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JO : l’important n’est ni de gagner ni de participer
En déclarant qu’il serait réticent à libérer quatre internationaux français du Stade rennais en cas de convocation pour les Jeux olympiques, Florian Maurice a fait jaser, à quelques mois du début d’une compétition qui entend effacer l’humiliation de Tokyo 2020. Mais les sentiments patriotiques ont-ils encore voix au chapitre dans le football professionnel ?
Difficile de reprocher à Florian Maurice un manque de courage au moment d’aller au feu. Quelques jours après que le Real Madrid a annoncé à la FFF sa décision de ne pas libérer ses internationaux pour les Jeux olympiques – y compris Kylian Mbappé si ce dernier venait à y signer entre-temps –, le directeur sportif du Stade rennais a été le premier de Ligue 1 à déclarer ouvertement en conférence de presse qu’il n’entendait pas « déshabiller » les Rouge et Noir pour mieux habiller les Bleus. « Il faut comprendre aussi les clubs, c’est aussi difficile pour nous », a tenté de se justifier en conférence de presse celui qui avait pourtant défendu les couleurs tricolores lors des JO d’Atlanta en 1996. « Je crois qu’il y a un très très grand club qui a été très clair et très cash là-dessus, ajoute Maurice, sans citer nommément le Real. Évidemment, on fera du mieux possible pour pouvoir aider l’équipe de France. Mais il faut que les intérêts soient communs. » Une déclaration un peu tiède et qui n’aide pas à concrètement y voir plus clair sur la manière dont le SRFC pourrait aider Thierry Henry « du mieux possible ».
Jeux demain, jeux de vilains
Fort heureusement, Florian Maurice a tout le soutien de son entraîneur Julien Stéphan, lequel invoque le sacro-saint argument de la préparation/récupération pour justifier le fait qu’Adrien Truffert, Arnaud Kalimuendo et Désiré Doué resteront tout l’été sur les bords de la Vilaine, tout comme Benjamin Bourigeaud et Martin Terrier, potentiels jokers de plus de 23 ans sur les tablettes du sélectionneur olympique. Pour le technicien breton, le « rêve » que représente une olympiade, même à domicile, ne peut supplanter un certain « côté pragmatique », ainsi que « la défense de certains intérêts » : « La préparation va démarrer très tôt, mi-juin, ça impliquerait des vacances réduites et un risque pour la santé de certains joueurs lors des mois de septembre, octobre et novembre. Tout ça, ce sont des problématiques qui, pour un club, peuvent amener à la réflexion », analyse Stéphan, avant d’assurer à son tour que le Stade rennais cherchera « à avoir le meilleur consensus possible pour défendre les intérêts des uns et des autres ». Comment ? Là encore, on verra bien.
Selon les informations de L’Équipe de ce jeudi, seuls trois clubs de l’élite française (Toulouse, Montpellier et Lyon) se sont – pour l’instant – déclarés prêts à libérer leurs joueurs en cas de convocation pour le tournoi olympique, prévu du 24 juillet au 10 août prochain. C’est peu, et surtout, cela limite les possibilités pour Thierry Henry de composer un groupe réellement compétitif, surtout quand on porte sur les épaules le poids de faire oublier la déculottée reçue par les Bleuets à Tokyo, où l’aventure avait pris fin dès les phases de poules. De son côté, Florian Maurice ne se dit pas non plus favorable à l’idée d’imposer des quotas aux clubs : « Il faut comprendre que pour les clubs fournisseurs d’internationaux U23, ce n’est pas si simple que ça… » Dès lors, si rien n’est simple et si les clubs sont dans leur droit le plus strict en refusant de libérer des joueurs pour une compétition non inscrite au calendrier FIFA, à quoi bon la maintenir ? Du moins, chez les hommes, mais ceci est un autre débat.
Pour quelques dollars de plus
Une chose est sûre, s’il fallait le rappeler, l’argument de la fibre patriotique n’a plus voix au chapitre dans le football moderne. On pourrait s’en offusquer d’un point de vue moral et souligner l’exceptionnalité du fait de participer à des Jeux olympiques dans son propre pays, où toutes les forces en présence seront les bienvenues pour aider la France à atteindre son objectif de top 5 au classement des médailles. Mais ce point de vue qui pourrait encore paraître évident pour certains ne pèse pas bien lourd face à la réalité du haut niveau, que l’on se place sur le plan sportif ou dans un quelconque autre registre. La preuve, avec la récente décision de la fédération allemande de ne pas renouveler son partenariat vieux de 70 ans avec Adidas pour s’engager avec l’américain Nike à partir de 2027. Ce choix a provoqué un tollé jusque dans les plus hautes sphères politiques, notamment chez le ministre de l’Économie Robert Habeck, lequel aurait souhaité « davantage de patriotisme local » au moment de reconsidérer le deal. De l’autre côté du Rhin, c’est désormais la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra qui devrait être amenée à jouer les négociatrices pour que des clubs, qui s’évertuent à former et faire progresser des jeunes joueurs pour leurs propres performances, daignent laisser le pays jouir pendant 15 jours de leur talent. D’avance, merci.
Par Julien Duez