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Joël Veltman, le nouveau salopard de l’Ajax
Pendant longtemps, Joël Veltman a eu cette image de défenseur racé, typique de l'Ajax, qui ne se rabaisse pas à tacler pour relancer plus proprement. Puis, il est devenu l'un des mecs les plus tordus de son équipe. Aujourd'hui, il est intronisé capitaine du club rouge et blanc et ça n'a rien d'un hasard.
12 février 2017, 51e minute du match Ajax-Sparta Rotterdam à l’Amsterdam ArenA. Bertrand Traoré est au sol, recroquevillé et se tient la jambe droite. à quelques mètres de lui, le long de la ligne de touche, son coéquipier Joël Veltman met la semelle sur le ballon, arrête le jeu, fait signe à son adversaire Iván Calero d’en faire de même. Le défenseur rotterdamois tourne alors la tête et Veltman en profite pour déborder puis envoyer un centre contré par la défense avant de retourner dans son camp le sourire en coin. En seulement quelques secondes, pour son crime de lèse-majesté envers la bienséance du jeu, le défenseur de l’Ajax est devenu l’un des êtres les plus détestés de la planète football. Mais Veltman, lui, s’en fout complètement. « Ah, c’était une ruse ! Bertrand était au sol et je me suis dit : « Je vais en profiter. »J’ai pensé tirer, mais le mec d’en face a tourné la tête, donc je me suis dit :« J’y vais ! »Je sais bien que ce geste ne mérite pas un prix technique, mais ça n’était rien d’autre qu’une ruse » , dira le joueur au quotidien hollandais Metro quelques jours plus tard. Après ce geste, et au fur et à mesure que l’Ajax gravit les marches vers une finale de Ligue Europa perdue face à Manchester United en mai dernier, l’Europe du football découvre donc Joël Veltman, dernière catin de l’histoire du football batave.
PRANK 😂 Veltman fooled his opponent. #ajax #ajaspa #prank #veltman #eredivisie pic.twitter.com/hZufawpRUk
— Dutch Goals And More (@DutchGoalsAMore) 12 février 2017
Comparé à Frank de Boer par… Frank de Boer
Et pourtant, le début de carrière du natif de Velsen est beaucoup plus sinueux qu’il n’y paraît. Arrivé dans l’effectif professionnel comme défenseur central lors de la saison 2012-2013, Veltman représente le futur de la formation ajacide. Parce qu’il est un compétiteur et qu’il porte l’arrogance en bandoulière, mais aussi et surtout parce qu’il est élégant, altier. Lors de ses premiers matchs, voir Veltman jouer debout, se projeter vers l’avant et soigner ses relances, c’est voir le fantôme du totaalvoetbal ou des plus belles années vangaaliennes revenir jouer ce doux spectacle devant le public amstellodamois. Forcément, les comparaisons avec son coach d’alors, Frank de Boer, sans qui il n’aurait pas eu sa chance en équipe première, vont bon train. Frank de Boer lui-même plussoie : « Il joue défenseur central gauche, alors que moi, je jouais à droite, mais oui, il y a bien des similitudes. Des aspects comme le fait de monter au milieu, créer des ouvertures et garder une bonne lecture du jeu sont toujours aussi importants. » Après une saison de rodage, le nummer 3 ajacide devient un élément important du dispositif de De Boer. Mais être un pur produit Godenzoona l’inconvénient de ses avantages, pour paraphraser Cruyff : Veltman est beau à voir jouer – très beau même –, mais pas le plus rassurant quand il s’agit de défendre. D’une certaine manière, le défenseur de 25 ans est le symbole de cet effectif de Frank de Boer incapable de mettre le bleu de chauffe pour écraser tout le monde dans la dernière ligne droite d’Eredivisie en 2015 puis 2016.
2016-2017 : saison sale, mais saison réussie
Dès lors, l’arrivée du formaliste Peter Bosz pour remplacer le frère de Ronald va changer en profondeur la façon de fonctionner de l’Ajax tout en respectant son inamovible caryotype. Lors de la dernière saison, les hommes de Peter Bosz jouent beau et offensif. Ils peuvent aussi jouer sale, très sale. Une nouvelle fois, Veltman est le symbole de ce changement. Replacé sur l’aile droite de la défense, le défenseur central peut faire valoir ses velléités offensives et garder ainsi ses montées balle au pied qui faisaient de lui un footballeur racé. En phase défensive, en revanche, Veltman est beaucoup moins debout qu’avant, tire les maillots et provoque des fautes « intelligentes » qu’on n’aurait jamais soupçonnées chez lui. À ce titre, la saison 2016-2017 est celle où il aura été sanctionné le plus : 13 cartons jaunes pour 2 rouges toutes compétitions confondues avec l’Ajax. Elle est aussi sa saison la plus remplie (40 matchs) et paradoxalement, la plus réussie pour un Veltman devenu le versant défensif d’un Davy « Captain Fantastic » Klaassen qui a augmenté son niveau de jeu en acceptant de faire preuve de roublardise, sans pour autant renier le beau jeu.
Dernier garant de l’Ajax moderne
Davy Klaassen parti à Everton, Veltman est le dernier garant de cet Ajax qui fait le pont entre la génération De Boer et la saison fulgurante de Peter Bosz qui augure de belles choses pour l’avenir. Le défenseur avait lui aussi pensé à partir, annoncé d’abord à Tottenham, puis à Crystal Palace avec l’arrivée du mentor De Boer. Mais non, Veltman est resté avant de prolonger son contrat jusqu’en 2020 : d’abord parce que Tottenham était en réalité une volonté de Madame Veltman ; ensuite parce que l’Ajax s’est débarrassé peu à peu de ses défenseurs chevronnés cet été – Tete parti à Lyon, Jairo Reidewald à… Crystal Palace. Marcel Keizer, remplaçant de Bosz sur le banc ajacide, ne s’y est pas trompé en confiant le brassard de capitaine à son défenseur de 25 ans pour la saison à venir, au nez et à la (belle) barbe de l’irréprochable Lasse Schöne, notamment. Et puis, un brassard sur le biceps, ça évite de faire des feintes d’anti-jeu.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam