- Jeux paralympiques
Wojtek Czyz, la fierté de Jürgen Klopp
Parmi les belles histoires de Paris 2024, il y a cette amitié durable entre Jürgen Klopp et Wojtek Czyz, un para-badiste néo-zélandais que l’ancien coach de Liverpool est venu soutenir durant la compétition à l’Arena Porte de la Chapelle. Portrait d’un athlète surprenant et d’un lien amical aussi improbable que touchant.
Ce jeudi 29 août 2024, le Néo-Zélandais Wojtek Czyz participe à son premier match de para-badminton à Paris 2024, et son clan l’encourage dans les gradins de la porte de la Chapelle. Aux côtés de sa femme et de son fils, un visage bien connu du grand public, celui de Jürgen Klopp. Une image insolite, mais suffisante pour tenter de comprendre qui est l’athlète de 44 ans qui suscite l’admiration de l’un des plus célèbres coachs au monde. « On s’est rencontrés en 2001, nous raconte Wojtek Czyz, quadruple champion paralympique, depuis la terrasse du village paralympique, en retirant la prothèse de sa jambe. À l’époque, Jürgen se reconvertissait dans le coaching, à Mayence. Il avait lu un article à mon sujet et il voulait m’aider. » Aspirant footballeur, Wojtek Czyz a alors 21 ans, et dans ses mains, un exemplaire du premier contrat professionnel de sa vie, qu’il vient de signer avec le Fortuna Cologne, alors club de troisième division allemande. Impossible d’oublier la date du paraphe : « C’était le 11 septembre 2001. »
Une blessure, une amputation et une carrière de footeux brisée
Trois jours après, Wojtek Czyz joue une dernière fois avec son club amateur, un dernier adieu à son monde d’avant. Depuis des années, déjà, la trajectoire est toute tracée dans l’esprit du jeune homme, qui a débarqué en Allemagne, à 8 ans, à Kaiserslautern avec sa famille polonaise. « Même si ça horripilait mes parents, je préférais taper dans un ballon contre le mur plutôt qu’aller à l’école », rejoue-t-il. Mais à la veille de son premier match chez les pros, son rêve s’évanouit : le footballeur se blesse au genou et se retrouve privé du bas de sa jambe gauche, une amputation due, selon lui, à une erreur médicale : « J’ai souffert plusieurs mois, ce fut une partie très sombre de ma vie. »
Petit à petit, le personnel de son centre de rééducation le remobilise. Wojtek Czyz retrouve un léger sourire avec sa prothèse, jusqu’à ce déclic. « J’ai regardé un DVD de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Barcelone 1992, se souvient l’athlète. J’ai vu ces personnes invalides devenues des athlètes, ça m’a donné cet espoir dont j’avais besoin. » Deux entraînements d’athlétisme par jour, six fois par semaine, et durant près de 10 ans, l’Allemand multiplie les médailles dans les catégories T42 et F42, celles des amputés du membre inférieur. Au total, onze saisons, et sept médailles paralympiques entre les Jeux d’Athènes et de Londres, au sprint et au saut en longueur.
Des prothèses pour 90 personnes amputées
En 2013, Wojtek Czyz dit adieu aux stades pour un projet bien réfléchi avec sa femme, Elena Brambilla, ancienne perchiste italienne. Le couple dégote un catamaran, se forme à la navigation, à la mécanique d’un bateau, et sillonne le monde le monde pendant cinq ans : « Duránt ma carrière, j’ai croisé des sportifs privés de prothèse. On m’a bien aidé après mon amputation, donc j’ai voulu à mon tour filer un coup de main. » Au départ de l’Allemagne, direction Sainte-Lucie, les îles Grenadines, les Bahamas, les îles Galapagos, les Fidji… Le couple se rend dans des coins isolés et construit des prothèses pour des amputés. « C’était primordial pour eux de pouvoir de nouveau marcher et subvenir aux besoins de leur famille. » 90 personnes seront épaulées.
Alors qu’ils arrivent en Nouvelle-Zélande, les partenaires voient leur projet interrompu par le Covid-19 et décident de s’installer parmi les Kiwis. Mais l’insatiable Wojtek Czyz, devenu un local, recherche toujours un défi. « En 2021, un pote m’a dit que ça recrutait du côté du badminton », explique celui qui, toujours affûté, se lance dans le volant, et bat tous ses concurrents lors d’un stage national. À force d’entraînement et de tournois de qualification, le champion se qualifie pour Paris et qu’importe qu’il quitte la capitale sans victoire. « Être ici, c’est déjà énorme, car j’ai commencé cette discipline de zéro, assure le principal intéressé. L’occasion était surtout de montrer à tous les enfants de Nouvelle-Zélande, par mon exemple, ce qu’on peut faire avec de la motivation. »
« Pour ses 50 ans, Jürgen a suggéré de faire un don à mon association »
Au pays du rugby, Wojtek Czyz tâtonne encore le ballon rond quatre heures par semaine « pour le plaisir » avec Paul, son fils de 8 ans. Ses yeux s’illuminent lorsqu’il évoque ce match de gala à l’Allianz Arena en 2010, où il a notamment pu jouer aux côtés de Franck Ribéry. « Avec le streaming, je continue à regarder les matchs de la Bundesliga, même si je suis à 17 000 kilomètres. » Paris fut une belle occasion pour l’ancien manager du Borussia Dortmund de venir soutenir son pote. « Je ne pourrais pas être plus fier de lui », a lâché Klopp pendant la compétition face aux caméras impatientes.
« Avec Jürgen, on n’a pas besoin de se voir souvent pour rester proches, poursuit à notre micro Wojtek Czyz. On a tous les deux dédié nos vies à nos passions, et ça nous rapproche. » Quand le champion paralympique évoque son tour du monde, coach Klopp trouve tout le projet fou, mais le soutient vite : « Lorsqu’il a fêté ses 50 ans, il a demandé à son entourage de privilégier les dons à mon association plutôt que les cadeaux. » Jürgen Klopp n’est pas au bout de ses surprises, car l’éclectique Wojtek Czyz n’en a pas terminé avec les défis dingos. Son rêve ultime serait de devenir le premier navigateur amputé d’un membre inférieur à participer au Vendée Globe et il cherche d’ailleurs des financements. « C’est une des compétitions les plus difficiles, et pour moi, c’est le sommet du sport de haut niveau. Et surtout, très important, ça n’a jamais été fait. »
Par Assia Hamdi, à Paris