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Jérusalem ne verra pas le Messi
Refroidie par les pressions exercées par la Palestine et ses soutiens, l'Argentine a annulé le match amical qu'elle devait livrer ce week-end à Jérusalem face à Israël. Une rencontre dont le contexte était devenu irrespirable en raison des provocations et menaces exercées par les camps pro-israéliens comme pro-palestiniens. De quoi pousser la Fédération israélienne de football à déposer une plainte auprès de la FIFA, en accusant la Fédération palestinienne de « terrorisme footballistique ».
« Le match n’a été annulé que pour une seule raison : les menaces sur la vie de Messi, de sa famille. » Ce mercredi 6 juin, Miri Regev, la ministre de la Culture et des Sports israélienne, l’a mauvaise : Israël doit dire adieu au match de gala que sa sélection devait disputer face à l’Argentine. La faute au choix du lieu du match, censé se disputer à Jérusalem. De quoi politiser à l’extrême une rencontre qui devait à la base rester un banal match amical.
« Jérusalem vaut chaque shekel »
Fin février, les fédérations argentine et israélienne annonçaient dans un premier temps la tenue d’un match entre leurs deux équipes nationales prévu pour le 9 juin à Haïfa, au nord-ouest du pays. Jusqu’ici, tout va bien. Jusqu’à ce que Miri Regev, ministre des Sports israélienne connue pour son intransigeance et ses provocations verbales vis-à-vis du camp palestinien, ne décide de changer la donne début mai. Cette dernière annonce alors que la rencontre se disputera non plus à Haïfa, mais à Jérusalem.
Un choix très osé alors que Donald Trump s’apprête à donner un grand coup de pied dans l’échiquier géopolitique, en installant mi-mai l’ambassade américaine à Jérusalem. Délocaliser le match dans la cité de David a aussi un coût non négligeable : 2,5 millions de shekels, soit près de 600 000 euros. Qu’importe, Regev insiste sur la puissance symbolique que la tenue de la rencontre dans la ville sainte aurait pour l’État juif : « Jérusalem vaut chaque shekel. »
Messi, cible prioritaire
Déjà controversée économiquement, cette décision met le feu au poudre sur le plan politique. Le 28 mai, Jibril Rajoub, président de la Fédération palestinienne de football, adressait une lettre à son homologue argentin pour le dissuader d’envoyer l’Albiceleste à Jérusalem. Avant de passer à la vitesse supérieure dimanche dernier, face à l’absence de réaction de la Fédération argentine : « Nous allons lancer une campagne contre la Fédération argentine (AFA), en visant Messi… Nous demandons à tous de brûler les maillots à son nom et les posters du joueur. »
Incendiaire, à l’image des déclarations de Regev, qui continue en parallèle de narguer le camp palestinien en déclarant le lendemain que « Messi viendra à Jérusalem pour embrasser le Mur des Lamentations » . Le 5 juin, des militants pro-palestiniens finissaient ainsi par brandir des maillots argentins tachés de sang, en marge d’un entraînement de l’Albiceleste, à Barcelone. Le coup de trop pour la Fédération argentine, qui décide d’arrêter les frais : « Ce qui s’est passé ces 72 dernières heures nous a conduits à prendre la décision de ne pas voyager » , a ainsi rapporté ce jeudi Claudio Tapia, le président de l’AFA.
Une vraie victoire pour la Fédération palestinienne (PFA), qui enregistre enfin un succès tangible face à son homologue israélienne. En octobre 2016, la PFA avait déjà sollicité la FIFA pour qu’elle sanctionne les clubs des colonies israéliennes de Cisjordanie occupée. Un territoire annexé illégalement par Israël, au regard du droit international. Mais la Fédération internationale avait préféré rester à l’écart du jeu politique. En 2015, la Fédération palestinienne avait aussi demandé à la FIFA de suspendre la Fédération israélienne. Sans plus de résultat. Au milieu de ce micmac politico-sportif, la décision prise par la Fédération argentine d’annuler son déplacement à Jérusalem semble, elle, satisfaire les joueurs de l’Albiceleste, inquiets de voir leur préparation pour la Coupe du monde perturbée. « Nous avons pu faire ce qu’il convenait, a ainsi déclaré Gonzalo Higuaín. Nous croyons que le mieux était de ne pas y aller. »
« Terrorisme footballistique »
Un choix qui ne satisfait cependant pas tout le monde au pays. Le quotidien argentin Clarín qualifiait ainsi ce mercredi la sélection de « Champions du monde de l’absurde » , en se moquant de l’équipe pour avoir découvert « seulement maintenant » les problématiques du conflit au Moyen-Orient. Les journaux argentins n’oubliaient également pas de souligner que l’AFA avait, semble-il, laissé les considérations politiques l’emporter sur ses intérêts économiques : selon plusieurs médias israéliens et argentins, l’organisateur du match côté israélien, la société privée Comtec, devait en effet verser à la Fédération argentine un cachet de deux à trois millions de dollars pour rémunérer l’escapade de l’Albiceleste en Israël.
Un pactole finalement moins convaincant que les pressions exercées par le camp palestinien. Si bien que la Fédération israélienne de football a déposé une plainte auprès de la FIFA, accusant la Fédération palestinienne de « terrorisme footballistique » . Signe que les dirigeants du football israélien ne sous-estiment pas les conséquences du retrait argentin. « C’est un signal très fort, confiait ce mercredi au Monde le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, Pascal Boniface. Cela signifie qu’aller en Israël et à Jérusalem ne va pas de soi, et que ce ne sont pas des destinations anodines. D’autres vont forcément se poser la question à l’avenir… »
Par Adrien Candau