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Jimmy Adjovi-Boco : « Basile Boli voulait me découper »

Par Yannick Lefrère
5 minutes
Jimmy Adjovi-Boco : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Basile Boli voulait me découper<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

C'est ça, la légende de Jimmy. Une action de ouf contre le grand OM, un soir de février 92, dans un stade Bollaert plein à craquer : 49 812 spectateurs, record d'affluence jamais battu. Une chevauchée fantastique de 80 mètres du latéral gauche, gravée à jamais dans la mémoire des supporters lensois. La vidéo de cette action compte près de 10 000 vues sur YouTube. Et le rasta sang et or avoue se la repasser encore de temps en temps, 23 ans après.

« Une action comme ça, dans un match normal, jamais je ne la fais. » 23 ans ont beau s’être écoulés depuis, Jimmy Adjovi-Boco n’a pas oublié un détail de cette action. Et pour cause, ce Lens-OM n’avait rien d’un match anodin : « Dans les vestiaires, les murs tremblaient, se souvient Jimmy, tellement les gens étaient survoltés. À l’échauffement, c’était déjà de la folie. C’était très chaud, mais vraiment bon enfant. Chris Waddle amusait les supporters du kop. » Si bien que les promus sang et or n’ont pas eu peur de la dream team olympienne emmenée par Raymond la science. « Là, on s’est dit qu’on n’allait pas jouer un match comme les autres. On venait de monter, mais notre équipe faisait déjà peur. Avec des guerriers comme Sikora, Wallemme, Arsène, Slater, Laigle, on était capables de marcher sur n’importe quel adversaire. » Modeste, Jean-Marc Adjovi-Boco ne se cite pas. Et pourtant, c’est bien lui qui lance le premier les hostilités ce soir-là.

« J’attends toujours que Roger Boli vienne me remercier »

On joue la 5e minute à Bollaert. Sur son flanc gauche, le long du kop sang et or, le droitier récupère un ballon mal relancé par Angloma. La suite, c’est lui qui la raconte : « Mon contrôle de la poitrine me permet d’effacer Abedi Pelé. Puis j’accélère pour éliminer Deschamps et là, il y a une clameur et je me sens poussé par le kop. Je me dis qu’il faut que j’aille au bout. De toute façon, j’étais incapable de crocheter ou de dribbler. Alors je fonce, je passe Angloma et je vois Basile Boli arriver pour me découper. C’est vrai, il voulait me découper. On en rigole encore ensemble. Un jour, il m’a dit : « Si je n’avais pas été averti verbalement par l’arbitre sur un premier contact avec Laigle, je te découpais ». Or, il y va avec un peu de retenue. Et j’ai le petit 100e de seconde d’avance qui me permet de pousser le ballon et de sauter au-dessus de Basile. Après, je suis carbo. Je centre, à l’aveugle, du pied gauche. Et tout le monde connaissait la piètre qualité de mon pied gauche. On me vannait souvent là-dessus. Mais en fait, je ne pouvais pas mieux la mettre. Je vois Roger marquer et je tombe à la renverse, les bras presque en croix, j’étais mort. »

Pendant que Roger Boli fait l’avion au milieu de ses coéquipiers, trois d’entre eux vont relever et congratuler le passeur. « J’attends toujours que Roger vienne me remercier » , plaisante d’ailleurs encore Jimmy. Il retient aussi que cette action et ce but furent le déclic qui permit ensuite à Lens de renverser l’OM (2-1, Basile Boli 34e, Francis Gillot 59e) : « Il y a eu une espèce d’ivresse après ce but tellement ça gueulait dans les tribunes. Il nous a mis dans une confiance absolue. Il illustre à mes yeux toute la force de Lens et de son kop à l’époque. On n’était pas les meilleurs joueurs de la terre, mais dans l’engagement, l’impact physique et athlétique, aucune équipe ne nous résistait. Et à Lens, quand on donne autant au kop, il vous le rend encore plus. Ça décuple encore notre enthousiasme sur la pelouse, et après, ça devient impossible de gagner ici. C’est ça, pour moi, la magie de Bollaert. »

Fighting spirit et parcage

Pour Jimmy, cette « action extraordinaire d’un match extraordinaire pour un public extraordinaire » symbolise aussi la puissance et la vitesse qui furent ses deux principales caractéristiques de footballeur : « C’était difficile pour moi d’évoluer à gauche avec mon seul pied droit, reconnaît-il. Mais à droite, Siko était indéboulonnable. Une qualité de centre exceptionnelle. Je ne pouvais pas rivaliser. Alors, j’ai toujours compensé par mon engagement. » Le public de Bollaert adorait. Forcément. Un fighting spirit qui a même séduit outre-Manche : « Je n’ai joué qu’une saison chez les Hibernians, pour terminer ma carrière après six ans à Lens. Quinze ans après, j’y suis retourné pour une demi-finale de Coupe d’Écosse. Je suis allé dans le parcage réservé aux fans des Hibs. Je pensais passer inaperçu. Finalement, il y a quelques mecs qui me reconnaissent, me sautent dessus et lancent un chant à mon nom repris par toute la tribune. C’était touchant. »

Une reconnaissance qu’il ressent toujours aussi du côté de Bollaert. La saison dernière, Jimmy n’a pas hésité à passer le dernier match de la saison contre Brest – qui devait être celui de la montée en L1 – au beau milieu du kop sang et or avec ses « potes » Sikora, Queudrue, Hochard… « C’est ça le foot, s’exclame le cofondateur et directeur général de Diambars, aujourd’hui âgé de 51 ans. Du plaisir, de la joie, de l’amusement. Partager des trucs comme ça avec les supporters, c’est magique. J’ai eu la chance de passer six belles années dans un club qui a une âme, une histoire, des valeurs de travail, d’effort et de fraternité. Les joueurs qui comprennent ça sont aimés. Les autres commettent une grosse erreur. Et j’ai l’impression qu’on a perdu ça ces dernières années. »

Une autre anecdote sur JAB… Il n’a marqué aucun but de sa carrière en D1. En 1995-96, alors qu’il devait quitter Lens, ses coéquipiers le désignent tous pour tirer un penalty lors du dernier match à Bollaert contre Le Havre. « J’ai hésité 20 secondes, je ne voulais pas, et l’arbitre a dit » bon allez dépêchez-vous ». Du coup, j’y vais et je le rate. Il y avait Gervais Martel et Patrice Bergues (coach) qui avaient couru le long de la ligne de touche pour venir me congratuler sur le terrain si je marquais. » Il refait finalement une saison de plus à Lens et il est transféré aux Hibernians avant la saison du titre de 1998, laissant sa place à Yoann Lachor.
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