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Jesus Tomillero, l’arbitre qui lutte contre l’homophobie
Jesus Tomillero était arbitre chez les jeunes en Andalousie. Après son coming-out, il a reçu des insultes portant sur son orientation sexuelle. Les instances n'ont pas bougé. Il a préféré ranger le sifflet.
« Tu peux appeler ma représentante pour caler l’interview s’il te plaît ? Il n’y a pas de problème, c’est juste pour l’aviser. Son numéro est sur ma bio Twitter. » Jesus Tomillero est un homme demandé. Espagne, Grèce, Amérique latine, Chine : son histoire a été relayée partout dans le monde. Même le Guardian lui a accordé un article sur son site internet. Cinq minutes plus tard : « Bon écoute, pas besoin de la contacter, on fait ça maintenant. » Jesus Tomillero a 21 ans et déjà 10 ans d’arbitrage derrière lui. Il y a deux ans, il fait son coming out via les réseaux sociaux. Un acte courageux, surtout quand on évolue dans un sport rempli de « machos alpha » selon sa propre expression, qui plus est dans une région empreinte de religion teintée de superstition. Le 26 mars dernier, lors d’un obscur match de cadetes (14-15 ans) disputé à quelques encablures du Rocher de Gibraltar entre Mirador et Peña Madridista Linenese, Tomillero reçoit des insultes à caractère homophobe pour une histoire de hors-jeu. « Personne n’a rien dit, encore moins appelé la police, se remémore l’arbitre au fort accent andalou et au débit mitraillette. Normalement, de telles insultes sont passibles d’une condamnation pénale. » Le délégué ne bronche pas. Deux joueurs et un responsable du matériel de la Peña Madridista Linenese le poursuivent jusqu’à la porte du vestiaire à coups de caillasses. Il en sort par une porte dérobée, en pleurs. Bilan : le « responsable » s’en sort avec une suspension de 9 matchs et une amende de… 30€. Ce n’est pas la première fois que telle mésaventure lui arrive. En février, pour un match entre gamins de 8 ans, un délégué de l’Atlético Zabal l’insulte pendant près d’une heure. À cette époque, ses collègues arbitres lui déconseillent de porter plainte.
Un appel d’Iker Casillas
Quelques semaines plus tard, début mai, il range définitivement cartons et sifflet. Après avoir porté plainte (deux jugements sont à rendre dans les prochaines semaines) et raconté son histoire, il était devenu une cible. « Une supportrice m’a insulté de pédé de merde qui passe à la télé parce que j’avais sifflé un penalty. Le pire dans tout ça, c’est que ça a fait rire les autres spectateurs au bord du terrain. Je me suis senti humilié. » La vie n’a pas fait de cadeau à Jesus et son frère, comme il l’a raconté dans El Español : père assassiné quand il avait trois ans, mère qui les laisse dans un centre pour mineurs pendant 3 mois avant qu’un grand-père et une tante ne les récupèrent. Il lâche le bahut à 14 ans parce qu’il préfère travailler (il cumule deux boulots, en plus de l’arbitrage). Il n’aime pas tellement regarder le football. Ce qui lui plaît, c’est participer. L’homme qui se rêvait policier a la réputation d’être strict, parfois un peu trop. Régulièrement, il a arbitré jusqu’à 6 matchs par week-end. Pour le remercier de son implication, ni le comité arbitral andalou, ni la Fédération espagnole, ni l’UEFA n’ont daigné lui adresser un mot de soutien : « En revanche, Iker Casillas m’a appelé, ça m’a donné beaucoup de force. Le Barça m’a envoyé un message et m’a invité, Cadiz et le Rayo Vallecano, qui arbore les couleurs LGBT sur son 2e maillot, aussi. »
Un futur en politique
Dans un pays qui vient tout juste de célébrer les dix ans de la légalisation du mariage entre personnes du même sexe, cette affaire rappelle que l’acceptation n’est pas encore effective. « Dans le sport, il y a peu de respect pour les homosexuels, martèle Tomillero. Pourtant, chacun est libre de dire ce qu’il est. Après tout, pourquoi je ne bénéficierais pas des mêmes droits ? C’est lamentable. L’homosexualité n’est pas une maladie. » Lui qui n’est jamais allé plus loin que Cadiz a été invité à un show télé à Madrid, aux premières assises du sport contre l’homophobie à Zamora (Castille Leon) et le 28 juin prochain au Parlement européen, à Bruxelles. Si Pablo Iglesias, leader de Podemos, lui a affiché publiquement son soutien, Tomillero se trouve à l’opposé de l’échiquier politique puisqu’il est encarté depuis 5 ans au Partido Popular, le parti de droite dirigé par Mariano Rajoy qui lui a récemment passé un coup de téléphone. Tomillero souhaite créer une association de lutte contre l’homophobie et faire passer une loi pour que le gouvernement andalou promulgue une loi contre l’homophobie dans le sport et le droit de quitter le terrain en cas d’insultes. « C’est difficile parce que c’est mal vu, mais il faut dire ce que l’on est. Ce n’est que comme ça que l’on peut changer les choses. »
Par François-Miguel Boudet