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Jesus crispe

Par Matthieu Pécot, au Spartak Stadium
4 minutes
Jesus crispe

Il y a du mieux dans le jeu de Gabriel Jesus, mais le n°9 du Brésil n’a toujours pas marqué. Pour autant, il faut s’attendre à ce que Tite l’aligne de nouveau pour le 8e de finale face au Mexique. Le plus jeune des 23 joueurs de la Seleção mérite bien cette indulgence.

Croisé dans des toilettes du Spartak Stadium à la mi-temps, ce spectateur chinois d’une trentaine d’années a les jambes écartées, les mains là où il faut et le regard figé sur le mur qui se trouve à une trentaine de centimètres de son front, allez, une vingtaine. Il porte le maillot du Brésil floqué du n°9, celui de Gabriel Jesus. Cet homme-là a l’air pensif et il a des raisons de l’être. Car ces derniers jours, Gabriel Fernando de Jesus n’a pas forcément la cote aux yeux des supporters de la Seleção. Transparent face à la Suisse (1-1), il avait ensuite été empêché de marquer face au Costa Rica à cause de la barre transversale de Keylor Navas (2-0). Deux matchs et zéro but plus tard, le débat concernant sa légitimité à être l’avant-centre titulaire du Brésil avait lieu d’être, surtout quand on sait que Roberto Firmino, qui n’a joué que 33 minutes depuis le début du tournoi, a des fourmis rouges dans les jambes.

Neymar et Coutinho ne l’oublient pas

Face à la Serbie, l’attaquant de Manchester City n’a toujours pas marqué, donc. Pour autant, on pourrait jurer que Tite lui renouvellera sa confiance en 8es de finale face au Mexique. Car tout n’est pas à jeter dans la prestation qu’il a signée ce soir à Moscou. Certes, tout n’est pas encore fluide dans ses combinaisons avec Neymar et Coutinho, mais il y a une réelle volonté de ces deux-là de le chercher, ce qui s’est surtout vu en première période, notamment lorsque Neymar s’est appuyé sur lui avant de se procurer la première grosse occasion sud-américaine (25e). Avant cela, les choses avaient plutôt mal commencé puisqu’il avait contré en position de hors-jeu une frappe de Coutinho (2e) avant de perdre son duel face à Stojković (4e), puis de foirer un contrôle qu’un mec de CFA un peu technique aurait réussi (6e). Mais comme l’avaient laissé deviner ses douze signes de croix exécutés juste après avoir donné le coup d’envoi, le natif de São Paulo a continué de croire en lui.

Que les choses soient claires : nous ne sommes visiblement pas dans la configuration de 2014, année où le 7-1 encaissé par l’Allemagne en demi-finales n’avait pas suffi pour effacer des esprits brésiliens le fait que Fred avait certainement signé la Coupe du monde la plus laide d’un n°9 de la Seleção. Aujourd’hui, disons que le chantier avance doucement, mais avance quand même pour celui qui en est désormais à 10 buts en 20 sélections. Si les statistiques se souviendront que l’ouverture du score face à la Serbie a été l’œuvre de Paulinho sur une passe décisive lumineuse de Coutinho (1-0, 36e), les mémoires moins sélectives se rappelleront que les deux membres de la charnière centrale serbe (Milenković et Veljković) ont été aimantés par leur naïveté et le décrochage malicieux de Gabriel Jesus, laissant ainsi le champ libre à Paulinho. Cela s’appelle du travail invisible, ce n’est pas forcément ce qu’on est en droit d’attendre d’un n°9 de la Seleção, mais ça a l’air de suffire au bonheur de Tite, qui a laissé Jesus sur le terrain pendant tout le match.

Après tout, peut-être que cette équipe a besoin d’un type qui est capable d’un avant-centre qui met son ego de côté pour mieux laisser Neymar et Coutinho se charger d’éparpiller l’ADN brésilien un peu partout sur la pelouse. À Moscou, le public auriverde ne l’a naturellement jamais sifflé, mais cela ne veut pas dire pour autant dire qu’il l’adore. Avant la rencontre, un supporter torse nu apparaissait sur les écrans géants du Spartak Stadium en affichant fièrement ses dents et une banderole indiquant « 2018 : 6e Coupe du monde avec Neymar+Coutinho. 2022 : 7e Coupe du monde avec Paqueta et Vinicius Junior » .

Plus jeune des 23 Brésiliens actuellement en Russie, Gabriel Jesus (né en 1997) a cinq ans de moins que ses plus proches aînés titulaires contre la Serbie (Alisson, Neymar et Coutinho, nés en 1992). Cette réalité mérite qu’on accorde encore du crédit à ce garçon qui sait aussi faire l’otarie, comme il l’a prouvé en jouant avec Rukavina comme s’il s’agissait de son propre clébard (77e). Le Brésil veut peut-être tout simplement que son attaquant le fasse gémir de la sorte plus souvent.

Allez Jésus, reviens parmi les tiens !

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