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Jimmy kiffe
Assez loin du destin qui lui était prédit au début de sa carrière, Jimmy Briand s'éclate depuis trois saisons à Guingamp. Et si le parcours de l'ancien Lyonnais était finalement un modèle ?
Il y a dix ans, un PSG aux comptes un peu moins fournis qu’aujourd’hui tentait d’arracher Jimmy Briand au Stade rennais pour une somme avoisinant les neuf millions d’euros. La réponse des dirigeants bretons, négative, fut sans appel. Au grand dam du Vitriot. Il y eut ensuite l’équipe de France. Cette terrible blessure à l’entraînement sur une pelouse de Clairefontaine où il avait appris l’exigence et connu la sélection dès son adolescence. Cette signature presque tardive dans un gros club, l’Olympique lyonnais, en 2010. Depuis, la carrière de l’ancien de La Piverdière a pris des chemins moins éclairés, d’Hanovre aux Côtes d’Armor. Mais elle a aussi pris des couleurs.
Clutch
« Le sport, c’est ce que tu as fait, pas ce que tu aurais pu faire » , confiait-il joliment à Libérationen décembre 2016, visiblement épanoui et satisfait de son œuvre accomplie. On peut le comprendre, car les souvenirs surpassent toujours les rêves. Et il s’en est créé quelques-uns. Sa recette ? Aller au bout des efforts, toujours. Parfois, ils n’ont pas été récompensés. C’est la dure loi du labeur qui s’incline souvent devant le talent insolent des plus forts. Mais lorsque le relâchement coupable des autres a pointé le bout de son nez, il a souvent répondu présent pour en profiter et combler les supporters quand eux-mêmes renonçaient à y croire. Comme avec ce but de la tête à Geoffroy-Guichard au bout du temps additionnel en 2013.
Ce n’était qu’un derby parmi d’autres, mais on lui en parle encore. Constamment baladé de l’aile droite à l’axe, il n’en a pas marqué tant que ça, des buts (plus de cent, tout de même). Mais il a su les rendre importants. C’est ainsi que durant toute sa carrière, et cette saison encore, il s’est mué en héros des derniers instants. Sur ses neufs buts inscrits lors de l’exercice 2017/2018, cinq l’ont été au-delà de la 85e minute. Et deux parmi ces derniers ont offert des points à son équipe. De quoi s’entrouvrir chaque jour un peu plus les portes du cœur des supporters. Mais aussi celles de la petite histoire. Parce que Jimmy Briand pointe désormais à un but de Stéphane Carnot, meilleur buteur de l’histoire de l’En Avant de Guingamp en Ligue 1 avec 29 réalisations.
Roi des soldats
« Ce qu’on m’a le plus demandé en formation : « Courir mieux. » J’ai toujours aimé courir partout, à droite, à gauche, revenir défendre(…)Moins de course, c’est aussi plus de lucidité pour terminer les actions, c’est-à-dire plus de buts. Il y a donc un dilemme. Plus tu cours, plus tu œuvres dans le sens de l’équipe, mais moins tu brilles individuellement. Peut-être aurait-il fallu que je sois plus individualiste pour aller plus haut. En même temps, je sais que cette générosité a toujours été identifiée et appréciée par les entraîneurs que j’ai croisés » , expliquait-il, toujours à Libération. Kombouaré n’est pas là pour démentir la réalité : « Vous partez à la guerre, c’est le premier soldat que vous emmenez. » Pour gagner les batailles, l’ancien Rennais a bien appris à courir mieux, sans courir moins, écoutant les conseils autant qu’il s’écoute lui-même pour ne pas trahir sa nature profonde.
Ses adversaires ont d’ailleurs parfois du mal à le suivre, comme l’attestent les 88 fautes qu’il a subies cette saison. Total le plus élevé en Ligue 1 derrière Neymar et Fekir. Et s’il aime cavaler, il sait aussi se montrer généreux à l’arrêt. La preuve sur le troisième but guingampais le week-end dernier face à Monaco au Roudourou : les éclats de voix saluaient le plat du pied enroulé de Marcus Thuram, les mains s’entrechoquaient pour féliciter le crochet de Benezet, mais les yeux brillaient pour Jimmy, qui en laissant filer la chique entre ses jambes a dit merde aux statistiques et oui au football. Qu’on se le dise : Briand, c’est le football qu’on aime, autant qu’on aime les esthètes un peu douillets et les brutasses la bave aux lèvres dont les destins se croisent sur les terrains chaque semaine. Jimmy n’est peut-être pas le plus grand, mais on l’aime à sa mesure. Et on l’aime à Guingamp.
Par Chris Diamantaire