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JO 1936 : L’Italie fait taire la critique

Par Nicolas Kssis-Martov
JO 1936 : L’Italie fait taire la critique

Des JO de Berlin en 1936, le commun des mortels ne retient généralement que la honte olympique d'avoir béni le régime nazi d'Hitler, et bien sûr les exploits de Jesse Owens. Mais le tournoi de football se révéla aussi l'un des plus épiques, et pitoyables. Avec, en vedette, une sélection transalpine ambassadrice du fascisme dans le Reich qui devait durer mille ans, et qui fit tout son possible, voire plus, pour l'emporter. Et tout commença par un étrange match contre les États-Unis.

Il faut commencer par le début. S’il n’y a pas eu de fait de boycott officiel des Olympiades de la croix gammée (en France, seul Pierre Mendès-France vote contre la participation à l’Assemblée nationale, et les Olimpiada Popular de Barcelone n’ont pu se tenir en raison du coup de force franquiste), dans le foot en revanche, de nombreux pays décident de faire l’impasse sur la compétition en Allemagne, laissant tranquillement leurs joueurs au repos à la maison. Il faut en effet se souvenir que nous sommes alors dans une grande phase de redistribution des cartes au sein du petit monde du ballon rond.

« Le football n’est pas à proprement parler un sport olympique »

Car si le tournoi olympique, et son succès auprès du public, a originellement stimulé, au sein de la FIFA, l’idée, puis la création de la Coupe du monde, les deux éditions initiales qui se sont tenues en 1930 et 1934 ont changé la donne. Plus que jamais, en prenant la voie du professionnalisme, le soccer s’éloigne des certitudes toujours aussi aristocratiques qui animent encore un CIO dirigé par un aréopage de notables viscéralement réacs, issus principalement de la vieille Europe (cf. Florence Carpentier, Le CIO en crises. La présidence de Henri de Baillet-Latour, 1925-1940, L’Harmattan). Le déjà plus populaire des sports se retrouve de la sorte viré du programme à Los Angeles en 1932. Lassé de tant d’hypocrisie, pour le retour dans la grande famille coubertincienne quatre ans plus tard, de nombreux pays décident de ne pas envoyer d’équipe défendre leurs couleurs, et notamment, pour ce qui nous concerne au premier chef, la France. De toute façon, comme le constate avec un brin de malice le journaliste Maurice Pefferkorn dans le journal du 17 juin 1936, « le football n’est pas à proprement parler un sport olympique » . Pas de regret donc, et dans l’Hexagone en pleine turbulence politique après l’accession de Léon Blum aux affaires, on a bien d’autres choses en tête, sans oublier que certains goûtent enfin à leur premières vacances.

Surtout, dans l’Hexagone, beaucoup avancent comme argument principal que dans certaines délégations, telles que l’Italie ou le pays hôte, les similis « pros » se sont largement incrustés dans le onze type. De quoi déséquilibrer le combat de manière injuste et filer des boutons aux chroniqueurs sportifs : « Les footballeurs allemands sont loin d’être de véritables amateurs » , s’indigne toujours Maurice Pefferkorn, par ailleurs peu soupçonnable d’hostilité idéologique (il est un chroniqueur régulier dans les colonnes de l’hebdomadaire d’extrême droite Candide).

Le carton rouge fantôme

Toutefois, c’est surtout la team mussolinienne qui agace le plus. Les « Goliardi » comme ils sont désignés par la presse « officielle » (les « joyeux étudiants » , histoire de ne laisser planer aucun doute sur leur véritable statut « amateur » évidemment) – ressemble concrètement davantage à ce que seront plus tard les sélections espoirs qu’à un panel de bénévoles du « Dopo Lavoro » (l’organisation de loisirs « pour tous » créée par les fascistes). La plupart sont de facto déjà titulaires dans les grandes équipes du championnat. Quatre d’entre eux gagneront même à cette occasion un poste en A et ajouteront à la médaille d’or un titre de champion du monde à Colombes deux ans plus tard (pour ne pas les citer, Alfredo Foni et Pietro Ravade de la Juventus et les piliers de la défense, Ugo Locatelli de l’Inter et Sergio Bertoni de Pise).

Résultat, les nations présentes offrent un panel assez surprenant du foot mondial de l’époque, avec par exemple le Japon, qui s’offrira le luxe d’éliminer la Suède au premier tour (avant d’être atomisé 8 à 0 par les Italiens), et même la Chine (battue par une Grande-Bretagne qui délaissait pour une fois son superbe isolement d’alors). Beaucoup espèrent briller en profitant du vide laissé par les « gros » absents. Les États-Unis en sont, et ils retrouvent donc les jeunes « étudiants » transalpins, comme nous l’avons dit, grands favoris pour qui n’est pas obnubilé par une sélection allemande montée en épingle par le Troisième Reich (et qui sera battue par la Norvège devant 80 00 spectateurs et Goebbles himself). Le match est hâché et très dur devant à peine 9000 courageux venus observer une confrontation normalement pliée d’avance en ce beau 3 août 1936. Toutefois, les Italiens s’avèrent à la peine. Ils multiplient les fautes sous l’indulgent arbitrage de l’Allemand Carl Weingartner. Les Américains y laissent d’ailleurs deux joueurs sur le carreau. Bill Fiedler – qui était déjà aligné sous la bannière étoilée contre les mêmes adversaires en 1934 lors de la Coupe du monde, pour une mémorable humiliation 7-1 – est sérieusement touché au genou par Achille Piccini, entraînant une rupture des ligaments croisés. La faute est suffisamment sérieuse et patente pour que l’homme en noir soit contraint de siffler l’exclusion. Du moins tente de le faire. Les coéquipiers du joueur de la Fiorentina se jettent sur lui, posent leur main sur la bouche pour l’empêcher de siffler. La suite est confuse, mais Piccini reste bien sur le terrain, même si les tables de la FIFA le signalent expulsé.

Les Américains auront beau se plaindre, rien n’y fera. La suite sera tout aussi chaotique pour le tournoi, avec notamment l’épisode resté fameux du quart de finale Pérou-Autriche. Les Sud-Américains réalisent l’exploit, porté par leur buteur Alejandro Villanueva, d’éliminer une wunder team dont Jacques de Rsywick affirmait dans les colonnes de Paris soir qu’elle proposait le plus « beau jeu » … Cet inespéré succès leur sera volé à la suite d’une réclamation des perdants, s’appuyant sur l’invasion par quelques supporters andins du terrain une minute avant la fin réglementaire. On se remémorera aussi que les joueurs autrichiens se plaindront dans la presse teutonne du manque de soutien du public local qui avait plutôt soutenu leurs adversaires au détriment de la solidarité « germanique » . L’Anschluss vient de loin…

L’Autriche retrouvera ensuite l’Italie en finale, opposant donc deux grandes formations empreintes de l’esprit olympique. Dans un stade olympique rempli de 85 000 personnes qui s’attendaient sûrement à venir supporter plutôt une « Mannschaft » du cru, les Autrichiens semblent confirmer les prédictions du journaliste français Jacques de Ryswick qui, pour Paris Soir, s’inquiétait à l’avance de la triste capacité de ces excellents techniciens à « perdre la tête » quand l’opposition se manifestait trop forte ou rude. Lors de cette rencontre où, selon les mots du Figaro du lendemain, « la lutte fut serrée et quelque peu heurtée parfois, surtout en seconde mi-temps » , les Italiens arrachent l’or olympique d’un laborieux 2 à 1 après la prolongation. Après tout, l’important, c’est de participer… à la victoire du fascisme !

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