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Jimmy Banks, the Inside Man

Par Andrea Chazy
7 minutes
Jimmy Banks, the Inside Man

Décédé le 26 avril dernier des suites d’un cancer du pancréas, Jimmy Banks restera pour toujours dans l’histoire du football – ou soccer – américain comme l’un des deux premiers joueurs afro-américains à avoir disputé une Coupe du monde. Le tout en ayant passé la totalité de sa carrière dans le soccer indoor, sans avoir jamais joué un seul autre match officiel en extérieur que ceux disputés en Italie lors de l’édition 1990. Portrait d’un homme qui a préféré rester dans l’ombre.

Au bout du combiné, la voix de Desmond Armstrong est parfois enrouée. L’homme aux 81 sélections avec les Yanks inspire profondément, lâche même un petit rire nerveux au moment de parler pour la première fois au passé de celui qui a été son témoin de mariage. Cinq jours plus tôt, Armstrong apprenait comme tout le monde la terrible nouvelle : Jimmy Banks n’est plus de ce monde. « Ces dernières années, Jimmy était beaucoup plus renfermé et ne voulait rien dire de son état de santé. J’ai réussi à avoir des nouvelles pendant un temps via l’un de ses fils, mais il ne voulait rien dire à personne. Il ne répondait pas à mes appels. Ce n’est que plus tard que j’ai su qu’il avait demandé à ses fils de me tenir à l’écart. Et de me dire, le moment venu, qu’il m’aimait. Oui, ok, mais j’aurais moi aussi voulu lui dire ! » Lui dire tout ça avant que le cancer ne l’emporte à Milwaukee, ville qui l’a vu naître le 2 septembre 1964 et que Banks n’a jamais quittée. Même aujourd’hui.

Inside man

James Banks tape dans ses premiers ballons ronds à l’âge de six ans, en 1970. Une anomalie aux États-Unis, rendue possible grâce à un programme de l’Armée du salut : sortir les gamins des quartiers pour les emmener vers les banlieues, là où le soccer prend racine. Dans sa ville natale, au cœur du Wisconsin, « J » intègre à l’adolescence l’équipe des Milwaukee Barbarians de la Custer High School. Un établissement lambda, qui porte aujourd’hui le nom de Barack Obama. À quinze ans, Banks dispute pour la première fois le « National Sports Festival » , événement sportif interdisciplinaire qui rassemble les meilleurs jeunes du pays.

Quatre sélections s’affrontent : celles du Nord (dont il fait partie), du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Un moment que Desmond Armstrong n’oubliera jamais : « Il jouait pour le Nord, moi pour l’Est. On s’est tout de suite remarqué, car c’était le seul Noir de son équipe, et moi le seul de la mienne. À la fin de l’événement, il est venu me voir pour échanger sa veste avec la mienne. Et on se voyait comme ça, chaque année. »

Faire de l’argent pour la famille

Comme Armstrong et la plupart des meilleurs joueurs américains de l’époque, Jimmy Banks doit se tourner vers le football indoor, la seule ligue professionnelle aux États-Unis encore debout (à la suite de l’effondrement de la North American Soccer Ligue en 1984), pour gagner sa vie après avoir obtenu son diplôme. Une situation pas forcément facile à vivre à en croire Armstrong, son coloc’ en sélection : « Banks était un super mec, un peu timide et qui s’est rangé très vite. Il a rencontré la femme de sa vie à l’université, ils ont eu un enfant très tôt. Dans sa tête, il avait alors un objectif simple : faire de l’argent pour prendre soin de sa femme et de son enfant. »

Un cas de figure que ses coéquipiers, plus insouciants, n’avaient pas forcément pris en compte : « Il se mettait beaucoup de pression, et on ne le percevait pas toujours. Lorsqu’on était avec l’équipe, il était joyeux. Lorsqu’on allait manger, il était joyeux. Mais dès qu’on rentrait au dortoir, il partait se coucher. Une running-joke est alors née dans l’équipe, tout le monde disait : « À chaque fois qu’on vient dans votre dortoir, Jim dort. En fait, Jim est un vampire ! » Il avait tout le temps la couette sur lui ! On en rigolait à l’époque, mais il y a une triste histoire derrière tout ça. On en a parlé des années plus tard. Et un jour, il m’a dit :  » Desmond, tu veux savoir pourquoi je dormais tout le temps ? Eh bien, c’est parce que j’étais dépressif. » »

De NWA à Eddy Murphy

Qu’il fût un vampire ou bel et bien dépressif, Banks n’extériorise rien et finit par s’installer définitivement en équipe nationale le 5 février 1986 à l’occasion d’un amical face au Canada (0-0). Au point de faire partie des chanceux qui s’envolent pour l’Italie lors de la Coupe du monde 1990, quarante ans après la dernière participation de la sélection américaine. Quelques mois avant de rallier le Vieux Continent, Banks, Armstrong et les autres se retrouvent sur une plage non loin de Beverly Hills pour enregistrer le clip de la chanson américaine pour le Mondial. De trois mois tout pile son cadet, Desmond Armstrong, que Banks aimait appeler « Stedman » en référence à l’ancienne conquête d’Oprah Winfrey, se rappelle très bien du froid qu’il fait ce jour-là.

