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J’étais en France et j’ai fêté la victoire de l’Italie au Mondial 2006

Par Valentin Pauluzzi
J’étais en France et j’ai fêté la victoire de l’Italie au Mondial 2006

3,5 millions de ressortissants français possèdent au moins un ancêtre venant d’Italie. Une bonne partie a choisi de supporter la Nazionale plutôt que les Bleus, vivant ainsi une soirée agitée un certain 9 juillet 2006. Témoignages.

Chasse au Rital

« Nous sommes deux supporters de l’Italie dans un bar appelé La France et tenu par une Italienne, Giuseppina, dite La Pinucce, ça ne s’invente pas ! Beaucoup se connaissent, à l’égalisation de Matrix, on nous jette des paquets de clopes vides dans le dos, mais ça reste bon enfant. Or, la crispation s’intensifie au fil de la rencontre. Les comportements deviennent plus virulents. Arrive la balle de match pour Grosso, on est debout et on se prépare à sortir en vitesse pour exulter dehors… Bien nous en a pris, puisque le « Titi » du coin, vexé comme un pou, tient à tout prix à nous foutre sur la gueule… et nous course dans les rues environnantes. On se planque dans un bosquet une bonne heure avant de prendre des nouvelles de collègues restés au rade qui nous garantissent le retour à la tranquillité. On peut enfin trinquer avec la patronne à la santé des deux pays. » Florian, dans le Jura


Sus aux FIAT !

« Je me dirige place Stanislas pour fêter ça, immédiatement, trois supporters français me demandent d’enlever mon maillot, je leur réponds qu’avec les leurs, ils ne réussissent pas à atteindre le nombre d’étoiles que je porte. Ça commence à chauffer et les CRS interviennent, ils me raccompagnent même jusqu’à chez moi. Pendant ce temps, des mecs pètent des rétros dans les rues, mais que ceux des Fiat. » Théo, à Nancy


L’alcool n’excuse pas tout, Didier

« Avec deux petits cousins, on descend en ville au bar Le Tambourin, à une dizaine de minutes de la maison. Bardés de nos maillots floqués Del Piero, je ne fais pas deux mètres qu’on insulte ma mère pour un métier qu’elle n’a jamais pratiqué. Mon pote barman nous a réservé trois chaises devant l’écran géant, derrière nous, une centaine de supporters français. Au péno de Zidane, on nous secoue et on encaisse des insultes, on ne se gêne pas pour exulter à l’égalisation de Matrix. À la mi-temps, l’alcool et la chaleur commencent à faire leur effet. Ayant les deux jeunes sous ma responsabilité, je décide de repartir en prenant bien soin de passer par des endroits plus calmes. On finit le match à la maison, les seuls à faire la fête dans un quartier muet. Mon cousin de seize ans prend sa première cuite. » Julien, à Mèze


Putain, c’qu’il est blême !

« Je viens d’emménager dans un nouveau HML, je ne connais personne et je regarde le match tout seul. Il fait très chaud, les fenêtres sont grandes ouvertes, tout le monde entend mes réactions. On commence à m’insulter en bas de la rue, pris dans l’euphorie, je sors torse nu avec le drapeau de l’Italie sur les épaules. Les jeunes du quartier me balancent des canettes et des cailloux, je cours jusqu’à ma voiture et rejoins des potes. » Marco, à Villers-le Bel


Stock car

« Au tir au but vainqueur, je sors dans la rue et gueule jusqu’à ce qu’on me dise de rentrer parce que les gens deviennent complètement cons, surtout les bagnoles qui passent ! Malgré le refus de ma mère, mon père et moi sortons en voiture pour voir l’ambiance générale en ville. On cache les maillots et drapeaux, à la sortie de la ville, je fais le petit con en agitant mon drapeau par la fenêtre et en gueulant « merci Zizou« . Mon père me remet en place et accélère d’un coup parce que ce n’est pas le genre de bled dans lequel il faut faire ça. On reçoit quelques projectiles et des insultes incompréhensibles pour mon âge, puis on prend la direction de la Belgique où les Italiens sont très nombreux, mais c’est encore plus dangereux qu’en France, les Ritals sont déjà bien bourrés et roulent n’importe comment. » Savinien, dans le Nord


Maréchal nous voilà

« Au bar Le Samoa, beaucoup de supporters français et très peu d’italiens, mais une ambiance chaleureuse et des chambrages bon enfant. Après la victoire, on se fait la rue de Paris jusqu’à la place des quatre chemins. Beaucoup de monde quittent les lieux, déçus, seul un petit groupe d’Italiens auxquels je me joins fête le titre. Cela dure sans encombre jusqu’au bout de la nuit. Je prends d’ailleurs une amende pour excès de vitesse en rentrant chez moi, une des seules que je n’ai jamais contestées. » Julien, à Vichy


Rattrapages aoûtiens

« On sort le champagne à la maison et nous filons ensuite sur Paris en voiture pour fêter ça. Je vois des mecs venir vers des Ritals et leur demander de ranger leur maillot. Nous ne descendons pas de la voiture, préférant repartir chez nous. Pas grave, on se rattrape durant tout le mois d’août en Italie. » Gerardo, à Paname


