- Rétro – Jeux Olympiques
JO 1996 : Aigles impériaux
Une nouvelle ère du tournoi olympique s'ouvre à Atlanta. Celle de la domination africaine. Le Nigeria de Kanu, Okocha et consorts l'emporte en proposant un football jouissif. Le Cameroun lui succèdera quatre ans plus tard.
Mario Zagallo a les mâchoires serrées. Le Brésil se voyait déjà en finale, mais la perspective de ramener un premier titre olympique au pays s’est évanouie au terme de vingt minutes cauchemardesques. Mené 3-1, jusqu’à l’aube du dernier quart d’heure, le Nigeria va refaire son retard, avant que Nwankwo Kanu inscrive le but de la mort subite (4-3) au début de prolongations qui ne dureront que quatre minutes. Le coach champion du monde 1994 n’en revient toujours pas :
« Cela fait longtemps que je dis qu’une équipe africaine peut gagner un tournoi majeur, mais sincèrement je ne pensais pas être en face ce jour-là » lâche t-il. Le Brésil qui avait amené l’artillerie lourde -un duo Ronaldo-Bebeto au sommet du temple auriverde, Aldair et Roberto Carlos à sa base, et Rivaldo sur le banc- a cédé face à la génération dorée du football nigérian.
Le frisson Kanu
La qualité du football proposé par les deux équipes pendant 94 minutes a été remarquable. Une orgie de jeu offensif, entre deux équipes rivalisant de virtuosité technique. Sur le deuxième but brésilien, Ronaldo fait ainsi valoir sa vitesse d’exécution sans égale, avant que Bebeto ne concrétise sa fulgurance. Et que dire de cette passe décisive de la poitrine effectuée par Juninho Paulista pour Flavio Conceiçao (3-1). Le Nigeria, qui a manqué un pénalty à la 55e, refuse toutefois de se résigner, et dévale le terrain à une vitesse insensée, pour réduire la marque via Ikpeba (78e). À la 90e minute, Nwankwo Kanu va confirmer qu’il est l’un des footballeurs les plus excitants du moment, en se levant pour lui-même la balle à deux pas de la ligne de but, avant de pivoter pour exécuter Dida. Ce même Kanu mettra fin aux débats en frappant à nouveau à la 94e. Pour la première fois de son histoire, l’Afrique plaçait un représentant en finale des JO, où l’Argentine l’attendait.
Nigeria – Brésil : 4-3 (a-p) :
Hébergé dans la patrie qui rechignait à se convertir au football, ce tournoi olympique fut l’un des meilleurs de l’histoire. Il n’y a qu’à se fier à la qualité des effectifs. À l’instar du Brésil, l’Argentine n’avait ainsi pas lésiné sur la qualité. Ayala, Zanetti, Almeyda, Lopez (Claudio), Crespo, et Ortega, entre autres, avaient été mobilisés. L’Espagne, entraînée par Clemente, pouvait, elle, compter sur Raul, avec Morientes en soutien. La France, encadrée par Domenech, alignait Makelele, Pirès, Dacourt, et un Dhorasoo étincelant. Elle sera défaite en quarts par le Portugal (2-1 a.p). Enfin, la Squadra, qui sortira dès les poules, comptait pourtant sur une charnière Nesta-Cannavaro qui prospérera en sélection A.
Puissance physique
En finale, le Nigeria fait face à une Albiceleste qui semblait foncer sur l’or après un départ laborieux en phase de poules. En quarts, les Argentins avaient expédié l’Espagne (4-0), avant de disposer proprement du Portugal en demies (2-0). Comme l’Albiceleste, les Super Eagles ne s’étaient pas non plus montré souverain lors de la phase d’écrémage, où le Brésil les avaient d’ailleurs dominé (1-0). Surtout, la préparation du tournoi olympique s’était révélée chaotique pour le représentant africain. Pas payé pendant de long mois, le coach hollandais, Jo Bonfrère, avait menacé de quitter la navire, mais s’était accroché au gouvernail devant l’insistance de ses joueurs. Vainqueur de la CAN 1994, et huitième de finaliste de la Coupe du monde la même année, le Nigeria ne se laissait pas perturber par ces aléas, et se présentait confiant à Atlanta. À l’exception du gardien, Joesph Dosu, tous les sélectionnées jouaient en Europe. En 95, Kanu avait ainsi remporté la Ligue des champions avec l’Ajax, où Babangida, autre titulaire des Super Eagles, venait de signer. Le Nigeria formait une sélection redoutable, mais l’Argentine, comme le Brésil avant lui, ne pouvait s’imaginer défait par un pays au poids insignifiant dans l’histoire d’un sport où eux jouaient les premiers rôles.
Comme le Brésil, l’Argentine allait mener les débats avant de céder. Après seulement deux minutes, El Piojo Lopez ouvre le score d’une tête imparable. Repris à la 28e minute, les Argentins ne se démontent pas, et Crespo, co-meilleur buteur du tournoi en compagnie de Bebeto (six buts), inscrit un pénalty (50e). La puissance physique nigériane va toutefois progressivement étouffer une Albiceleste qui doit faire avec un Ortega diminué par une blessure à la cuisse. Modèle de spontanéité et de maîtrise technique, l’égalisation d’Amokachi (78e) va être suivie d’un coup de poignard donné par Amunike à la 90e, laissé en position licite par un Sensini à la traîne. L’émergent football africain concrétise aux JO les promesses entrevues lors des Coupe du monde (Algérie 82, Maroc 86, Cameroun 90, Nigeria 94). En 2000, le Nigeria ne parviendra pas à conserver son titre, mais le Cameroun d’Eto’o et M’Boma lui succède, après avoir sorti le Brésil en quarts, avant de disposer, en finale, de Espagne menée par Xavi Hernandez. Zagallo avait raison, bien malgré lui.
Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin