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João Moutinho : « La confiance change le visage d’une équipe »
Arrivé en 2013 à Monaco pour 25 millions d’euros, João Moutinho a tout connu en quatre saisons. Le milieu de terrain portugais donne son éclairage sur la mutation de son club, qui est passé du statut d’équipe frileuse à celui de machine à créer du jeu et à marquer des buts.
Quand on repense à ton arrivée à l’été 2013 avec James et Falcao, on se dit que cette époque paraît bien lointaine. Tu as aussi cette impression ? C’était une autre époque, une autre politique. On oublie un peu que l’équipe remontait de la Ligue 2, on a un peu banalisé notre deuxième place en fin de saison. La politique du club a changé dès la saison suivante comme tout le monde le sait. On est passé à une politique d’achat de jeunes joueurs comme Bernardo Silva ou Jemerson avec de la qualité et une grosse marge de progression. Et c’est cette politique qui donne ses fruits cette saison.
Comment as-tu vécu le changement de projet ?Dans celui qu’on m’avait présenté, l’ambition était de gagner la Ligue des champions d’ici trois ans. Je me suis exprimé à ce sujet à l’époque, j’ai accepté le nouveau projet basé et aujourd’hui on voit qu’il fonctionne avec les résultats que nous obtenons et la qualité de jeu.
Tu as connu l’arrivée et le départ d’une quinzaine de joueurs pendant deux étés. Comment on arrive à créer un groupe avec aussi peu de stabilité ? Je crois que ça fait partie du football d’aujourd’hui. On est tous susceptibles de partir l’année prochaine et on le sait très bien. Il y a toujours des joueurs qui viennent ou qui partent pour différentes raisons. Il faut arriver à intégrer assez rapidement les nouveaux joueurs pour créer une équipe et je crois que cela est le cas à Monaco malgré tout.
Comment on passe en une saison d’une équipe réputée ennuyeuse à la formation la plus créative et excitante d’Europe ?L’an dernier, on a parlé d’une équipe défensive, mais c’est surtout parce que l’on se procurait des occasions sans marquer. Sans doute qu’il y a eu une volonté de pratiquer un football plus offensif, plus créatif cette saison. On continue à se procurer des occasions, mais désormais quand on s’en crée cinq, on va marquer trois buts. L’an dernier, c’était plutôt un. Sans oublier qu’on évolue en 4-4-2, ce qui amène plus de présence dans la surface. À partir de là, on a pris confiance en nous et quand la confiance est là, tu vas davantage te lâcher offensivement. La confiance peut te changer le visage d’une équipe.
À la différence du PSG, Monaco paraît moins focalisé sur la possession du ballon. Vous revendiquez d’avoir un jeu plus direct ? Dans le football, il vaut quand même mieux avoir le ballon. Normalement, tu as plus de chances de te procurer des occasions en maîtrisant la possession. Mais ça, c’est la théorie. Il existe des exceptions comme Leicester qui défendait bien et sortait très vite avec le ballon avec des joueurs très rapides. Je pense que notre équipe est un mix. On sait contrôler le ballon, jouer en attaque placée, mais si on a la possibilité de placer une attaque rapide, on ne va pas hésiter à prendre des risques dans la transition. Après, on s’adapte aussi à l’adversaire. Les équipes en face connaissent notre potentiel offensif et ont tendance à évoluer beaucoup plus bas pour ne pas être prises de vitesse.
À ton arrivée en Ligue 1, on a dû te parler d’un championnat très physique et tactique, pas vraiment spectaculaire. Penses-tu qu’on a tendance à caricaturer le championnat ? Je pense que la Ligue 1 reste un championnat physique, ça fait partie de ses caractéristiques. Mais je vois une évolution, les équipes cherchent à proposer un football plus ambitieux. Parce qu’elles comprennent qu’à moyen ou long termes, les résultats vont suivre. Oui, on peut parler d’une évolution et j’espère que ça va continuer.
Lors de ses premières saisons en L1, Leonardo Jardim a été très critiqué. Personne ne connaissait son travail au Portugal ou en Grèce. Aujourd’hui, les critiques ont retourné leur veste. Comme as-tu vu cette évolution ?Je connaissais bien sûr son travail avant qu’il arrive à Monaco. Il est ici depuis trois ans, je ne suis pas surpris par les résultats qu’il obtient. C’est un entraîneur ambitieux qui met tout en place pour réussir. Aujourd’hui, il prouve qu’il est un des meilleurs entraîneurs d’Europe et que les critiques étaient erronées.
Il est comment, Leonardo Jardim ? Il est assez différent à l’entraînement ou à l’extérieur. Pendant les séances, il ne plaisante pas, il est très sérieux. En dehors, il aime bien se mêler aux joueurs, venir plaisanter avec nous. Il arrive à créer une intimité avec les joueurs, et ça, c’est toujours plus agréable dans une relation avec un entraîneur.
On vante son travail auprès des jeunes. On voit comment il a géré les cas de Martial et Mbappé. Comment procède-t-il ?Tous les joueurs ont une façon différente de réagir aux remarques de l’entraîneur. Les jeunes sont peut-être plus susceptibles, il faut savoir leur parler d’une façon différente. Il va s’adapter à eux, on l’a vu avec Martial. Mais pas seulement avec lui, il avait aussi lancé beaucoup de jeunes au Sporting.
Comment garder la tête froide pour des garçons aussi jeunes que Martial ou Mbappé quand on en fait des phénomènes après quelques bons matchs ? Il ne faut pas voir ça comme un problème. Je pense que dans le fond, un joueur aime se sentir important, être valorisé. Après, il faut que ça ne lui monte pas à la tête et c’est aussi le travail du coach de le ramener à la réalité du travail au quotidien.
Propos recueillis par Alexandre Pedro