Poubelles et maison en feu

« On prend la caisse, direction la place de ma ville où le match est diffusé sur écran géant. Les poubelles crament et les policiers nous voyant avec nos maillots et drapeaux nous demandent de partir, car ça risque de dégénérer. On part donc sur Paris en klaxonnant, les supporters français nous incendient et nous insultent de tous les noms. Le lendemain, je laisse le drapeau italien accroché à la fenêtre de la maison, ma mère le retire craignant de voir la maison réduite en cendres. » François, à Herblay


Œufs mimosa

« Je croise un mec de mon village avec qui je ne parlais jamais : « Préparez les mouchoirs dans votre famille, vous allez pleurer« , me dit-il. Nous avons vu la rencontre à Esch-sur-Alzette au Luxembourg, dans le bar où mon père avait fêté le troisième sacre vingt-quatre ans plus tôt. Le lendemain, il veut que j’aille déposer un paquet de mouchoirs devant la porte du gars que j’avais croisé la veille… Je ne le fais pas, me disant que ça ne sert à rien d’entrer dans son jeu. La nuit suivante, on jette des œufs sur notre façade. » Simon, à Thionville


Un petit coin de Naples

« Le paternel accroche benoîtement notre drapeau italien aux fils d’étendage donnant sur la rue, en plein Marseille, avec des pinces à linge. Avec toute la bienveillance du monde, une voiture s’arrête au niveau de l’appartement et son occupant en sort tout simplement pour hurler : « Vous vous croyez à Naples, bande d’enculés de voleurs ? » Toute la famille à l’intérieur est ivre de bonheur – et ivre tout court –, on rit beaucoup. Et longtemps. » Romain, à Marsiglia


Ici c’est Bari !

« J’offre le prosecco à mes potes d’en face, le verre le plus amer que j’ai dû leur offrir dans leur vie. La fête peut commencer. Départ en voiture vers Paris, drapeaux au vent et We are the Champions en bande sonore. Rendez-vous sur un rond-point dans le 16e complètement aux couleurs de l’Italie. Craquage de fumi, puis un arrêt place Saint-Michel pour boire des coups avec d’autres Ritals. Un peu plus loin, ce qu’il reste des supporters français ayant vu le match sur écran géant à l’hôtel de ville s’approchent et nous menacent. S’ensuit un échange de projectiles avant l’intervention de la BAC. Ça se calme gentiment, quand, au loin, on entend l’hymne de Mameli entonné par un autre groupe (assez important) d’Italiens qui finit par nous rejoindre. Les flics sont obligés de faire partir la vingtaine de supporters français. » Gilbert, à Parigi


La play-list du démon

« On file au centre-ville, dès notre arrivée, lorsqu’on se gare, les riverains ouvrent les fenêtres pour nous insulter de sales macaroni en nous suggérant de retourner dans notre pays. Tous corrompus, tous mafiosi, et, le Calciopoli venant d’éclater, les joueurs de la Nazionale iront en prison dans les prochaines semaines. Rue Serpenoise, on se prend des seaux d’eau glacée sur la tête. Ce qui ne nous empêche pas de poursuivre place Saint-Louis, tous ivres de joie, réunis à écouter les classiques italiens à fond de balle comme L’Italiano, Sarà perchè ti amo, Felicità. Un petit coin d’Italie improvisé sur le moment avec quelques clichés de sortie (les belles brunes, les Vespa, les Fiat 500…). On est sur une autre planète. » Paolo, à Metz


J’ai embrassé un flic

« Rue du président Herriot, une artère principale BCBG, avec quelques potes, on n’est même pas trop bruyants, une canette de bière jetée de plusieurs étages me frôle la tête de quelques millimètres. Des gens chantent La Marseillaise de leurs balcons. On se dirige place Bellecour avec nos drapeaux, or les bouches de métro sont momentanément fermées, tous les supporters tricolores sont encore là. On a le droit à une haie d’honneur d’insultes et de crachats. Les CRS sont un peu plus loin derrière, on court se réfugier vers eux avant de rentrer rapidement à l’appart’. » Armand, à Lione


Simple et efficace

« Ma mère va chercher la voiture, met un CD de Marco Masini, et, bien sûr, le titre Vaffanculo à fond dans les rues. » Dylan, à Annecy


Match de baseball

« À peine le temps de monter dans la voiture pour aller fêter la victoire que mon cousin m’appelle. Il est chez des amis à Amnéville, la ville qui jouxte la mienne. Lui aussi s’apprête à aller défiler, mais des barrages anti-ritals l’empêchent d’aller bien loin. Il nous conseille de rester bien au chaud, certains supporters des Bleus sont même armés de battes de base-ball et cherchent à en découdre. Et effectivement, nous nous rendons compte que la ville est bien calme. Nous attendons un peu, puis nous nous décidons à sortir vers minuit et demi. Les rues sont désertes. Il y a des poubelles renversées au milieu des routes. Des pots et jardinières de fleurs qui décorent la ville sont brisés et jetés à travers les rues. Plus loin, à Clouange, des vitrines ont été brisées. Pour moi, il en reste un goût d’inachevé et pas mal d’amertume. En y repensant, on nous a empêchés de fêter tous ensemble le plus beau des titres, boire un verre dehors, se raconter le match, danser une tarentelle dans la rue. Et inutile de dire que depuis ce match, on ressent tous une espèce de sentiment anti-rital à l’approche et pendant les grandes compétitions. Tout sauf l’Italie. » Jérôme, à Rambas

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