- Championship
- Finale
- Brentford-Fulham (1-2)
Joe Bryan, héros inattendu de Fulham
Auteur d'un doublé en prolongation contre Brentford lors de de la finale des barrages d'accession à la Premier League, Joe Bryan a offert la première division à Fulham. Une récompense géniale pour le latéral anglais, longtemps rongé par son anxiété et aujourd'hui en paix avec ses angoisses.
Est-ce la tonne de lecture qu’il a bouffée pendant le confinement qui lui a donné l’inspiration, au moment de frapper le coup franc directement pour l’ouverture du score alors que tout le monde s’attendait à un centre habituel ? Est-ce le rituel du footing et ses exploits de coureur de fond (onze kilomètres en 43 minutes, cinq en dix-sept et vingt secondes) qu’il s’est envoyé durant cette période de repos imposé qui lui ont permis d’avoir l’énergie nécessaire pour réaliser le break, à la fin de la prolongation ?
Peu importe, en réalité. Au lendemain de sa victoire en finale de barrages contre Brentford, Fulham a simplement envie de remercier Joe Bryan. Grâce à lui et son doublé ayant débloqué une partie cadenassée, les supporters vont pouvoir applaudir leur équipe au plus haut niveau. À savoir en Premier League, une saison après en avoir été éjectée.
Le ballon, oui mais…
Attention : que personne ne dise à Bryan qu’il est quelqu’un de bien, suite à son seul bon match. Car s’il y a bien quelque chose qu’il ne supporte pas dans son sport, c’est d’être « jugé en tant que personne uniquement via les performances sur le terrain » . Au travers d’une interview accordée dans The Athletic, le latéral met ainsi le doigt sur la relativité du football au sein de la société.
Et de saluer les actes extra-sportifs de certains de ses confrères, comme celle de Marcus Rashford : « Les gens reconnaissent enfin que les footballeurs ne sont pas tous des têtes de nœud. Beaucoup d’entre eux sont des gens bien, avec du cœur et de la morale. Il est agréable d’observer les gens prendre des initiatives, d’utiliser leur popularité pour changer et faire le bien en dehors du foot. »
Pas dépressif, seulement angoissé
Chacun l’aura compris : avant d’être un athlète, Bryan est un mec réfléchi. Un type qui se pose des questions, parfois trop. Quand il débarque chez les Cottagers en 2018 pour ses premières apparitions dans l’élite, l’Anglais formé à Bristol et passé par Bath City ou Plymouth Argyle avait en effet du mal à se stabiliser psychologiquement. « Dans le passé, j’ai lutté avec mes propres combats. Certains jours, je n’avais pas envie de sortir du lit » , confie-t-il. Pour s’en sortir, le gaucher ne s’est pas armé d’antidépresseurs mais a simplement utilisé le meilleur médicament 100% naturel : la parole, notamment avec un neuroscentifique du club (Vincent Walsh) devenu psychologue pour l’occasion et qui lui a appris à accepter ses failles mentales.
« Nous sommes des hommes, il est normal de parler. Il est normal d’être vulnérable, il est normal d’être faible, pose le héros de ce mardi. J’ai eu quatre ou cinq séances avec Vin, à la fin de cette saison. C’est comme ici avec notre interview, vous êtes juste assis et vous discutez. « Pourquoi est-ce que je me sens comme ça ? Que se passe-t-il dans ma vie ? » Ce n’est pas une dépression clinique, c’est de l’anxiété influencée par des facteurs environnementaux. L’éloignement de la famille, une blessure grave… Des choses comme ça. »
Un travail (presque) comme un autre
Un travail sur soi qui lui a permis de devenir plus fort, et de remettre Fulham sur la voie de la première division. Un individu en forme dans sa tête et épanoui loin d’une pelouse, c’est en général un footeux plus à l’aise dans ses pompes à crampons et convaincant avec un ballon. Dès lors, pas étonnant que le bonhomme ait pu enchaîner 46 rencontres de Championship en 2019-2020 avant son petit exploit. Même si des crises de panique surviennent encore (chez le barbier, par exemple), Bryan sait désormais comment les maîtriser.
Malgré tout, il arrive toujours au Britannique de lutter pour « sortir du lit. Certains jours, avant le coup d’envoi à 15 heures, je veux être n’importe où mais pas jouer au foot. Tout comme certaines personnes peuvent travailler sur un chantier, et se dire :« Putain, je ne veux pas être ici aujourd’hui ». » Seul remède : parler… pour, ensuite, avoir les idées claires devant l’adversaire. Ou devant le but. Fin de chantier réalisé avec succès, début d’un autre un peu plus élevé mi-septembre. Peut-être pas avec un doublé, mais sans anxiété.
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