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Jimmy, un an de deuil et de soubresauts
Alors que Deportivo La Corogne et Atlético de Madrid flambent en ce début de saison, l'aspect sportif se retrouve au second plan pour leurs retrouvailles. Présent dans toutes les têtes, l'assassinat de Jimmy, feu membre des Riazor Blues, n'en finit plus de défrayer la chronique.
L’air de rien, les joggeurs et les cyclistes en reprennent possession. Même un playground de basket vient se greffer à la récente pinède. Loin des klaxons et du tumulte du centre ville, les rives du Manzanares offrent ainsi une certaine quiétude aux Madrilènes en quête de calme. Il y a de ça un peu moins d’un an, le climat varie du tout au tout. Accolées au Vicente-Calderón, les berges de cet affluent du Tage accueillent alors quelques ultras galiciens, en goguette avant d’assister au déplacement de leur Deportivo La Corogne. Au fait de ce rassemblement des Riazor Blues, certains énergumènes du Frente Atlético décident de venir leur souhaiter la bienvenue. Armés de pieds de biche, de couteaux ou de barres de fer, ils foncent dans le tas sans prévenir. Une heure de combat de rue plus tard, la mort pointe le bout de son nez. Jimmy, abuelo des ultras visiteurs, décède dans le camion du SAMU qui le conduit à l’hôpital. Un an après cet assassinat, les zones d’ombre restent nombreuses et les suspects relâchés dans la nature. De quoi faire passer l’aspect sportif de ces retrouvailles entre Blanquiazules et Colchoneros au second rang. Voire au troisième.
Un vice de procédure en guise de condamnation
« Nous sommes ici pour demander que justice soit rendue à Jimmy. Aujourd’hui, personne n’est inculpé pour cet assassinat. » Pablo Sánchez peut s’égosiller devant le tribunal de La Corogne, seul le silence lui offre une réponse. Membre de l’association « Jimmy Sempre con Nós » – « Jimmy, toujours avec nous » , en VF -, il milite depuis le 30 novembre 2014 pour que les assassins de cet ancien ultra galicien croupissent en prison. Un combat vain, à en croire les dernières décisions de la justice espagnole. Car après de nombreux mois d’enquête, et l’interpellation et l’incarcération des quatre meurtriers présumés, le juge d’instruction numéro 20 de la Plaza de Castilla décide, lundi dernier, de les remettre en liberté. La raison avancée, un vice de procédure : une erreur lors de l’identification de la dépouille de Francisco Javier Romero Taboada met à mal les efforts des enquêteurs et le combat des proches du défunt. Cette décision inquiète et révolte, d’autant plus que les quatre suspects ont été reconnus par plusieurs témoins, que des caméras de surveillance ont filmé l’agression et que des échanges téléphoniques entre les agresseurs ont été interceptés.
Des zones d’ombre, l’enquête en regorge. Comme le pointe du doigt Pablo Sánchez : « Ils ont utilisé jusqu’à quatre juges pour cette affaire. Ce dernier est des leurs(du côté du Frente, ndlr), il a réussi à les mettre en liberté contre l’avis de la police et de la LFP. En revanche, six membres des Riazor Blues sont sous le coup d’une peine de prison sans caution pour des délits de désordre public. » Une décision qui fait jaser, d’autant plus que cette matinée du 30 novembre 2014 a toutes les caractéristiques d’un piège tendu aux ultras galiciens plus que d’une bataille rangée entre les deux groupes. « Tout cela est politique, accuse ce même membre de l’association « Jimmy Sempre con Nós » . L’extrême droite peut faire ce qu’elle veut. La violence grandit d’une manière exorbitante en Espagne parce que certains se rendent compte qu’ils seront impunis même s’ils agressent des gens qui ne partagent pas leur idéologie. » Une théorie qui a ses partisans. En sus du Frente, les trois groupes ultras qui ont subi les foudres des instances policières sont les Bukaneros du Rayo, les Riazor Blues du Depor et les Biris du FC Séville. Trois groupes aux convictions très à gauche…
Quand les clubs naviguent seuls
Ce scandale met également en lumière les paradoxes de la lutte anti-violence, pour ne pas dire anti-ultra, des autorités publiques et sportives espagnoles. Un drame, forcément instrumentalisé, qui a poussé l’Atlético de Madrid à sortir de son enceinte les membres actifs du Frente Atlético. Ce groupe, qui ne cache pas ses convictions franquistes et qui n’en est pas à son premier assassinat – en 1998, Aitor Zabaleta, aficionado de la Real Sociedad, avait été poignardé en plein cœur par un skinhead du Frente aux abords du Calderón -, n’en demeure pas moins actif. Pour preuve, il a grandement contribué au financement de la défense des quatre suspects… Pour le reste, les mesures prises par la LFP prêtent à sourire. Son combat contre la violence dans les stades se limite, pour le moment, à des amendes infligées en cas de chant offensant raisonnant dans les enceintes de Liga. Le fond du problème, lui, reste bien présent. Car ce combat se limite à des actions propres au club. Ainsi, lorsque le FC Barcelone et le Real Madrid éjectent, respectivement, les Boixos Noi et les Ultras Sur de leurs enceintes, ils ne s’appuient que sur leurs propres volontés. Bien peu, trop peu pour vaincre le fléau de la violence autour du football.
Par Robin Delorme, à Madrid