- JO 2024
- Natation
Léon Marchand est-il un dauphin ?
Déjà triple médaillé d'or à Paris, le nageur Léon Marchand met la misère à ses adversaires dans les virages. Récemment, des scientifiques ont même comparé ses coulées à celles des cétacés. Mais pourquoi, en fait ?
Depuis deux ans, un homme terrorise les bassins de la planète tout entière. Deux médailles d’or aux championnats du monde de Budapest de 2022, trois l’année suivante aux Mondiaux japonais de Fukuoka, un record du 400 mètres quatre nages piqué à la légende Michael Phelps : Léon Marchand est le roi des piscines. Les Jeux olympiques de Paris ne sont que la scène à la mesure de son talent et il a d’ailleurs répondu à l’appel : le Toulousain a déjà déclenché trois Marseillaise à La Défense Arena (400m quatre nages, 200m papillon et 200m brasse). Et s’il a encore toutes les raisons de croire à un nouveau succès sur 200m quatre nages ce vendredi, c’est parce qu’il se distingue du reste des nageurs par ses fantastiques coulées après les virages.
Un geste hautement technique qu’il avait étiré, sur la dernière longueur précédant son record mondial, à 14,77 mètres (la limite réglementaire est à quinze), là où Phelps s’arrêtait souvent à sept. Après 400 mètres et huit coulées, le service optimisation de la performance de la Fédération française de natation a ainsi calculé que le Français avait parcouru 100,61 mètres immergé, pour un gain total de 2’4’’. Car on estime que les nageurs vont 20% plus vite lorsqu’ils se dandinent sous l’eau. « La force de Léon Marchand, c’est qu’il arrive à utiliser la vague qu’il crée pour se repropulser, à la manière du dauphin », avançait Amandine Aftalion, chercheuse au CNRS, dans un article pour Sciences et Avenir. Éric Demay, spécialiste des cétacés, dont les dauphins et les orques font partie, cède devant l’argument technique mais nuance : « C’est moins fluide, quand même, mais c’est normal : chez les dauphins, la colonne vertébrale va jusqu’au bout, alors que chez l’homme, elle s’arrête à la moitié ».
Autre nuance majeure : « Ils n’ont pas de bras ! » remarque le président de l’ONG Tursiops. Équipés de nageoires pectorales et d’une dorsale, qui agissent respectivement comme « un guidon pour un vélo » et « une quille pour un navire », les cétacés sont plus qu’efficaces sous l’eau, puisque carrément dessinés pour atteindre les 35 km/h. L’humain ne peut pas rivaliser… ou presque. « Il y a une maladie très rare qui fait que les enfants naissent avec les deux pieds soudés. Ça leur fait comme une queue de dauphin. Eux, ils ressemblent plus à un cétacé », explique Éric Demay, faisant référence à la sirénomélie, ou syndrome de la sirène. La seule similitude entre les deux espèces serait donc d’ordre esthétique. « Un nageur va faire en sorte d’être le plus longiligne et aérodynamique possible, mais c’est tout. La différence entre l’homme et le dauphin, c’est qu’il y en a quand même un qui travaille et l’autre qui n’a pas besoin de travailler. » Un peu comme Cristiano Ronaldo et Léo Messi, finalement. Et pour le scientifique, qui a déjà côtoyé la nageuse Malia Metella, médaillée d’argent sur 50 mètres nage libre aux JO d’Athènes en 2004, « le travail de précision pour être aérodynamique est impressionnant ». Marchand, sorti du club toulousain des Dauphins du TOEC, y semblait prédestiné. Et visiblement, pour l’or, c’est assez.
Par Léo Tourbe, pour SO 2024
Un article issu du magazine spécial SO 2024, toujours en kiosque.