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Jimmy Greaves, la mort du Chevalier blanc…
On gardera pour toujours l’image du grand avant-centre au maillot immaculé de Tottenham et des Three Lions. Buteur d’exception au record toujours inégalé de 356 buts en Premier League, inscrits pour les Spurs, mais aussi Chelsea et West Ham, le grand Jimmy Greaves s’est éteint dimanche à 81 ans. Retour sur la carrière en ombre et lumière de Gentleman Jimmy...
Soudain, John Lennon aperçoit Jimmy Greaves dans le public du London Palladium. John stoppe net le concert des Beatles, ce 14 janvier 1964, pour faire applaudir Jimmy, la star du Tottenham Hotspur ! À 24 ans, « Greavsie » est un buteur prolifique, meilleur buteur du championnat avec Chelsea en 1959 (33 buts) et en 1961 (43 buts), puis avec Tottenham en 1963 (37 buts). Chez les Spurs, il a gagné la FA Cup 1962 et planté un doublé lors de la finale de la Coupe des vainqueurs de coupes 1963 contre l’Atlético de Madrid (5-1). Le premier trophée européen du foot anglais. Jimmy gaze tout aussi bien chez les Three Lions avec déjà 30 buts en 34 sélections !
Face à l’immense Lev Yachin
Le rendez-vous manqué de Wembley 1966
Seul accroc à sa lumineuse carrière : son bref passage au Milan d’une demi-saison en 1961, vendu contre son gré par le président de Chelsea pour remplir les caisses des Blues. Malgré ce transfert prestigieux qui avait fait de Jimmy l’un des pionniers parmi les grands joueurs anglais partis à l’étranger, son échec raconte aussi sa lose légendaire. Rapatrié en décembre 1961 à Tottenham pour 99 999 livres sterling, histoire de ne pas lui mettre la pression en tant que premier joueur du football anglais à atteindre les 100 000 livres de transfert, il ne sera pas de cette équipe de l’AC Milan championne d’Italie 1962, puis vainqueur de la C1 l’année suivante. À coups de doublés et de hat tricks en pagaille, Jimmy finit encore meilleur buteur de Division One (ancêtre de la Premier League) en 1964 (35 buts) et en 1965 (29 buts).
Au moment de la Coupe du monde 1966, à la maison, il est passé à 47 buts en 51 sélections ! Au printemps 1966, l’avant-centre des Lilywhites, qui avait été de l’aventure au Mundial chilien de 1962 (quart de finale perdu face au Brésil), est au top de sa forme, motivé comme jamais. Le sélectionneur Alf Ramsey l’aligne donc pour les trois premiers matchs du Mondial à la pointe de l’attaque où il brille aux côtés de son compère Roger Hunt (Liverpool). Mais après les matchs contre l’Uruguay et le Mexique, Jimmy est salement blessé contre la France par « the old damned Frenchy » Joseph Bonnel : 14 points de suture et mise à l’écart des Three Lions. Le Hammer Geoff Hurst prend sa place et marque contre l’Argentine en quarts (1-0)…
Après la victoire anglaise contre le Portugal en demies (2-1), Greavsie est opérationnel pour la finale à Wembley contre la RFA. Mais Ramsey préfère aligner Hurst. Bonne pioche ! Geoff plante un triplé et offre la première et unique Jules-Rimet à l’Angleterre (4-2, a.p). Jimmy est ailleurs : « J’ai dansé autour du terrain avec les gars, mais même lors de ce moment de triomphe, j’ai senti le vide de ma profonde tristesse. Tout au long de ces années passées en tant que footballeur pro, j’avais rêvé de disputer une finale de Coupe du monde. J’avais raté le match de toute une vie et ça me faisait mal », écrira-t-il plus tard. Et comme seuls les onze joueurs finalistes recevaient une jolie médaille de vainqueur, Jimmy (ainsi que les autres remplaçants) repartit les mains vides, s’envolant illico en vacances à Majorque pour oublier la terrible déconvenue. Sorte de Gerd Müller tout aussi prolifique, mais malheureux, Jimmy Greaves continuera toutefois de planter des buts par wagons avec Tottenham (vainqueur à nouveau de la FA Cup 1967), jusqu’en 1970, puis avec West Ham (1970-71) où il retrouvera… Geoff Hurst !
« Finis en marquant comme Jimmy Greaves ! »
Greaves stoppe sa carrière en atteignant un total encore inégalé de 356 buts en première division anglaise. Avec les Three Lions, il a fini à 44 buts (dont six hat tricks) en 57 sélections, restant à ce jour le quatrième meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Mais si on a souvent parlé de ses stats fabuleuses, il aurait fallu préciser plus souvent que Jimmy Greaves était un attaquant magnifique, aussi fin techniquement que puissant à la finition pour un gabarit moyen (1,73m, comme Der Bomber). Son jeu mêlait la fougue combative british(dans son jeu de tête ravageur) et la touche artistique latine illustrée par la virtuosité de parfait ambidextre au pied gauche puissant et subtil, dévastateur dans les frappes lointaines et ensorceleuses dans ses dribbles déroutants. Jimmy Greaves restera le maître-étalon de l’excellence anglaise, synthétisant le meilleur de Kevin Keegan, Ray Kennedy, Paul Gascoigne, David Platt, Gary Lineker ( « Jimmy a été le plus grand avant-centre de l’histoire de ce pays », a-t-il tweeté), Harry Kane ou David Beckham (Jimmy était aussi un bon tireur de coups francs). Dimanche, c’est l’ennemi gunner Ian Wright qui a rendu un bel hommage à son modèle de jeunesse : « Le premier nom de footballeur que j’ai entendu de mon formateur, c’était :« Non Ian ! Finis l’action en marquant comme Jimmy Greaves ! »Qu’il repose en paix. »
Le meilleur buteur de l’histoire de Tottenham (266 pions) qui célébrait ses buts le bras gauche tendu vers le ciel avait vaincu un alcoolisme post-carrière qui lui avait « volé cinq années de sa vie » (sic) entre 1972 et 1977 : « Quand je vois George Best ou Paul Gascoigne, je pense que c’est le manque de pression qui nous a été fatal, selon ses propos rapportés par Vincent Duluc dans L’Équipe. C’est le foot qui nous a manqué. Ce n’est pas la pression qui nous fait boire. C’est le vide. » Heureusement, Jimmy se refera la cerise en devenant consultant avisé et apprécié dans la presse écrite, au Sun, puis à la télé où il forma avec l’ancien Red de Liverpool, Ian Saint-John, le duo hyper populaire de l’émission du samedi à midi, Saint and Greavsie, célèbre show foot sur ITV.
Avant de décliner sérieusement après un terrible AVC en 2015 qui l’avait contraint au fauteuil roulant, Jimmy avait reçu des mains du Prime Minister Gordon Brown le 10 juin 2009 « sa » médaille de champion du monde. Justice lui était faite, tout comme l’hommage très gentleman de Geoff Hurst : « Greaves fut tout simplement le meilleur attaquant anglais. Il y a beaucoup de grands joueurs, mais les attaquants sont jugés sur les buts marqués, et là-dessus, personne n’a pu l’égaler. Quand vous entendez le mot génie, c’est ce terme qui définit le mieux Jimmy. »
Par Chérif Ghemmour