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Jeunes et jolis
Ce mardi soir, l'équipe de France a dégagé quelque chose de peu habituel : un brin de folie. Merci à la triplette Mbappé/Dembélé/Lemar, parfaitement gérée par Pogba, qui a montré à quel point la jeunesse était la plus belle chose au monde.
On est jeunes et… Chacun terminera cette phrase comme il le sent. « Et fous » pour les plus classiques, « et ambitieux » pour les plus Vitriots, « et cons » pour les amateurs de chanteurs torturés. Ce soir, la jeune garde des Bleus a été tout ça à la fois. Fous à chaque fois qu’ils ont touché le ballon. Ambitieux car ils ont montré qu’ils visaient autre chose que le rôle de doublure des tauliers de Deschamps. Et cons à certains moments, quand leurs pieds ne répondaient plus à leur cerveau et qu’ils ont vendangé quelques actions en voulant trop en faire, ou en allant trop vite. Mais dans l’ensemble, les minots ont fait un bien fou. Que dire, qu’ils ont rassuré ? Non. Rassurer, c’est le métier de Matuidi, de Sissoko, de Giroud. De toutes ces amulettes de DD qui ont plusieurs années de métier, et à qui le sélectionneur demande d’être sécurisants au-delà d’être brillants.
Mbappé, Dembélé, Lemar et Pogba ont fait bien mieux, ils ont tout bousculé. Parfois pour le pire, quand Lemar perd des ballons qui mènent à des situations dangereuses, ou que Dembélé se tape cinquante mètres de sprint seul sans lever la tête pour perdre la balle à l’entrée de la surface. Mais surtout pour le meilleur quand la patte gauche du numéro 27 de l’ASM est venue caresser des ballons délicieux, quand Mbappé a enchaîné les dribbles de vanneur de bac à sable, ou quand Dembélé envoyait des défenseurs anglais chez le prothésiste en un crochet. Alors oui, ce n’était pas toujours efficace, loin de là. Mais c’était toujours fou. Et ça, l’équipe de France avait oublié qu’elle était capable de l’être.
Rafraichissant
À la tête de la triplette Dembélé-Mbappé-Lemar indécente, voire déprimante de jeunesse, Paul Pogba fait presque office de vétéran. Acceptant son rôle du haut de ses vingt-quatre ans, la Pioche a été le chef d’orchestre parfait, le général, le chef de bande qui a tout chapeauté en distillant une passe aussi parfaite qu’intelligente par-ci, en envoyant un dribble aussi spectaculaire qu’utile par-là. Devant lui, les trois autres larrons n’avaient plus qu’à s’amuser, à nous amuser, et à rendre fous les joueurs de Sa Majesté. Dans un monde où l’on a tendance à se prendre au sérieux un peu rapidement, il existe peu de choses aussi rafraîchissantes que de voir Mbappé, un type de dix-huit ans avec une étiquette à neuf chiffres collée dans le dos, se régaler autant en enchaînant les mêmes gestes que s’il jouait avec un de ses neveux. Des crochets, des passes derrière le dos, des coups de rein, toute la panoplie du petit rigolo de service, mais devant 80 000 personnes.
Ce soir, les dédoublements entre lui et Dembélé puaient l’insouciance, l’absence d’inquiétude. Une façon de dire « même si on rate, et alors ? » Un football où les timorés n’ont pas leur place, qui a parfois fait bondir de leur chaise les rabat-joie. Effectivement, aucun des vieux briscards de Deschamps n’aurait foutu en l’air autant d’actions que Dembélé, parfois caricatural à force de ne pas réfléchir. Mais qui peut affirmer qu’après une percée de plusieurs dizaines de mètres, Sissoko prend toujours une meilleure décision que le jeunot de Dortmund ? Et sans les excellents Heaton et Butland, mais aussi sans un chouia de poisse, Mbappé aurait ouvert son compteur en Bleu ce soir. Mais que les anciens se rassurent, le grand Georges Clemenceau a pensé à les rassurer en affirmant : « Quand on est jeune, c’est pour la vie. » Espérons que ça soit vrai pour ces drôles de gosses en maillot bleu.
Par Alexandre Doskov, au Stade de France