Mais pas seulement : « Les producteurs voulaient utiliser le rap pour faire notre promotion, pour nous mettre en valeur. Ça n’a pas été un gros carton, pour être franc. On dansait sur la plage avec J et les autres, et ça me rappelle d’ailleurs une fois où l’on était en Yougoslavie. À Zagreb, dans un jardin public, quelqu’un avait mis du rap et Jimmy m’avait alors balancé : « Hey Daisy, allons leur montrer. » Il essayait de m’apprendre le pas qu’on le voit faire dans la vidéo de la plage. Là-bas, les gens nous ont pris pour des danseurs de rue et commençaient à nous donner de l’argent. On était là :« Mais putain, on est pas danseurs ! » (Rires.) Bon, il faut dire qu’on y ressemblait un peu avec notre touffe de cheveux et notre moustache. À ce moment-là, tous les Noirs voulaient ressembler à Eddy Murphy ! »

Pour l’éternité

Banks est alors totalement intégré dans un collectif uni, et le gamin de Milwaukee passe ses journées à parler de NWA, Too $hort ou encore 2Pac avec Mike Windischmann, capitaine de la sélection qui a passé ses plus jeunes années sur les bancs de l’école avec Chuck D de Public Enemy. L’ambiance est alors bon enfant, mais celle-ci va rapidement se tendre à quelques semaines de l’échéance. Pas seulement à cause de la pression : pour être sûr d’être payé avant de rallier la Botte, l’ensemble du groupe américain refuse à l’unanimité de signer le contrat proposé par la Fédération américaine qui leur permet d’aller à la Coupe du monde avant d’avoir reçu la promesse de salaire.

C’est là que l’agent d’Armstrong et de Banks entre en scène : « Il m’avait dit :« Tu viens de te péter la jambe, tu n’es pas sûr d’aller à la Coupe du monde, signe le contrat pour être sûr d’en être. Jimmy doit faire pareil, il a une femme et un enfant. Vous êtes les deux Noirs de l’équipe, ça ne les dérangera pas de vous virer avant d’y aller. » J’ai signé, Jimmy aussi. Et du coup, nos coéquipiers nous ont regardés et nous ont dit : « Mais vous êtes des traîtres, en fait. » Ils étaient obligés de signer eux aussi, pour être sûrs d’aller à la Coupe du monde. » Dans le tumulte, le rêve des deux amis se réalise enfin : jouer un Mondial et ainsi devenir les premiers Afro-Américains de l’histoire à disputer cette compétition.

Des attaquants ? OK, mais derrière

C’est du banc que Banks assiste à la première rencontre du tournoi, une déroute pour les États-Unis face à la Tchécoslovaquie de Skuhravý (1-5). Une claque qui va lui être profitable puisqu’il commence le match suivant comme défenseur gauche face au pays hôte, l’Italie. « Il a eu un match compliqué car il devait marquer Donadoni, qui était un joueur extraordinaire. Et puis, il faut dire que défenseur n’est pas son poste de prédilection, explique Armstrong. Pour la Coupe du monde, Jimmy jouait latéral gauche et moi défenseur central, alors qu’en réalité, il jouait comme ailier gauche et moi attaquant ! C’est le sélectionneur qui, en 1989, a décidé de nous replacer, car nous étions rapides et athlétiques, alors personne ne pouvait nous passer selon lui. Nous étions juste devant un libéro, lui à gauche et moi à droite(les US jouaient en 3-5-2, N.D.L.R.). C’était fou, mais on est allés au Mondial comme ça, Dieu merci ! »

La dernière rencontre, elle aussi, se solde par une défaite face à l’Autriche (1-2). Notamment à cause d’une mésentente entre les deux hommes sur l’ouverture du score d’Andreas Ogris. Contrairement aux autres, Banks ne profite pas de la petite notoriété post-Coupe du monde et met rapidement un terme à sa carrière internationale avec 36 capes au compteur. Il devient vite, en 1999, le coach de l’équipe universitaire de la Milwaukee School of Engineering. Un poste qu’il a occupé jusqu’à ce que son âme soit emportée par la maladie à 54 ans seulement. Trop tôt pour tous ses proches, trop tard pour l’empêcher d’avoir marqué à jamais l’histoire du football sur ses terres.

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Par Andrea Chazy

Propos de DA recueillis par AC

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