même du plaisir dans cette survie ?Les trois années de Ligue 1, forcément : même si les saisons sont difficiles, on prend du plaisir, parce que se maintenir, c’est créer un exploit. Après, quand on est redescendus, le club a eu quelques difficultés financières. Jouer le maintien, c’est épuisant parce que les saisons durent vraiment 38 journées. Cette saison, on a l’impression qu’on se dirige vers un final un peu plus tranquille, mais il nous manque encore quelques points pour vraiment se sauver (l’ACA est 14e avec 39 points, ndlr).
Avoir réussi à se maintenir plusieurs fois à l’arrachée, est-ce que c’est ensuite salutaire ?Oui, ça nous a beaucoup aidés collectivement en début de saison, sincèrement. Le club a eu des problèmes financiers. On s’est retrouvés en stage de début de saison à ne pas savoir si on allait jouer en Ligue 2 ou descendre en National. Pour le recrutement aussi, on était un peu pendus à la décision de la DNCG, et les joueurs qui ont entendu ça n’étaient certainement pas très chauds pour venir. On a eu un recrutement très tardif, mais justement, ça a créé une émulation, une solidarité, et on a très bien démarré le championnat.
Toi, tu espères conclure ta carrière à l’ACA ?Oui, j’arrive en fin de contrat. J’ai entamé des discussions avec le club, et si tout va bien, je devrais prolonger. Ensuite, on verra, pour peut-être aussi mettre un terme à ma carrière en 2018, comme je me dirige vers mes trente-six ans. Après ma carrière ? Je veux absolument rester dans le foot et peut-être entamer une carrière d’entraîneur. Le terrain, c’est toute ma vie.
Par Florian Lefèvre